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Plagiat et procès : 03 histoires qui ont secoué la musique camerounaise

Plagia
03 histoires qui ont secoué la musique camerounaise

Plagia

Il est courant de rencontrer une œuvre musicale qui s’inspire d’une autre. Il peut s’agir de l’arrangement d’une œuvre ou de la réutilisation stricto sensu d’une partie de l’œuvre ; ce que l’on nomme le sampling. Quelle que soit la technique utilisée, pour que l’emprunt soit licite, l’artiste doit obtenir l’autorisation de tous les ayants-droit de l’œuvre première.

Ce qui n’est pas toujours le cas, beaucoup d’artistes optant pour le « pas vu, pas pris ». Mais il y a des seuils au-delà desquels certaines manœuvres confinent à l’énormité. Voici 3 histoires qui ont secoué la musique camerounaise.

Soul Makossa : Quand une Face B devient un tube planétaire

1972 : le Cameroun accueille la Coupe d’Afrique des Nations. Manu Dibango est choisi pour enregistrer l’hymne officiel de la compétition. En face A, l’hymne convenu est gravé. Mais il faut une face B… Manu s’inspire d’un rythme traditionnel Makossa et lui donne une coloration Soul. Tout simplement, il l‘appelle Soul Makossa et le répète chez ses parents, dans un quartier de Douala. Le gimmick est simple : « Mamako mamama mamasa ». Les camerounais s’étonnent de voir Manu bégayer ainsi… Mais c’est la face A qui compte. Le « 45 tours » est distribué gratuitement, comme convenu, aux supporters. Lesquels cassent leur vinyle pour protester, quand le Cameroun perd 1-0 contre le Congo. Fin de l’histoire ? Eh bien, non !

Nous sommes à l’époque de Black Is Beautiful, de Racines d’Alex Haley, les Noirs américains viennent en France chercher des disques d’africains faits en France. Un homme va sortir Soul Makossa de l’oubli : David Mancuso. À New-York, il organise chaque week-end des fêtes underground dans son Loft, façonnant le clubbing moderne. Dans une boutique d’imports West Indies de Brooklyn, il déniche un « 45 tours » de Soul Makossa. S’en empare et le rend tendance dans les clubs. Frankie Crocker, attentif aux dancefloors, récupère un exemplaire à son tour. L’animateur de WBLS, la radio Black la plus populaire du moment, diffuse le titre sans arrêt, assurant une promo contagieuse. Soul Makossa, disque introuvable, devient chanson incontournable.

Soul Makossa
DR

1982 : Michael Jackson sort Thriller, l’album le plus vendu de tous les temps. « Wanna Be Startin’ Something » ouvre ce chef d’œuvre. Le producteur Quincy Jones a eu l’idée de reprendre le gimmick « Mamako mamasa makossa», à partir de 4 :45, 77 secondes qui rendent Manu Dibango éternel. Par contre le saxophoniste camerounais n’est pas crédité sur le morceau à l’époque. Un jour, une amie félicite le saxophoniste pour sa collaboration avec le King of Pop… Dibango tombe des nues et entame une longue procédure judiciaire pour plagiat.

« Quand je suis passé à l’Appolo de Harlem, en 1973, Michael Jackson et Barry White étaient dans la salle, se rappelle Manu Dibango. J’étais flatté que ce grand esprit de la musique devienne mon porte-voix sauf que mon nom ne figurait nulle part sur la pochette. Nos rencontres ont eu lieu par avocats interposés. » Un arrangement à l’amiable est trouvé.

Manu renonce à ses droits et à être crédité sur Wanna Be Startin’ Somethin’, mais encaisse à peu près deux millions de francs de l’époque en dédommagement et toute utilisation ultérieure nécessitera son autorisation.

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Plus tard, le morceau a été samplé une quarantaine de fois, notamment par Jay Z sur Face Off, par Kanye West sur Lost In The World, qui l’ont crédité. Avec Jennifer Lopez, et Rihanna, l’affaire s’est de nouveau terminée devant les juges.

Hot Koki : Tala André Marie Vs James Brown

1973, Tala André Marie, le « Ray Charles » camerounais, inventeur du « Tchamassi », un genre musical éclectique, mélange de soul, de jazz et de Rythm & Blues mâtiné de sonorités traditionnelles camerounaises comme le Makossa et le Bikutsi, sort « Hot Koki ». Au même moment, la star planétaire, James Brown se trouve au Cameroun pour sa tournée. Tala lui remet alors une copie de son disque, histoire de faire découvrir la musique camerounaise au Parrain de la Soul.

1975 : la surprise. James Brown sort son 44e album «  Everybody’s Doin’ the Hustle & Dead on the Double Bump », qui s’ouvre par le Hit Hustle!!! (Dead on It). Une reprise intégrale de Hot Koki : même gamme, même introduction, même corps du morceau sur le plan rythmique et mêmes refrains, seules les paroles sont en anglais. Furieux, Tala André Marie se rend à Paris pour intenter une action en justice. Il fallait du courage pour s’attaquer à ce monstre sacré. Il n’était pas facile de s’attaquer à un monument comme James Brown. De plus, personne ne le croyait. Il a fallu que des gens comme Georges Collinet (qui travaillait à l’époque à La voix de l’Amérique) montent au créneau en présentant les deux versions de la chanson Hot-koki : celle de James Brown et la sienne pour que des Africains écrivent de milliers de courriers qu’on a déversés chez James Brown.

Hot koki
DR

Son éditeur, Renaldo Cerri raconte « Le procédé m’avait horrifié. James Brown était venu au Cameroun donner une série de concerts. André-Marie Tala qui venait de sortir un album chez Decca est contacté par « le grand frère » qui possède une chaîne de radios aux Etats-Unis et lui promet de s’occuper de sa promo. Quelques mois après, le titre sort sous le nom de James Brown. Faire ça à un artiste aveugle qui avait du mal à survivre, je n’ai pas supporté. J’ai pris des avocats américains car face à la loi américaine, la loi française n’était rien. Il y a ce problème des lois qui changent selon les Etats et les avocats jouent là-dessus. Si on n’a pas un spécialiste du pays, on est foutu ».

S’en suivent quatre longues années de procès, au terme desquelles le plagiat est finalement reconnu. André-Marie Tala obtiendra 15 % de toutes les recettes du titre. « Au-delà de la compensation financière, c’était surtout une victoire morale. Et la reconnaissance de la richesse et du patrimoine du peuple camerounais », se souvient le chanteur.

Avec cette histoire, André Marie Tala devient le symbole de la création musicale camerounaise et une référence pour ce qui est désigné au début des années 1980 « Wold Music ».

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Douala By Night : Tim & Foty Vs Missy Elliott

1978 : le duo Tim et Foty révolutionne la musique camerounaise, notamment avec leur album Eda, d’où est issu « Douala by night ». Un titre à la fois envoutant d’une vague disco et de riffs de guitare très funky. Le groupe connaîtra un succès mondial et sera parmi les meilleures ventes de musique africaine dans les années 80.

Un joli duo qui n’aura donc duré que 5 ans puisque c’est en 1982 que le groupe se sépare, laissant place à la carrière solo de Jean-Marie Tiam et son quartet de gospel Voices Four, dans lequel il est accompagné de ses 2 filles. Deux décennies plus tard, un illustre producteur de Hip Hop donne une nouvelle vie à leur tube.

2001 : Timbaland est encore loin d’être le concepteur musical starisé qu’il deviendra plus tard dans la décennie (entre 2006 et 2007) mais il est déjà un des producteurs Hip-Hop les plus prisés du milieu. Ses galons, il les a gagnés avec des compositions avant-gardistes, variées, parfois proches du bancal mais tout à la fois impressionnantes d’esthétisme. Dès le départ celui qui a débuté sous le nom de DJ Timmy Tim ne s’est fixé aucune barrière, n’hésitant pas à puiser un peu partout ses influences, piochant aussi bien dans la Black Music que dans la Pop et bien sûr, dans pas mal de World Music. A ce titre il arrive souvent à avoir une longueur d’avance sur nombre de ses pairs par l’usage de samples, d’obscures sorties connues de seulement quelques initiés. C’est le cas de cette ligne de ligne de basse empruntée au duo camerounais J.M. Tim & Foty. Une boucle utilisée comme base de « Dog In Heat », avec son beat mid-tempo binaire, quelques gimmicks de guitare funky et sa basse aussi ronde que la Missy de l’époque. Cette ligne  de basse est sûrement une des plus fines trouvailles de Timbo. Endiablée en version originale, elle devient suave et lancinante dans les mains de Mosley.

Douala by ni
DR

2007 : Jean Marie Tiam, alias Tim, enregistre un album solo dans lequel il veut inclure « Douala By Night » et le transformer en titre R&B. En studio, il découvre ébahi, par le biais de ses musiciens que le titre appartient à Missy Elliott. Il contacte alors la SACEM qui, après une étude de 3 mois, lui confirme qu’il a été plagié à 70%, ce qui constitue une fourchette considérable pour intenter une action en justice.

S’en suit une procédure judiciaire au terme de laquelle Missy Elliott et Timbo reconnaîtront avoir utilisé le sample sans créditer son auteur, et acceptent de partager les revenus liés au titre. Nous ne savons pas aujourd’hui, quelle somme a été versée à Tim, même s’il reconnaît qu’elle n’est pas mirobolante.


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