L’hypothèse Franck, le plan Ferdinand
La dénonciation d’une succession ordonnée n’est pas dénuée de sens. La famille Gnassingbé règne depuis 1967. Gnassingbé Eyadéma a été président jusqu’à sa mort en 2005, après quoi son fils, Faure Gnassingbé, lui a succédé. Le Togo présente des similitudes avec le Cameroun en termes de concentration du pouvoir et de manque de transition politique. Plus proche de nous: Teodoro Obiang Nguema Mbasogo est au pouvoir depuis 1979. Son fils, Teodoro Nguema Obiang Mangue, est actuellement vice-président et pourrait succéder à son père, perpétuant ainsi la dynastie. Juste sous nos yeux, on a vu aussi une continuité dynastique soutenue par la France : Idriss Déby est resté au pouvoir de 1990 jusqu’à sa mort en 2021. Son fils, Mahamat Idriss Déby, a pris la tête du pays en tant que président du Conseil militaire de transition. La préparation du fils était plus ou moins évidente dans tous les cas précités. La dénonciation revient dans le cas du Cameroun à un combat donquichottien contre des ombres, à lutter contre un ennemi qui n’existe pas, alors que l’acteur principal Paul Biya est encore là-.
Le Cameroun, c’est le Cameroun : Il est important de noter que les aspirations dynastiques sont souvent exacerbées par les acteurs politiques de second plan et les rentiers de la république qui cherchent à préserver leurs réseaux de clientélisme ou, in fine, s’emparer du pouvoir. Dans le cas du Cameroun, certains prétendants à la succession utilisent manifestement Franck Biya comme un épouvantail pour faciliter leur propre accession au pouvoir. Ils pensent avoir cerné le « fils », l’envisagent comme un adversaire facile à contrôler ou à vaincre. Ce qui est plausible, n’ayant pas comme son père d’expérience administrative ni professionnelle accomplie. Franck est présenté comme un homme d’affaires. Ou comme étant diplômé de grandes universités américaines. Personne n’a jamais vu les photos de sa remise des diplômes. Ni vu ses résultats économiques. Il a accumulé des faillites (Australie, Grande Bretagne, Cameroun) et des scandales (Camtel) depuis plusieurs décennies. Et ses amis se recrutent davantage dans les milieux de la jet-set que dans les hauts lieux de pensée, d’action, ou diplomatiques. En étant lache et pleutre en 1982 Biya est devenu président de la république: en étant inaudible et opaque Franck Biya pourrait nous prendre par « lâcheté »? Ce serait plutôt une succession de notre bêtise à notre bêtise.
La simple analyse logique suggère que les risques associés aux dynasties politiques en Afrique sont suffisamment élevés pour que Paul Biya n’ait pas songé à faire cadeau du Cameroun à son fils qui a déjà mis en faillite tant de projets moins compliqués. Ceux donc qui font de Franck Biya l’ennemi dans l’oeuf essaient de construire sa figure publique, de la crédibiliser, de nous la rendre familière, pour mieux faire avancer leur agenda. Qu’il vous suffise de fouiller dans leurs allégeances passées: on ne peut pas avoir sanctifié un tueur comme Belinga Eboutou sans éprouver au moins de la sympathie pour Ferdinand Ngo Ngo son fils spirituel.
Et les discours tendant à dire « vous allez faire quoi » sont dénués d’intelligence. Des régimes plus forts que Biya sont tombés ces dernières décennies. Au Zimbabwe, la famille Mugabe a gouverné pendant 37 ans (1980-2017) avant d’être renversée par un coup d’État militaire. La famille Mobutu au Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo) a dirigé le pays pendant près de 32 ans (1965-1997) avant d’être renversée. En Egypte (Hosni Moubarak prévoyait de transmettre le pouvoir é son fils Gamal), en Tunisie, en Algérie, en Libye (Kadhafi préparait son fils), ils avaient tout, et surtout à leurs pieds des peuples qu’on croyait serviles, partageant la même foi religieuse, et ayant moins de raisons que les Camerounais de mettre le feu partout.
Franck Biya serait une régression, et l’objectif d’une succession dynastique apparait une dégénérescence. Ce n’est donc pas le plan de Paul Biya pour le Cameroun. On sait chez nous que les grands empires économiques ne survivent pas toujours aux milliardaires qui les ont formés. La question de la succession politique suivrait les mêmes dynamiques. Je fais crédit à Paul Biya d’une intelligence supérieure à celle des agités du bocal du SGPR ou à celle des agitatrices en attente et autres agitateurs de la toile. Je crois, pour être honnête que même dans l’affaire Martinez, Biya est absent, rien de ce qui s’est passé ne correspond au style de l’homme. Qu’il ait décidé de traiter une affaire criminelle complexe comme un flagrant délit, alors qu’il travaille au quotidien avec ceux qui complotent sa chute ne lui ressemble pas.
Les précédents historiques des dynasties politiques et économiques africaines démontrent qu’elles ont souvent conduit à des échecs et à des crises. Par conséquent, il est important que les Camerounais se préparent, rien n’est joué d’avance, et Paul Biya n’a lui-mémé aucune idée de ce qui adviendra après lui parce que c’est vous qui ferez l’après-lui, c’est vous qui le déférez. Ce n’est pas une région, un titre, qui vont succéder à Biya, mais un profil et un programme. A un moment, il faudra que des gens avec des métiers, des états de service, des combats menés pour ce peuple soient visibles sur la carte, on finira par avoir le choix. L’évangile de l’action prêché par des sans-travail, ça ressemble à des tentatives d’escroquerie.