Je suis surpris par la bile déversée par certains compatriotes, aux allures de vendetta, sur l’ancien DG du Budget, Antoine Samba, sur le simple prétexte qu’il a une demeure que n’aurait mérité aucun fonctionnaire camerounais.
Ma surprise tient au fait que c’est aujourd’hui seulement que certains trouvent à redire sur ce château. A l’époque où ce monsieur était Directeur général du Budget, il ne s’est trouvé personne pour aller filmer ses avoirs et inonder la toile de vidéos et de photographies. Les héros d’aujourd’hui sont donc restés longtemps des lâches…
Toute la littérature haineuse déversée sur ce seul individu ces derniers jours surprend en plus, parce qu’on n’a pas vu beaucoup de Camerounais protester lorsqu’un projet de loi portant révision du code pénal a été présenté au Parlement, examiné et voté, puis promulgué plus tard par le président de la République, alors qu’il avait été délesté de l’infraction relative à l’enrichissement sans cause… On n’a pas vu tous ces excès langagiers quand le ministre de la Justice a dévoilé la raison pour laquelle son équipe et lui-même avaient soustrait du projet initial une disposition qui aurait pu freiner grandement la grande corruption. Pour lui, il fallait éviter qu’un officier de police judiciaire mette en cause un citoyen parce qu’il avait porté des belles chaussures…
Avec une telle infraction pourtant, on aurait pu traquer non pas seulement les richesses extravagantes d’une ou deux personnes, mais tous ces « avoirs » qui apparaissent comme indécents au regard des revenus potentiels ou réels de leurs détenteurs. Faire une chasse au seul Antoine Samba, dans ces conditions, (même si ses avoirs visibles paraissent excessifs au regard de son parcours professionnel) relève d’une grande d’hypocrisie. Cela relève même de la lâcheté puisque personne n’a levé le doigt quand le concerné était aux affaires comme on dit chez nous…
Ceux qui s’extasient avec jalousie dans certains réseaux sociaux contre ce monsieur font mine de ne pas voir que, dans leur voisinage le plus proche, se dressent de nombreuses fortunes extravagantes ou non qui méritent d’être questionnées, tant elles semblent relever de l’enrichissement illicite. D’une génération spontanée de richesse…
Il faudrait aller voir certains quartiers de Yaoundé pour comprendre que l’ancien DG du Budget n’est pas seul… Il faudrait aller à Odza, à Santa Barbara, au Golf, etc., pour s’en rendre compte. Il faudrait regarder les voitures dans lesquelles roulent certains fonctionnaires… Il faut s’informer sur les noms de la plupart des locataires des institutions et administrations publiques pour s’en convaincre. Les plus grands propriétaires immobiliers de la République sont des fonctionnaires, quand on met de côté certaines banques qui ont fait de la chasse des titres fonciers de leurs clients leur raison d’être…
Pour moi, ce qui se passe autour d’Antoine Samba, même si cela n’est pas totalement immérité, relève de la diversion… Il faut peut-être en finir avec lui pour mieux masquer les forfaits du plus grand nombre… Si on veut lancer une vraie croisade contre le fléau de l’enrichissement illicite, il est impératif de se donner les moyens de cibler tous les suspects. Des plus petits aux plus grands… Celui qui a détourné 100.000 FCFA n’est pas plus vertueux que celui qui s’est approprié 100 milliards de FCFA. L’homme d’affaires qui vole l’Etat n’est pas moins condamnable que le fonctionnaire.
C’est ici que je partage la réaction de Jean-Lambert Nang. Quand on ne s’indigne pas du fait qu’un homme d’affaires a englouti tout le budget destiné à l’achat d’un avion présidentiel, plus de 24 milliards de FCFA, je trouve suspect qu’on pousse des cris d’orfraie devant le château d’Antoine Samba. Quand les excès de certains sont présentés comme des manifestations d’un «patriotisme», alors que ceux des autres sont perçus à l’inverse, je me dis tout simplement que nous ne sommes pas prêts pour traquer les voleurs.
Dans un pays où on accompagne et promeut une littérature qui célèbre ouvertement le rapt de la fortune publique, il est difficile de convaincre qu’on est sincère lorsque les mêmes s’acharnent comme on le voit sur Antoine Samba.
https://www.youtube.com/watch?v=GJCE0EQZ3fI
Monsieur Antoine Samba est bel et bien un entrepreneur prospère. Le statut de la fonction publique au Cameroun l’autorise. Le problème que pose sa fortune est moins celui de la corruption que de la collusion entre fortune privée et fortune publique. D’ailleurs, les opposants à l’actuel statut des fonctionnaires posaient ce problème de conflit d’intérêts car, il devient difficile de dire si la fortune querellée est issue des caisses publiques ou des entreprises privées.
La vérité dans cette affaire est que la résidence de fantasmes/rêves de monsieur Samba est le fruit d’une bonne quinzaine d’années de construction. Ce n’est donc pas le fruit de ses dernières nominations, au budget par exemple. La question de savoir si cette résidence est indécente ou non est une autre affaire. Mais, à chacun sa liberté.
Le vrai problème est ailleurs. Ce n’est pas parce qu’il y a le vol au Cameroun que tout est (entièrement) vol. S’il faut porter ce débat au niveau politique, il faut plutôt travailler à ré-interdire aux fonctionnaires l’entrepreneuriat privé. Pour ce qui me concerne, je défends l’entrepreneuriat privé et je ne saurai soutenir ce genre de cause. Si l’on mélange tout sans essayer de comprendre, alors on détruira même les acquis. L’actuel statut des fonctionnaires est un acquis. Il reste aux fonctionnaires prospères en entreprise de démissionner de la fonction publique pour éviter d’être traîné dans la boue comme c’est le cas de monsieur Samba ou d’être accusé de conflit d’intérêt. Il est clair qu’en l’état, monsieur Samba n’échappe pas à l’accusation de conflit d’intérêt.
Au lieu de tribaliser le débat comme c’est devenu un sport national au Cameroun, il vaut mieux expliquer aux Camerounais que la fortune se trouve dans l’Agriculture (avec grand A), la forêt, le commerce, l’industrie, etc. J’ai fait un post récent où j’indiquais que les marges étaient plus importantes en Afrique qu’en Europe et qu’il fallait que les Africains se saisissent ces opportunités au lieu de s’exiler. Ce n’est pas moi qui vais manquer de faire ce post sur un agriculteur devenu riche. Le cacao rend riche!
Donc, mes chers amis, le problème c’est la collusion entre fortune privée et fortune publique. Je ne comprends simplement pas pourquoui ces entrepreneurs ne démissionnent pas de la fonction publique. Un besoin de couverture? Peut-être, car tous les hommes d’affaires, même ceux du fameux Ouest, sont devenus Rdpcistes par contrainte. Mais, ils finissent par regretter car, comme YM Fotso qui n’avait rien à faire à la Camair, M. Samba peut avoir un jour à s’expliquer pour conflit d’intérêt.
Cette collusion est néfaste pour l’entreprise dans la mesure où elle occupe le temps de la R&D. J’entends dans l’actualité qu’Express Union va faire faillite! Bien sûr! Pour la simple raison que le promoteur a passé son temps dans un bureau au Crédit foncier et maintenant dans le griotisme politique qu’il n’a pas eu le temps d’innover et donc, de prendre le tournant du numérique. Oui, il fermera non pas pour des raisons tribales, mais par manque de R&D. Il fermera comme Central Voyage et autres entrepreneurs qui ont sacrifié leurs entreprises sur l’autel du griotisme politique.
C’est en cela qu’il faut plaindre Monsieur Samba tout comme Monsieur Ndongo Essomba qui ont fait fortune dans le cacao. Ils demeurent des buy-and-sellam dans un pays où la R&D leur aurait permis de franchir le pas de l’industrie. Allez dans les rayons de supermarchés au Cameroun. Vous trouvez moins de 1% de produits locaux non pas parce qu’on ne veut pas les exposer, mais parce qu’ils n’existent tout simplement pas. Vous trouverez plutôt des produits importés au nom des entrepreneurs Camerounais. Voilà les réels problèmes du pays, de notre économie de buy-and-sellam.
M. Samba est un voleur? Je ne sais pas. Mais, je sais qu’il est un entrepreneur prospère. Arrêtons de tribaliser des questions de fond qui, pour ce cas, est une question de collusion entre fortune privée et fortune publique.
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