C’est le 9 février 2024 que Harouna Bako a été officiellement installé en tant que directeur général de la Société nationale de Raffinage (SONARA), la seule raffinerie de pétrole du Cameroun. Cette nomination intervient à un moment charnière pour cette entreprise publique, qui se relève à peine de l’incendie dévastateur de 2019 et des nombreux défis économiques qui en ont découlé. À 61 ans, Harouna Bako, un pur produit de l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM) et expert en gestion publique, succède à Jean Paul Simo Djonou, après avoir gravi les échelons de l’administration camerounaise et occupé plusieurs postes de responsabilité, dont celui de directeur général adjoint du Port Autonome de Kribi et directeur général de la Cameroon Oil Transportation Company (Cotco).
Un parcours solide dans la gestion publique
Harouna Bako s’est forgé une réputation d’administrateur rigoureux et expérimenté. L’ancien magistrat a obtenu de multiples qualifications en management public à l’étranger, histoire de consolider son expertise dans les affaires publiques et les infrastructures stratégiques. Sa carrière au sein de l’administration camerounaise est riche. Harouna a occupé des fonctions influentes et stratégiques, notamment en tant que patron du Port autonome de Kribi, l’une des infrastructures portuaires les plus importantes d’Afrique centrale, puis de COTCO, la société chargée du pipeline Tchad-Cameroun. C’est fort de ces expériences qu’il prend la tête de la SONARA, une entreprise publique en quête de relance.
La SONARA : une raffinerie à reconstruire
La tâche qui attend Harouna Bako à la tête de la SONARA est immense. Depuis l’incendie de mai 2019 qui a ravagé une partie des installations de la raffinerie, l’entreprise est à l’arrêt. Le Cameroun, un pays pourtant producteur de pétrole, est depuis contraint d’importer l’intégralité du carburant consommé sur son territoire, ce qui met une pression énorme sur l’économie nationale. En effet, l’arrêt des activités de la SONARA a entraîné une augmentation des coûts des produits pétroliers et une dépendance accrue vis-à-vis des marchés extérieurs.
Le défi principal de Harouna Bako sera donc d’accélérer la réhabilitation de la raffinerie pour restaurer l’indépendance énergétique du pays. Cette mission s’accompagne d’un projet ambitieux de modernisation. Selon les directives du président de la République, Paul Biya, la reconstruction de la SONARA doit être menée dans le cadre d’un partenariat public-privé, une approche qui vise à réduire la charge financière de l’État tout en garantissant un niveau de performance élevé.
La nouvelle raffinerie, dont la capacité annuelle devrait passer de 2,1 millions à 3,5 millions de tonnes, sera équipée d’une unité d’hydrocraquage. Cet équipement permettra au Cameroun de raffiner son propre pétrole brut, un atout stratégique pour mieux approvisionner le marché local et diminuer les coûts d’importation de produits finis. Le coût total du projet de réhabilitation est estimé à 600 milliards de FCFA (environ 915 millions d’euros). Cependant, les délais pour la réalisation de ce chantier restent flous, notamment en raison de la difficulté à mobiliser immédiatement ce financement.
Une entreprise lourdement endettée
Au-delà de la reconstruction physique de la raffinerie, Harouna Bako devra également gérer les lourds passifs financiers de la SONARA. À fin 2022, la dette de l’entreprise s’élevait à environ 940 milliards de FCFA. Cependant, des mesures de restructuration ont déjà été entamées. En 2021, le gouvernement camerounais, en partenariat avec neuf banques locales, a signé des accords pour rééchelonner une partie de la dette de la SONARA, soit 261,4 milliards de FCFA, sur une période de dix ans, avec un taux d’intérêt de 5,5 % par an. Parallèlement, des négociations sont en cours avec les traders, notamment Vittol, PSTV, Trafigura et Mercuria Energy Trading, pour la restructuration de dettes à hauteur de 272,8 milliards de FCFA.
Un plan social en préparation
Malgré ces avancées financières, la SONARA continue de faire face à d’importantes difficultés structurelles. En décembre 2023, l’État a pris la décision de libéraliser les importations de produits pétroliers finis, une activité qui était jusqu’alors en grande partie réservée à la SONARA. Cette décision, annoncée par une lettre du secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, marque un tournant pour l’entreprise. Elle signifie que la SONARA, déjà largement dépendante des importations, pourrait voir ses parts de marché se réduire encore davantage au profit d’acteurs privés.
Cette situation inquiète particulièrement le Fonds monétaire international (FMI), qui voit d’un mauvais œil le soutien financier continu de l’État à une entreprise qui, selon l’institution, ne génère plus suffisamment de revenus pour justifier un tel effort. Le FMI plaide pour une restructuration en profondeur de la SONARA, une pression qui a conduit à l’élaboration d’un plan social au sein de l’entreprise.
Ce plan, encore en gestation, pourrait entraîner des licenciements et des réformes drastiques visant à réduire les coûts de fonctionnement. Harouna Bako, nouveau DG de la SONARA, devra ainsi non seulement piloter la reconstruction de la raffinerie, mais aussi gérer les répercussions sociales de ces réformes.
L’avenir énergétique du Cameroun
Le chantier de la SONARA représente bien plus qu’une simple opération de réhabilitation industrielle. C’est un enjeu stratégique pour l’avenir énergétique du Cameroun. La relance de cette raffinerie permettrait au pays de réduire sa dépendance vis-à-vis des importations de produits pétroliers et de renforcer sa souveraineté énergétique. Elle offrirait également de nouvelles opportunités d’emploi, à la fois dans le secteur du raffinage et dans les infrastructures connexes.
Cependant, la réussite de ce projet dépendra en grande partie de la capacité de Harouna Bako à trouver des partenaires financiers et techniques solides. Dans un contexte où les coûts de l’énergie et les dynamiques du marché pétrolier mondial sont en constante évolution, la SONARA devra s’adapter rapidement pour rester compétitive.
Avec sa nomination à la tête de la SONARA, Harouna Bako se retrouve sous les feux des projecteurs. Sa mission est complexe, mais elle représente également une opportunité unique de mettre en évidence ses compétences managériales. En tant que nouveau leader de l’unique raffinerie du pays, il devra faire preuve de vision, de diplomatie et de pragmatisme pour mener à bien sa mission de redressement de cette structure étatique. Seul le temps dira si Harouna Bako, fort de son parcours brillant dans la gestion publique, parviendra à relever ces défis titanesques.