Des études nationales et de rapports de l’Union africaine, de l’ONU et de la Banque mondiale, font savoir que, depuis l’an 2000, l’Afrique a cédé à des étrangers des terres arables à hauteur de 100 milliards de dollars. Parmi les pays concernés, figure le Cameroun.
L’Afrique brade ses terres, dénoncent les uns; les investissements agricoles étrangers stimulent le développement, admettent les autres.
Entre ces deux thèses, le débat semble être tumultueux et la 5ème édition du Salon international de l’agriculture et de l’agroalimentaire tenue dans la capitale togolaise, Lomé, du 17 au 21 août, a relancé la controverse.
Les chiffres relatifs à la location et ou à la vente des terres arables africaines laissent peu indifférent, d’ailleurs. Des données provenant de plusieurs études nationales et de rapports de l’Union africaine, de l’ONU et de la Banque -mondiale (BM) font savoir que l’Afrique a cédé des terres arables à hauteur de 100 milliards de dollars américains, depuis l’an 2000.
Dans la même optique, un récent rapport de l’Organisation internationale de droit du développement (organisation intergouvernementale qui promeut la bonne gouvernance dans les pays en développement) souligne que « la plupart des transactions conclues en 2009 l’ont été en Afrique, où 39,7 millions d’hectares ont changé de mains, soit plus que les surfaces cultivées de la Belgique, du Danemark, de la France, de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la Suisse réunis ».
Apportant son grain de sel, le journaliste britannique spécialiste des questions environnementales et agricoles Fred Pearce écrit dans son livre « Les accapareurs de terres arables » : « De toutes les terres agricoles du monde, aucune n’est aussi abordable que celle de la savane guinéenne ». Il y évoque « une vaste étendue de pâturages à cheval sur 25 pays, entre la forêt et le désert », rapportant que « la Banque mondiale estime ce territoire à 600 millions d’hectares » et le qualifie de « dernière grande réserve de terres sous-exploitées dans le monde ».
Le journaliste fait, par-delà, observer que « Tout cela n’explique pas pourquoi, malgré une histoire coloniale marquée par les expropriations, les Etats africains cèdent si volontiers des terres aux investisseurs étrangers ». Il souligne, ensuite, que ces mêmes investisseurs étrangers usent d’«euphémismes» pour parler de leurs acquisitions et activités présentées comme génératrices de développement agricole, de transferts de technologie et d’opportunités d’emplois. Ils arguent, par ailleurs, que ces terres étaient peu peuplées.
Pays les plus prisés par les «prédateurs» étrangers
Parmi les pays les plus prisés par les «prédateurs» étrangers, selon une récente étude de Thinking Africa (Réseau de jeunes chercheurs, d’universitaires confirmés et d’experts), figurent Madagascar avec 3,7 millions d’hectares cédés, l’Ethiopie avec 3,2 millions d’hectares, la République démocratique du Congo avec 2,8 millions d’hectares, la Tanzanie avec 2 millions d’hectares, le Soudan avec 1,6 million d’hectares, le Mozambique et le Bénin avec 1 million d’hectares pour chacun. S’y ajoutent consécutivement le Ghana, le Libéria et le Cameroun avec 0,7 million d’hectares pour chacun, le Kenya avec 0,6 million d’hectares cédés, le Mali avec 0,5 millionet le Malawi avec 0,4 million d’hectares.
Les plus grands acheteurs et ou locataires
Dans le camp opposé, les plus grands acheteurs et ou locataires sont la Chine totalisant 4,5 millions d’hectares, les Etats-Unis 3,2 millions d’hectares, la Grande Bretagne et la Malaisie disposant chacun de 2,5 millions d’hectares, la Corée du Sud 2,3 millions, l’Arabie Saoudite 2,1 millions, l’Inde 1,8 million, la Suède 1,1 million, l’Afrique du Sud 0,9 million d’hectares, Singapour 0,7 million, la Norvège, l’Italie et le Qatar 0,6 million pour chacun et le Japon 0,4 million d’hectares.
Le tableau qu’offre le continent n’est toutefois pas complètement sombre. Alors que des pays africains sont pris pour «responsables» du «bradage» des biens de leurs populations, il y en d’autres qui émergent du lot et échappent au marasme.
Le Togo en illustre le meilleur exemple, selon son ministre de l’Agriculture Col Ouro Koura Agadazi qui s’exprimait, jeudi à l’occasion du Salon international de l’agriculture et de l’agroalimentaire.
« Au Togo c’est l’Etat qui investit prioritairement dans l’agriculture. Les cinq dernières années, avec l’appui de partenaires financiers comme la Banque Africaine de Développement (BAD), la Banque Mondiale (BM), le gouvernement togolais a investi plus de 230 milliards de Fcfa (près de 395 millions USD) dans le cadre d’un vaste programme d’investissement dans le secteur Agricole (Pniasa) », a-t-il affirmé.
Cette démarche commence à donner ses fruits, dit-il : « En 2015, la croissance de la productivité agricole générale était de 5,8 %, soit une contribution d’environ 40 % au Produit Intérieur Brut (PIB).
La production des céréales a augmenté de 9 %, les légumineuses de 11%, alors que la production des tubercules a augmenté de 24 %. »
Grâce à cette stratégie, ce petit pays de 56 mille km2 « maîtrise aujourd’hui sa sécurité alimentaire, avec une disponibilité continue des produits agricoles et une stabilité des prix sur l’ensemble du territoire ».