Suite à l’annonce des résultats de l’élection présidentielle au Gabon, qui a donné Ali Bongo comme vainqueur avec une majorité de plus de 60 % des suffrages, les militaires ont pris le pouvoir par un coup d’État. Deux politologues camerounais, Mathias Eric Owona Nguini et Yvan Gaon Issekin, offrent leur point de vue sur les éléments politiques et géostratégiques en jeu.
Combinaison d’éléments
Les politologues identifient plusieurs éléments qui pourraient avoir contribué au coup d’État. Ils mentionnent la tradition putschiste dans le pays, la géopolitique influencée par des considérations régionales, la préparation d’une forme de dictature dirigée par les militaires pour maintenir le pouvoir et les dynamiques géostratégiques liées aux BRICS et au contrôle du Golfe de Guinée. « Ce putsch semble combiner 4 éléments : 1- la reproduction d’un habitus putschiste au Gabon (après Bongo Père). 2-le retour du balancier du pouvoir au Nord du Gabon dans sa géopolitique curiale auprès des Fang (Ekang) après le coup d’État de Bongo et les échecs des opposants issus de cet espace géographique. 3- Une dictature de commissaire en gestation où les militaires anticipent sur les actions des civils pour conserver l’ossature militariste du pouvoir gabonais. 4- Une confirmation de la concentration des rivalités actuelles des dynamiques géostratégiques actuelles attenantes aux BRICS, notamment aux luttes pour contrôler le noeud stratégique du Golfe de Guinée, à travers les luttes d’influence dont dépend Pangolin », écrit Yvan Gaon Issekin.
Influence des médias d’État français
Les experts notent que les médias d’État français semblent jouer un rôle dans la diffusion d’informations liées au coup d’État. Ils considèrent que cela pourrait être une tentative de manipulation informationnelle pour favoriser certains intérêts. « La mobilisation des médias d’État français comme vecteurs de ces opérations informationnelles putschistes, notamment la diffusion de leurs récits d’action publique ne laisse aucun doute sur ce scénario sur la pangolinité du dit putsch », ajoute le spécialiste en sciences politiques.
Nature du coup d’État
Les politologues soulignent que ce coup d’État pourrait être un moyen de perpétuer le système existant plutôt que de le changer radicalement. Ils appellent à la prudence dans l’interprétation de la situation et suggèrent d’attendre pour en avoir une meilleure compréhension. « Que les danseurs ne s’enflamment pas trop vite. Il y a des coups d’état de contrôle qui sont paradoxalement des coups d’état de reproduction de systèmes existants. Celui qui se dessine au Gabon, semble en relever. Attendons de (mieux) voir », écrit Mathias Eric Owona Nguini. « Il ne suffit pas d’allumer le feu. Encore faut-il s’assurer que le vent ne souffle pas pour le pousser là où se trouvent ceux qui l’allument!!! (Petit conseil aux leaders de la Cedeao) », ajoute le politiste.
Pas de transition militaire
Laurent Dubois Njikam, insiste sur le fait qu’il ne devrait pas y avoir de transition militaire au Gabon. Il exhorte l’opposition à s’assurer du respect de la volonté du peuple gabonais exprimée dans les urnes. « Zéro transition pour les militaires au Gabon. L’opposition doit exiger le respect de la volonté des gabonais issue des urnes », pense le juriste.
Les réactions des politologues mettent en évidence les multiples facettes qui pourraient avoir contribué à l’évolution politique au Gabon suite au coup d’État. Ils appellent à une analyse nuancée et soulignent l’importance du respect de la volonté du peuple dans la situation actuelle.