L’historien camerounais Achille Mbembe, qui avait fortement critiqué Emmanuel Macron après la parution d’une interview de ce dernier dans Jeune Afrique en novembre 2020, fera face au président français en juillet prochain, à Montpellier, lors d’un débat organisé dans le cadre du sommet Afrique-France. Dans un message adressé à l’intellectuel africain en date du 23 mars 2021, le cinéaste engagé, Jean-Pierre Bekolo qui n’est pas d’accord avec la méthode. Pour lui, l’heure n’est plus à la parole et Achille aurait pu proposer des actes. C’est là son désaccord, avec son compatriote.
Lebledparle.com vous propose l’intégralité du message.
Cher Achille,
En acceptant cette mission du président Macron sur l’Afrique j’imagine que tu acceptes aussi d’être son bouclier face à cette colère d’une jeunesse africaine à bout et qui ne demande plus qu’une chose, c’est d’en finir avec la parole. Rien qu’à l’annonce de cette initiative, des voix de cette jeunesse ont immédiatement posé la question essentielle, après cette histoire commune de plusieurs décennies, en sommes-nous encore à parler? Qui parle à qui et qui écoute qui? Toi, Achille, tu viens parler aux Africains au nom de Macron quand la jeunesse africaine en est à l’action comme récemment au Sénégal. Le temps de la parole semble bien épuisé́, il est tellement loin derrière nous que le constat est là, la langue française est devenue en Afrique la langue de la dictature. La situation politique de cette Afrique qui parle français est tellement dégradée en 2021 sous Macron que certains en sont à regretter le discours de la Baule François Mitterand de 1990 qui a mis en branle ce que nous avons aujourd’hui en Afrique francophone comme soupçon de démocratie. Si quelqu’un doit parler à quelqu’un, c’est Macron qui doit comme Mitterrand assumer la France-Afrique et parler à ses pairs Africains et laisser le peuple Africain tranquille. Macron t’envoie parler aux Africains n’est-ce pas l’inverse qu’il aurait du faire? T’inviter à parler aux français ? Cher Achille au vu de l’ambiance anti-française actuelle chez les jeunes en Afrique francophone, j’ai bien peur que tu aies accepté de faire le sale boulot, excuse l’expression, un boulot de Negre!
Jean-Pierre Bekolo