Dans une lettre adressée au Chef de l’Etat Paul Biya en date du 3 décembre 2018 et publié ce mercredi 5 décembre 2018 sur les réseaux sociaux, l’homme politique suggère de mettre un terme au comité local d’organisation de la CAN 2019.
MA LETTRE DU 3 DÉCEMBRE 2018 AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE AU SUJET DU RETRAIT PAR LA CAF DE LA CAN 2019 AU CAMEROUN
Excellence, Monsieur le Président de la République,
Il nous est d’une impérieuse et pénible obligation de contribuer autant que d’autres sans aucun doute, à vous faire savoir la profonde blessure ressentie par les Camerounais de tous âges et conditions à l’annonce par le Comité Exécutif de la CAF du retrait de l’organisation de la CAN 2019 au Cameroun.
Cette décision inattendue et brutale, prise à l’unanimité par ce Comité , pour questionnable qu’elle puisse être, est, pour la CAF, justifiée par des retards de certains chantiers qui, même si on peut parler de responsabilités partagées, révèle une incompétence certaine des responsables en charge de la planification et l’exécution des différents volets de ce projet. Plus important, le choc tectonique qu’ a provoqué cette décision a contribué à révéler à l’esprit des populations des informations indiquant une large et criminelle maldonne orchestrée par certains responsables ayant couvert des surfacturations d’ ouvrages, une pratique qui, d’après une large proportion de l’opinion, a donné lieu à d’ importants flots d’argent de corruption captés par ces mêmes responsables, alors qu’ils auront eu le privilège, bénéficiant de votre confiance, de se voir confier des fonctions stratégiques dans la chaîne des décisions commandant les flux financiers dans une opération engageant le prestige du Cameroun et ayant une incidence significative sur la conjoncture économique de notre pays, une opération à la réussite de laquelle vous vous êtes personnellement engagés aux yeux de tout le peuple.
Au-delà du grave abus de votre confiance ainsi constaté et de la trahison des espoirs du peuple dont se sont rendus coupables ces quidams en col blanc, la perception par les populations d’une causalité vicieuse « incompétence-corruption- humiliation du Cameroun » alimente un très fort ressentiment dans son esprit et expose au grave risque d’une altération de l’autorité de l’Etat, laquelle se nourrit de son prestige et de sa crédibilité.
Nous sommes désormais face à un phénomène politique de grande profondeur qui ne peut être éludé et qui est susceptible d’être à moyen ou à court terme, le moteur d’une explosion sociale inattendue.
Dès lors, il est nécessaire que la rancœur populaire produite par cette situation soit canalisée et résorbée grâce à des mesures fortes que vous prendrez et qui informeront le peuple de votre volonté de sévir contre l’axe du mal qu’est l’incompétence et la corruption qui inflige de graves tort à notre pays, mesures fortes qui contribueront â attester que vous gardez une main ferme sur le gouvernail de l’Etat et que vous vous démarquez de toutes complaisance face à des pratiques attentatoires à l’éthique républicaine.
A défaut d’une telle entreprise de clarification et de salubrité publique, le ressentiment des populations qui ressort de leur propos de manière quasi unanime depuis ce retrait pourrait être un des ressorts d’une explosion politico-sociale inattendue et aux effets dévastateurs.
A problème politique majeur, Il est donc nécessaire que soit organisée une réponse politique de même amplitude, une manière d’appliquer une catharsis collective et une cautérisation de la profonde blessure ressentie par notre peuple.
À cet effet, nous nous permettons de suggérer trois mesures dont l’urgence en détermine
l’efficacité, en convoquant pour en tirer des leçons des circonstances historiques similaires lorsqu’après la dernière et seule CAN jamais organisée par le Cameroun en 1972, à la suite de la découverte scandaleuse d’une double billetterie, le pouvoir de l’époque avait frappé fort en envoyant en prison, illico presto et pour de longues années, des personnalités publiques de premier rang qu’etaient EKOKO Alfred, Directeur de la BEAC, KOUAM Samuel, co-fondateur de la Brasserie UCB et d’autres hauts fonctionnaires de l’époque.
La première mesure, sur le plan légal, serait d’instruire que soit engagée sans délai une « information judiciaire », au niveau de la Police Judiciaire ou du Parquet du Tribunal Criminel Spécial, dans le but d’avoir des éclaircissements sur la gestion financière des divers responsables de l’organisation de la CAN afin d’être fixé sur les rôles et responsabilités des uns et des autres. Il serait souhaitable que les mis en cause soient maintenus dans les entraves de la justice et qu’ainsi soit sécurisée leur disponibilité pendant la durée des investigations.
– La deuxième mesure serait, sur le plan opérationnel, de commettre des audits confiés à des cabinets nationaux ou internationaux d’expertise du calibre de KPMG, Cooper’s and Lybrand , Deloitte pour un état des lieux indispensable avant toute continuation de ce projet. Les termes de référence de tels audits opérationnels seront de déterminer le niveau des réalisations matérielles effectives, la régularité des engagements financiers enregistrés, de faire un rapprochement entre l’état d’avancement des travaux et la consommation des ressources pour apprécier le statut « en avance ou en retard » des différents projets.
Ces deux mesures devront s’exécuter dans un délai de livraison des rapports n’excédant pas 60 jours afin que la décision et la définition des modalités de la poursuite des différents travaux soient prises sous l’éclairage des enseignements qui en seraient tirés.
– La troisième mesure comporterait quatre volets classiques dans une situation de management de crise; il s’agira de prendre en urgence les décisions ci-après:
A/ Suspendre immédiatement le COCAN;
B/ Suspendre toute opération, de paiement, de décaissement ordonnés par l’ordonnateur du COCAN.
C/ Désigner un « Monsieur CAN » faisant office d’administrateur Provisoire chargé de diligenter toutes actions et démarches devant assurer la préservation des relations avec les différents intervenants dans l’organisation de la CAN, cette préparation ne devant pas connaître une discontinuité au niveau de ses engagements contractuels ou des relations avec les partenaires.
D/ Prendre les mesures visant à contrôler et limiter la sortie du Territoire des responsables des entreprises maîtres d’œuvre ayant bénéficié de marchés gré à gré, de contrats et de paiements et avances divers du Gouvernement.
Il est utile de souligner que « MONSIEUR CAN » serait une personnalité indépendante justifiant d’une expérience avéré en management de projet, en binôme avec un co-coach ayant une bonne connaissance des rouages de l’administration, un tandem doté de larges pouvoirs pour en vue de l’interpellation des individus et de supervision des opérations de relance de ce projet grâce à un accès facilité à votre haute autorité.
Les effets attendus de l’implémentation de l’ensemble de mesures proposées ci-dessus seront :
– Préserver et rehausser votre qualité et votre stature de gardien sans complaisance de l’intérêt de la Nation;
– Guider la remise sur les rails d’une vision que vous avez proposée aux Camerounais qui y ont adhéré en toute confiance, en dépit de vents contraires et de chocs pouvant en compromettre la matérialisation.
Ainsi sera reconstitué le lien quasi mystique qui VOUS lie à notre peuple, dans le même temps que l’opinion recevra une réponse politique à ses attentes ardentes de voir la lumière être faite sur les causes de cette situation qui perturbe profondément la paix de son esprit.
Très Haute et Déférente Considération.
03 Décembre 2018
Célestin BEDZIGUI
Président du PAL.