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Roger Milla : «Ce sera très difficile que mon record à la Coupe du monde soit battu»

Roger Milla

La légende des Lions indomptables du Cameroun est devenue à l’âge de 42 ans, le plus vieux buteur de l’histoire de la Coupe du monde. C’était le 28 juin 1994, lors de la défaite 6-1 du Cameroun contre la Russie. Après avoir inscrit le seul but camerounais de la partie, Roger Milla a décroché un record dont il se souvient toujours avec beaucoup d’émotion.

Roger Milla
Roger Milla (c) Droits réservés

À l’occasion de l’anniversaire de ce match largement remporté par les Russes, FIFA.com s’est entretenu avec le buteur camerounais.

Il y a 26 ans jour pour jour, vous faisiez votre entrée face à la Russie et deveniez le joueur et le buteur le plus âgé de l’histoire de la Coupe du Monde. Que ressent-on à ce moment-là ?

Énormément de satisfaction, cela s’est vu lors de ma célébration même si nous avons fini par perdre le match. Aujourd’hui encore, j’en suis très fier. Ce but et ce record étaient une manière pour moi de montrer aux gens qui doutaient de moi que malgré mon âge, je pouvais encore faire de belles choses. Physiquement, je n’étais plus à 100% mais je gardais mes facultés techniques. C’est un beau record.

Ce but reste-t-il votre plus grande fierté sportive ?

Non, je ne pense pas. C’est une belle performance individuelle mais ma plus grande satisfaction reste d’avoir aidé le Cameroun à atteindre les quarts de finale de la Coupe du Monde en 1990. C’était historique pour notre pays et notre continent.

À l’époque, quand vous arrivez aux États-Unis, pensez-vous à tous ces records ?

Je ne pense pas du tout aux performances individuelles quand j’entre sur un terrain et encore moins avant la compétition. L’idée de battre ce record ne me traversait même pas l’esprit. Si je marque et que ne nous ne gagnons pas, je suis déçu comme mes coéquipiers. Notre objectif à tous était vraiment de faire mieux qu’en 1990. Mais malheureusement, nous n’y sommes pas parvenus.

Parmi les records de l’histoire de la Coupe du Monde, où situez-vous le vôtre ?

Chaque record a sa particularité. Je n’en place aucun au-dessus d’un autre. Vous savez, chacun de ces joueurs a marqué la Coupe du Monde à sa façon. En tant que buteur, bien sûr que les records de Miroslav Klose (meilleur buteur de l’histoire de la Coupe du Monde) et Just Fontaine (meilleur buteur sur une seule édition) me parlent beaucoup mais je ne saurais les classer. Le mien s’inscrit dans cette lignée évidemment. Pour moi, le seul record qui est au-dessus de la mêlée est celui du Roi Pelé et de ses trois Coupes du Monde. Il n’y a pas de mots pour décrire ce qu’il a fait à un si jeune âge.

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Pensez-vous que votre record sera un jour battu ?

Rien n’est impossible mais ce sera très difficile. Avec les évolutions du football aujourd’hui, c’est très dur de voir un joueur être sélectionné à 42 ans si ce n’est un gardien et on sait qu’il est rare de voir un gardien marquer. Donc je pense que mon record a encore quelques beaux jours devant lui.

Ce jour-là, Oleg Salenko marque un quintuplé, un record qui tient toujours. Aviez-vous été impressionné ?

On ne peut qu’être impressionné par ce genre de performance surtout en Coupe du Monde, même si je dois avouer que c’est nous qui avions rendu ça possible. Nous n’étions pas assez bons lors de ce match-là. Nous avions tous les deux établi un record ce jour-là, raison pour laquelle nous avions pris une photo ensemble à la fin du match.

Sur le coup, qu’est-ce que vous aviez retenu de ce match ? La lourde défaite (6-1) ou votre record ?

C’était un mélange d’émotions car nous étions éliminés et forcément très déçus de ne pas avoir répondu aux attentes placées en nous. Je savais aussi que je jouais mon dernier match de Coupe du Monde et que je faisais mes adieux à la compétition. J’essayais donc de relativiser et de profiter de chaque instant. Dans ces circonstances, on ne pense pas beaucoup au record car il arrive dans des conditions anecdotiques. C’est au fil du temps qu’il prend tout son sens et j’en suis très fier.

Et avec du recul ? Ressentez-vous toujours la même chose ?

Avec le recul, j’essaye de retenir le positif, donc le record. J’ai tout de même quelques regrets parce que pour ma dernière Coupe du Monde, j’aurais aimé aller plus loin dans la compétition et terminer sur une meilleure note.

Revenons quatre ans plus tôt, lors de la Coupe du Monde 1990. Cette année-là, votre sélection arrive en quart de finale. C’est la première fois qu’une équipe africaine réussit cette performance. Vous rappelez-vous de ce que vous aviez ressenti à l’époque ?

C’était indescriptible. Beaucoup de joie évidemment. Nous étions très heureux. Ça nous a donné énormément de confiance en nous. Nous aurions aimé aller plus loin car il y avait vraiment la place pour faire plus. Je ne veux pas entrer dans les polémiques du match contre l’Angleterre mais aujourd’hui avec le temps, j’ai quelques regrets. Je suis convaincu qu’on pouvait aller au bout. Nous avons été accueillis au Cameroun comme des héros et c’est là que vous prenez conscience que vous avez réalisé quelque chose de grand.

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Vous avez ouvert la porte à d’autres sélections africaines. Le Sénégal en 2002 et le Ghana en 2010 ont réussi à faire aussi bien. Que manque-t-il au football africain pour atteindre le dernier carré ?

Le Sénégal et le Ghana ont montré que c’était possible. On reste encore assez loin du football européen donc c’est difficile d’atteindre ce niveau mais je reste optimiste. J’ai le sentiment que les générations actuelles manquent parfois de confiance et de détermination comme nous à l’époque. Il faut croire en nous si nous voulons faire ce genre de prestations à toutes les Coupes du Monde.

Au Cameroun, il y a eu Roger Milla puis Samuel Eto’o. D’après vous, qui portera les Lions Indomptables dans les années à venir ?

Je ne sais pas du tout. Il n’y a pas vraiment un joueur qui sort du lot actuellement et c’est peut-être mieux comme ça. Ça nous permettra d’être vraiment focalisés sur le collectif. Je ne vois aucun joueur avec mes qualités actuellement. Samuel Eto’o a aussi réalisé de grandes choses. Nous sommes des joueurs uniques et personne ne nous ressemblera. Nous pouvons juste espérer que le Cameroun brille dans le futur.

Voyez-vous le Cameroun se qualifier à nouveau pour les quarts de finale d’une Coupe du Monde, voire plus ?

Je l’espère en tout cas, même si je sais que ça sera difficile. C’est pourtant ce genre de performances qui permet de faire rêver les autres générations. Pour y arriver, il faut que les grands joueurs africains prennent leurs responsabilités quand ils jouent en sélection, ce qui n’est pas toujours le cas.

Entre Sadio Mané, Mohamed Salah, Pierre-Emerick Aubameyang ou Riyad Mahrez, l’Afrique brille sur le plan international. D’après vous, le continent africain a-t-il rattrapé le niveau de l’Europe et de l’Amérique du Sud ?

En termes de talents, le fossé entre les Africains et les joueurs européens et sud-américains se réduit de jour en jour. Je pense que c’est collectivement que nous devons encore progresser et ce sont des joueurs comme Mané et Salah qui peuvent apporter ce savoir-faire. Ils jouent dans des grands clubs et savent comment fédérer un groupe autour d’un objectif commun. Dans quelques années, il n’y aura plus aucune différence entre eux et nous. Apprendre de nos erreurs et travailler ensemble sont deux choses qui nous permettront d’aller plus loin.


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