Le lundi 29 Juin 2020, l’honorable Ngo ISSI Rolande Epse Simgbwa a pris part aux travaux de la Commission des Affaires Culturelles, sociales et familiales Lesquels portait sur le projet de loi régissant les associations artistiques et culturelles au Cameroun. Pour la député PCRN dans sa défense du monde artistique trouve ce projet de loi est liberticide.
Voici sa contribution à cet effet.
Madame la présidente de la commission,
Chers collègues commissaires,
Monsieur le Ministre des Arts et de la Cultures,
Le projet de loi n° 1076/PJL/AN régissant les associations artistiques et culturelles au Cameroun soumis à notre appréciation est un document très intéressant mais pose des problèmes fondamentaux. Il est à mon sens anticonstitutionnel, ambigu et liberticide. Je m’explique ;
Anticonstitutionnel dans la mesure où il va à l’encontre des principes de libertés d’association, liberté de communication et de liberté d’expression énoncé dans le préambule de notre constitution.
Ambigu parce qu’il regorge des non-dits. En réalité, dans le troisième paragraphe de l’énoncé des motifs de ce projet de loi fonde ce texte dans l’arrimage à la modification, des dispositions de l’alinéa 4 de la loi N°90/053 du 19 décembre 1990 portant liberté d’association induite par la loi N°99/011 du 20 Juillet 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi N°90/05 du 19 décembre 1990 relative à la liberté d’association. Il se trouve que l’article 5 (4) nouveau extrait du champ d’application de cette loi « les partis politiques, les syndicats, les associations sportives, et les organisations non gouvernementales « qui sont depuis cette date régis par des textes particuliers telle que mentionnés dans l’exposé des motifs ; il apparait donc clairement que les associations culturelles n’entrent pas dans ce champ d’application de ces dispositions. Je pense que la disposition de la loi suscitée doit rajouter les associations artistiques qui sont en cours d’examen à la commission des lois constitutionnelles.
Liberticide est ce projet, je m’explique il soumet le statut d’association culturelle et partant d’artiste à la délivrance d’un agrément comme s’il s’agit là d’activités susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique, morale et matérielle du public auxquels ils seraient confrontés à l’instar des entreprises de gardiennage, de transport, d’assurances, de banque etc. Le temps nous fait défaut pour entrer en profondeur mais il y’a matière à dire.
En revanche il ressort clairement que l’objectif du Ministère des Arts de la Culture est de caporaliser la culture camerounaise. Votre projet de créer des fédérations afin d’organiser l’ensemble du Mouvement culturel, perçu par Monsieur le Ministre comme solutions à tous les problèmes du mouvement culturel. Seulement vous envisagez de le faire de façon autoritaire ce qui à l’évidence sera voué à l’échec. L’exemple d’une poignée de sociétés de droits d’auteurs que votre département ministériel ne parvient pas à faire fonctionner minimalement est l’illustration parfaite de ce qui pourrait arriver pour les plus de 10 fédérations comprenant des centaines d’associations de de milliers d’artistes. C’est une explosion assurée qui s’annonce et sera contraire à la vision du chef de l’Etat.
Tenons Monsieur le Ministre, en matière d’organisation corporatiste, fédérative, il vaut mieux que ce là vienne de la libre volonté des acteurs qui, ressentent le besoin de s’associer en vue de résoudre leurs problèmes eux-mêmes. Etant donné que le cadre règlementaire en la matière est outillé puisque le décret N°79/390 du 22 septembre 1979 portant institution de la charte culturelle de la République du Cameroun qui régit justement l’organisation et les regroupements d’associations, des compagnies, des unions, des guildes, et des fédérations culturelles. Bien que malgré tous ces textes aucune de ces entités n’existe au Cameroun.
Monsieur le Ministre, votre département n’arrive pas encore à assurer les missions qui sont les siennes avec tous les sujets brûlants qui font couler l’encre et la salive dans le secteur culturel.
C’est vrai que la répétition est l’art de la compréhension mais comment rajouter en la section 2 du projet de loi parle même de sanctions pénales en cas de détournement des fonds par des dirigeants d’associations culturelles comme si le code pénal ne régissait pas suffisamment les malversations dans les associations et autres organisations.
Chers collègues ; un fait et non des moindre est à relever pour les associations qui sont généralement nécessiteuses, le texte dispose que l’agrément est donné contre paiement de frais obligatoires à renouveler tous les 5 ans. Si le MINAC envisage d’encadrer les artistes et leurs associations, c’est à lui de prévoir des ressources pour leur structuration et non le contraire.
En somme, ce projet de loi est très ambigu et dangereux pour le mouvement artistique et culturel et pour l’ordre public pour les inévitables conflits qu’il générerait. Pensé organiser un mouvement de façon administrative sans disposer ni de moyens humains, techniques ou financiers est totalement irréaliste.
Il est illusoire de penser organiser le mouvement culturel camerounais avec des méthodes et schèmes qui relèvent davantage à la caporalisation et de l’embrigadement des consciences. On ne structure pas des associations de manière autoritaire en laissant aux fonctionnaires le pouvoir de contrôler et d’administrer les artistes et hommes de culture dans des domaines dont ils sont totalement ignorants.
Ce que le MINAC devrait faire, c’est de structurer le mouvement culturel à la base par la FORMATION, l’ASSISTANCE, et l’APPUI, avant de créer des incitations pour encourager ceux qui trouvent un intérêt dans le mouvement associatif. Et c’est par paliers que le mouvement connaitra un essor considérable pour limiter à la moindre meure que les personnes adhèrent pour des fins cupides suscitant querelles et niches de corruption qui fragiliseront vite la volonté du gouvernement à mettre un cadre propice pour le mouvement culturel camerounais.
En un mot comme en mille ce type de texte devrait relever de la règlementation et non de la loi.
Monsieur le Ministre j’ai complémentairement quelques préoccupations :
Le projet de construction et l’ouverture de l’Institut National des Arts et de la Culture initié depuis 8 ans est à quel niveau ?
Pourquoi notre Centre culturel Camerounais sombre et brille par inertie et est devenu une salle à louer sans programmation culturelle ?
Qu’est devenue la centrale de lecture publique dont la plupart des locaux ont été détruits par les eaux de pluies ?
Qu’est devenue la bibliothèque nationale créée ?
Que se passe-t-il avec la délivrance des Agréments aux agents artistiques et entrepreneurs de spectacles depuis de nombreuses années ?
Pourquoi vous relayer au second rang le mécénat et le parrainage prévus par la loi pour attirer des fonds dans ce secteur ?
Pourquoi le statut et la qualité des artistes qui vivent dans un environnement de débrouillardise généralisée n’est pas votre priorité on a encore en mémoire les débats autour de nos artistes malades qui n’arrivent pas à assurer leur santé et pour la plupart finissent par mourir.
La formation de vos personnels en matière d’animateurs, de conseillers et d’administrateurs n’est pas une question importante au MINAC ?