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Scandale de l’IRIC: Jean TAKOUGANG « Lorsqu’on recrute pour une Ecole de diplomatie, la référence doit être internationale et non tribale».

Jean Takougang
Pr Jean TAKOUGANG ministre au Shadow cabinet en charge de l’Education et de la Formation au sein du Social Democratic Front (SDF)

Jean Takougang

L’actualité au Cameroun est marquée depuis le 27 février 2015 par ce qu’on appelle désormais le « scandale » de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC).

En effet, les résultats de la filière « Diplomatie » de cette institution ont d’abord été publiés (1ere liste) puis annulés 90 minutes plus tard par une deuxième liste, ce qui suscite depuis lors des interrogations dans l’opinion publique quant à la crédibilité des résultats des concours d’entrée dans les Grandes Ecoles. Le Pr Jacques FAME NDONGO, ministre de l’Enseignement Supérieur , Chancelier des Ordres Académiques et signataire des deux listes, lors d’une conférence de presse a affirmé vouloir respecter l’équilibre régional car pour lui, seules 6 régions sur 10 étaient représentées, ce qui a été balayé d’un revers de la main par les partis d’opposition et les membres de la société civile qui croient que le ministre a cédé aux multiples pressions de la Présidence, du Premier Ministère et d’autres groupes. Il faut dire que dans le pays de Paul Biya, ce n’est pas la première fois que les résultats des concours sont publiés puis annulés.

Pour mieux comprendre cette situation, la rédaction de Lebledparle.com est allée à la rencontre du Pr Jean TAKOUGANG, traducteur, interprète, expert en dialogue social, ministre au Shadow cabinet en charge de l’Education et de la Formation au sein du Social Democratic Front (SDF), premier parti d’opposition au Cameroun.

Lebledparle.com(LBP) Pr. Jean TAKOUGANG Bonjour et merci de répondre aux questions de Lebledparle.com

Comment avez-vous accueilli en tant que citoyen Camerounais et en tant que ministre Shadow cabinet du SDF en charge de la l’Education et de la Formation ce qu’on appelle désormais le «  scandale » de l’IRIC ?

Jean TAKOUGANG (JT) : En vérité, je me dois d’admettre que rien de ce genre ne me surprend depuis nous vivons depuis des lustres dans une République de copains et de coquins qui gèrent le pays comme une épicerie privée et qui se permettent tous les passe-droits. Les choses ont toujours été ainsi depuis que le tribalisme a été institutionnalisé sous le couvert de l’équilibre régional. Dans tous les systèmes maffieux, même les plus huilés, il arrive toujours qu’à un moment il y ait un grain de sable qui détraque la machine. C’est ce qui s’est passé. Maintenant que nous sommes à la croisée des chemins et au crépuscule d’un régime autoritaire qui a régné sans partage pendant plus de trois décennies, l’oligarchie au pouvoir, devenue de plus en plus cupide et vorace, a voulu assurer ses arrières en plaçant frénétiquement sa progéniture dans des Ecoles stratégiques afin de constituer des dynasties hégémoniques pour l’avenir. Vous avez lu sur les réseaux sociaux la réaction immédiate et spontanée que j’ai commis dès le début de la crise. Je crois cette analyse à chaud rendait vraiment compte de ce que j’ai ressenti dans mes multiples qualités de citoyen, parent, enseignant et responsable politique.

LBP : Le ministre de l’Enseignement Supérieur lors d’une conférence de presse à dit que son souci en annulant la première liste était de respecté l’équilibre régional car pour lui seulement 6 sur 10 régions était représenté. Croyez-vous qu’au Cameroun l’on doit continuer à privilégier l’équilibre régional au détriment du mérite ?

JT : L’équilibre régional n’est rien d’autre que la manipulation et l’exacerbation du sentiment ethnique à des fins de clientélisme politique. En effet, il s’agit là de l’institutionnalisation du tribalisme d’état au détriment de l’Unité Nationale que l’on proclame du bout des lèvres sans jamais y croire vraiment. Je vous renvoie à mon article « Tribalisme d’Etat dans tous ses Etats » que vous pouvez trouver sur le net. Le Ministre de l’Enseignement Supérieur ne pouvait convoquer le respect des quotas quand il a exclu de la deuxième liste le major du Centre (Mlle Nti), le major du Sud-ouest (Ayuck) et le meilleur de l’Ouest (Simeu). La vérité est qu’il s’agit d’une affaire maffieuse de partage qui a mal tourné. Vous connaissez le syndrome du Western avec Lee Van Cliff : Quand les bandits vont casser les coffres-forts, ils sont toujours très soudés, mais au moment du partage du butin, il y a toujours quelqu’un qui veut en avoir plus et tout se termine généralement sous l’arbitrage de la violence et du pistolet. Les intérêts de certains pontes du régime (ou des membres du Jury) n’ont peut-être pas été pris en compte dans la deuxième liste et, courroucés, ils ont organisé la fuite pour éventer l’affaire. Seulement, le Ministre aurait d’abord dû nous rassurer qu’il avait aussi composé le Jury dans le respect de cet équilibre  et aussi qu’en fin de compte, dans le résultat final, les quotas de chaque région ont été respectés. Pour l’appréciation, de chacun, je joins à cette interview les résultats définitifs et j’invite les défenseurs invétérés à classer les admis par région pour me prouver qu’il ne s’est pas agi d’un marché de dupes !

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Donc, il ne s’est pas agi du respect de l’équilibre régional qui est une absurdité, mais de la lutte pour le positionnement des rejetons en vue d’un équilibre familial et dynastique. Quand nous allons dans un hôpital pour nous soigner, nous cherchons le médecin le plus qualifié et pas le médecin originaire de notre tribu. Pourquoi donc nous imposer à tout pris le candidat de votre village alors que vous-même ne pouvez accepter qu’il vous soigne à la sortie? Avec la mondialisation, d’ici peu, la région sera le Cameroun tout entier, puis la région, puis l’Afrique toute entière. L’équilibre doit être l’équilibre du développement et non celui des familles au pouvoir et des individus. L’Etat doit mettre à la disposition de toutes les régions et de toutes les couches sociales toutes les infrastructures et tous les moyens nécessaires pour leur épanouissement personnel, visant à les rendre autonomes et aptes à affronter par eux-mêmes tous les défis de l’existence. Il ne faut pas renforcer le repli identitaire en créant des catégories d’éternels mendiants et d’assistés. Le Cameroun est un devenir commun à construire. Il n’est pas un gâteau à partager comme le suggèrent des quotas idiots.  

J’ai entendu parler de l’excellence académique nationale, de l’excellence académique régionale (géographique) et des contingences sociopolitiques comme critères de sélection. Si l’excellence c’est la science ou la maîtrise de la science, elle ne peut être ni nationale ni régionale. Elle ne peut être qu’universelle. Et logique pour logique, il faudrait qu’à la sortie, ceux qui ont été reçus selon les critères de l’excellence académique régionale rentrent travailler dans leurs régions respectives.

Quant à « contingences sociopolitiques », c’est curieux que cela vienne des intellectuels aussi chevronnés. Contingence est synonyme d’aléa et fatalement le contraire de « critère » qui est une donnée scientifique, une constante quantifiable et mesurable convenue pour éviter le hasard, la loterie, les contingences ! Si on en arrive à toutes ces acrobaties et à ces inepties, c’est que le fond de ce qu’on veut justifier n’est ni clair ni avouable.

LBP : Le ministre FAME NDONGO, a rendu publics les résultats définitifs en réhabilitant les candidats donc les noms figuraient sur la première et la deuxième liste. Pour vous est-ce la meilleure solution ? Pouvons-nous dire que c’est la fin du feuilleton ?

JT: Je ne crois pas que ce soit la meilleure solution. Nous avions exigé qu’on rétablisse les six (06) étudiants lésés dans leurs droits. En admettant tout le monde, on n’a pas rendu justice. On a accepté à la fois le bon grain et l’ivraie. Ce faisant, M. Paul Biya a tenu à ne pas désavouer ses amis, car ceux qui étaient à la base du scandale ont toujours fini par caser leurs protégés et n’ont pas été éclaboussés par le scandale. C’est eux les vrais bénéficiaires. La justice aurait été d’écarter purement et simplement ceux qui étaient entrés par effraction dans la deuxième liste. En ne le faisant pas, on a cautionné les tripatouillages et la fraude pour l’avenir. C’est un mauvais précédent déjà appliqué dans le cas de l’ENS de Maroua ! C’est cela qui me fait croire que ce n’est pas la fin du feuilleton et que des rebondissements sont possibles.

LBP : Est-ce que ce qu’on a vécu à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) peut avoir un impact au niveau de la diplomatie camerounaise et sur l’image du Cameroun à l’extérieur ?

JT : C’est sûr ! Lorsqu’on recrute pour une Ecole de diplomatie, la référence de la formation doit être internationale et non tribale. Nos diplomates auront à rivaliser avec les meilleurs dans le monde et non de petits fonctionnaires de leur village. Quand il faut défendre le Cameroun à l’extérieur, nous devons apprendre à nous dépasser et à nous mettre au-dessus de certaines considérations nombrilistes et envoyer les meilleurs au front. Le monde entier sait désormais comment sont recrutés nos diplomates et les autres élites camerounaises. Au vu de ce qui se fait ailleurs, nos diplomates futurs sont déjà discrédités

LBP : Certains militants du SDF ont dit que le ministre de l’Enseignement Supérieur doit démissionner. Est-ce que c’est votre avis ?

Je comprends bien les militants du SDF. Mais, la faute du Ministre de l’Enseignement Supérieur a surtout été de prétendre qu’il a signé des résultats d’un examen aussi important sans les avoir lus, ce qui est une faute très grave pour un gestionnaire. La confiance n’exclut ni la méfiance ni le contrôle. Ensuite, nous dire que des Enseignants chevronnés qui organisent le concours de l’IRIC depuis des lustres ont subitement, comme par enchantement oublié ce qu’ils font d’habitude n’est ni plausible ni crédible. Il n’a pu convaincre personne. Devrait-il démissionner ? C’est une option, mais sa démission ne résoudra jamais ce problème qui se pose partout dans le recrutement de nos élites. Elle n’abrogera pas les textes qui institutionnalisent ce tribalisme d’Etat qu’il n’a pas inventé. C’est le Président de la République que nous avons voté qui a des comptes à nous rendre, et non M. Fame Ndongo qui est l’élu du Président de la République. S’il ne le démissionne pas, c’est qu’il est content de son rendement et c’est la démission du Président qu’il faudra exiger. D’ailleurs, chaque Dieu ne crée qu’à son image et à sa ressemblance ! Au-delà du scandale, il faut comprendre que c’est le procès de la politique de l’équilibre régional qui s’ouvre. Il faut donc ouvrir un véritable débat autour de cette incongruité, l’évaluer pour voir ce qu’elle a produit après cinq décennies et voir consensuellement s’il n’est pas temps de le remettre dans le bêtisier de l’histoire d’où il n’aurait jamais dû sortir.

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LBP : Quelle est la position de votre parti par rapport à cette situation ?

La position de mon parti, vous la connaissez. C’est que ce problème ne peut être résolu que par le fédéralisme que nous préconisons dans nos statuts. Chaque Etat fédéré définira le genre de citoyen et de fonctionnaire dont il a besoin et les formera en conséquence. Il faut enfin se résoudre à tourner définitivement le dos à l’hypocrisie d’un Cameroun qui malgré sa situation s’escrime à imposer la forme unitaire comme panacée à une unité nationale artificielle et factice. Quand on observe au quotidien le comportement des plus grands défenseurs de l’Etat Unitaire camerounais, on les découvre en proie à d’inconfortables contradictions. Les réflexes tribalistes ou régionalistes sont partout présents dans leurs actes. Dans leurs discours politiques et autres motions de soutien qu’elles rédigent tous les jours, les élites du parti au pouvoir parleront du président de la république non pas comme le président de tous les Camerounais, mais plutôt « comme le défenseur des intérêts de la tribu », lui demanderont toujours la création d’unités administratives découpées sur le territoire exact de leurs ethnies et l’exhorteront à nommer toujours plus d’enfants de leurs régions à de hautes fonctions administratives et politiques. Avec tous les memoranda qui fusent de temps en temps de toutes parts pour exprimer des revendications aux préoccupations essentiellement régionalistes ou tribales, les dirigeants camerounais devraient en déduire l’accueil que malgré des discours volatiles les populations réservent à la forme unitaire de l’Etat depuis des décennies et se réorganiser en conséquence : à défaut du fédéralisme, choisir au moins la solution adoptée par l’Italie avec une véritable décentralisation qui permette aux populations de s’approprier à la base le processus de leur destin, de leur avenir et de leur développement. L’Etat unitaire est aujourd’hui dépassé. C’est ainsi que Valérie Pouchelon Martel de la Faculté de Droit Virtuelle (FDV) de Lyon peut le plus naturellement du monde écrire: « L’Etat unitaire, même décentralisé, peut aujourd’hui apparaître comme une curiosité tant le modèle de l’Etat fédéral se généralise ».

LBE : Un dernier mot ?

Non, gardons le reste pour plus tard !

© Entrtien avec HERVE FOPA FOGANG, Lebledparle.com

Lebledparle.com vous propose la liste des candidats définitivement admis dans la filiere Diplomatie

Candidats réguliers

1. Mebe Nkoulou Lionel Thierry

2. Nti Estelle Nadia

3. Oyoua Bigfarm Belinga Ludovic Martin

4. Tambolo Sake Marie Salomé

5. Mebenga Lucien Thierry

6. Ngoa Ntonga Joseph

7. Oyono Ottou Didier Hervé

8. Hadidjatou Haman Tchiouto

9. Tsadjia Celestin-Roger

10. Beti Mfoumou Armelle Thilda

11. Ayuk Marguerite Josiane

12. Ebenye Ngalle Mispa

13. Minka Minyem Joseph Stéphane

14. Simeu Djoko Brice Cardeau

15. Nnomo Zanga Dominique Williams Arnold

16. Bouhari Alim

17. Nkwati Hans Pekwangha

18. Iddi Ahmed

19. Mofoi Samson

20. Ebongue Manga Christine Gaelle

21. Babilah Bobmia Blandine

22. Mokwe Welisane Ngoneh.

Candidats étrangers

1. Amine Loue Badarde

2. Nsalambi Kukabusu

3. Souleymane Abakar Juma

4. Aminatou Amadou.

Les candidats définitivement admis doivent se présenter au service de la scolarité de l’IRIC dès publication du présent communiqué pour les modalités pratiques d’inscription.

Le démarrage des cours est prévu le mardi 10 mars 2015 à 8 h 00.

 Le Ministre de l’Enseignement Supérieur
© Jacques FAME NDONGO


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