Depuis dimanche soir, le journal Essingan est vivement critiqué sur la toile par une bonne partie d’internautes pour cette UNE (Photo) jugée ‘’Excessive’’ et au ‘’relent tribal’’ pensent certains. « Réélection de Paul BIYA : Assassinant et attaques ciblées contre des Béti » a titré le journal dans son édition N° 138 de ce lundi, citant les cas Ernest Obama, Avenir Ava et Abbé Félix Amougou entre autres. Si pour Léger Ntiga, « C’est un travail de journaliste qui a été fait ». Serge Aimé Bikoi journaliste et sociologue, pense le contraire et trouve qu’il y a eu tromperie sur la marchandise.
Analyse du contenu manifeste et latent du titre à la grande Une du journal « Essingan » de ce lundi, 19 novembre 2018, numéro 138
Dimanche, 18 novembre 2018, il y a eu des joutes engagées et passionnées sur le titre à la grande Une du bi-hebdomadaire « Essingan » paru avant le jour-j à la faveur des atouts marketistes liés à la capacité de conquête du lectorat. Bien d’internautes, sur la toile, ont épinglé et invectivé le Directeur de la publication de ce journal. D’autres, sans lire le contenu, ont battu en brèche la titraille, dont la coloration et la connotation sont, a priori, ethnocentristes.
Des lecteurs ont entrepris, au premier abord, de battre en brèche ce titre formulé comme suit :
« Ré-élection de Paul Biya.
Assassinat et attaques ciblées contre des Beti
Des journalistes, artistes et le porte-parole de l’archevêque de Yaoundé parmi les victimes »
En contre-bas de ce titre figurent trois images des hommes publics victimes, ces derniers jours, des cas d’agressions à mains armées, en l’occurrence Ernest Obama, Avenir Ava, de regrettée mémoire, et l’abbé Félix Désiré Amougou. Dans le journal en page 3, l’article est rédigé par Léger Ntiga. La première curiosité, dans l’analyse du contenu manifeste de cet article que nous faisons, c’est qu’il y a un distinguo entre le titre qui paraît à la grande Une et celui observé en page 3. En effet, le titre paru à la grande Une mentionne :
« Ré-élection de Paul Biya
Assassinat et attaques ciblées contre des Beti »
Par contre, le titre répertorié en page 3 est :
« Criminalité. Assassinat d’Avenir Ava et tentative (au lieu de tentative) d’assassinat contre l’abbé Félix Désiré Amougou »
Quiconque a lu le journal « Essingan » de ce lundi, 19 novembre 2018 se rend compte, en page 3, qu’il y a tromperie sur la marchandise. Et pour cause l’auteur de l’article a usé d’une tactique, d’une feinte, mieux d’une stratégie pour muter la titraille. Des théoriciens et praticiens des Sciences de l’information et de la communication viendront, sans doute, faire, ex-cathedra, un cours sur les titres en journalisme. Mais le fait est sacré, voire sacralisé et les commentaires sont libres. En substance, quiconque ayant lu ce journal constate que deux invariants ont changé dans l’architecture de la titraille.
A la grande Une, tout lecteur voit : « Ré-élection de Paul Biya ». Or, à l’intérieur du journal, en page 3, le titre de l’article concerné est « Criminalité ».
A la grande Une, en contre-bas du titre mentionné supra, figure ce groupe de mots : « Assassinat et attaques ciblées contre des Beti. Des journalistes, artistes et le porte-parole de l’archevêque de Yaoundé parmi les victimes ». En page 3, a contrario, il est lu : « Assassinat d’Avenir Ava et tentative d’assassinat contre l’abbé Félix Désiré Amougou ».
Ntiga a, bel et bien, muté cette titraille
Au regard de ces deux invariants du contenu manifeste de l’article et, a fortiori, du titre, chacun(e) constate que l’auteur a altéré la titraille de la grande Une dans le contenu du journal pour la simple raison que « Ré-élection de Paul Biya » remplace « Criminalité » et « Assassinat et attaques ciblées contre des Beti » se substitue à « Assassinat d’Avenir Ava et tentative d’assassinat contre l’abbé Félix Désiré Amougou« . Il s’agit, ici, d’un jeu éditorial, certes, saupoudré d’une subtilité dans le marketing du bi-hebdomadaire « Essingan », qui est en posture de faire vendre le titre à la grande Une alors qu’à l’intérieur, Ntiga a, bel et bien, muté cette titraille. Mais, ce jeu éditorial est pourvu, parlons peu parlons vrai, d’un écueil épistémologique lié à la dangerosité de la titraille de la grande Une.
C’est, d’ailleurs, à ce giron qu’il est impérieux de décrypter alors le contenu latent de cet article ou, du moins, de la titraille, qui est, a priori et a posteriori, empreint d’un péril lié à la provocation diligentée contre un groupe culturel. En parlant des attaques ciblées contre des « Beti », il y a, en toile de fond, une guéguerre, voire une guerre symbolique entre deux groupes culturels, lesquels s’affrontent, depuis ces derniers mois, autant sur les réseaux sociaux que dans l’espace public. Des escarmouches, des quolibets, des sarcasmes, des stéréotypes et des clichés sont collés à tel ou à tel. En traitant des attaques contre les Beti, personne n’imagine pas ce que l’Homme populaire peut nourrir, en terme d’acrimonie et d’animosité, à l’égard du Beti ou de toute autre communauté culturelle. C’est périlleux, insidieux et creux. Faisons attention aux mots dont nous nous servons au quotidien tant ils sont constitués d’une charge symbolique éloquente !
Attaques ciblées contre des Beti ?
En réalité, il faut choisir : soit vous parlez, comme annoncé au niveau de la titraille de la grande Une, des assassinats et attaques ciblées contre Beti, et vous le démontrez clairement, ce que nous n’avons guère vu (d’ailleurs, cette titraille a été modifiée à l’intérieur), soit a contrario, vous décidez de parler, spécifiquement, de la criminalité tel qu’annoncé à la titraille de l’article en page 3. Sur ces entrefaites, vous êtes, sans conteste, sur une ligne crédible et inattaquable puisque nous vivons, ces derniers jours, le phénomène ambiant de la résurgence de l’insécurité urbaine. D’aucuns, en se référant à la figure de style de l’hyperbole, parleront, sans coup férir, de la recrudescence de l’insécurité dans les grandes villes camerounaises, telles que Douala et Yaoundé.
D’ailleurs, l’auteur a mentionné, dans l’article, deux cas d’incendie survenus le samedi, 17 novembre 2018 dans la capitale économique, et dont les fabriques « Biopharma » et « Panzani » ont fait les frais. Mais, ce que je récuse, c’est le fait, pour Léger, d’avoir qualifié ces incendies de « suspects ». Toute chose qui est un jugement de valeur. Alors, une enquête a-t-elle été menée par l’auteur de l’article ou par la police qui a abouti à la constatation, mieux à la qualification de ces incendies de « suspects » ? L’auteur n’y a pas répondu. Peut-être y répondra-t-il dans les prochaines heures. En plus, en parlant des attaques ciblées contre des Beti, les propriétaires de ces succursales sont-ils Beti comme Ava (décédé dimanche, 18 novembre 2018), comme Amougou, comme Obama, K-Tino ou même comme Coco Argentée ?
Qui est même Beti ? Qui se réclame d’être Beti au Cameroun ? Parlez-vous de l’ethnie, de la tribu, du clan, de la généalogie, de l’agrégat ? Parlez-vous de la tribalité, du tribalisme, de l’ethnocentrisme, du mono-fascisme mono Ndjanaien ou de l’ethno-fascisme pokamien ? Parlez-vous des Beti au sens de Philippe Laburthe-Tolra, de Séverin Cécile Abega ou de Luc Mebenga Tamba ? De quel Beti Parlez-vous? Antoine Socpa, Paul Abouna, Mbonji Edjenguelle, etc.qui sont, tous les trois aussi Anthropologues, parleront de quoi lorsque des Hommes de médias manipulent, voire instrumentalisent le mot « Beti » à tort et à travers ? Sachons vraiment ce que parler veut dire pour reprendre Pierre Bourdieu, Sociologue constructiviste ! Cessez d’utiliser, de manière alambiquée et biaisée, le mot « Beti ».
Eviter de manipuler ce type de terminologie
Par ailleurs, j’appréhende, dans le contenu manifeste de cet article, la récurrence du mot « assassinat » corrélé à « tentative d’assassinat ». Dans la galaxie de la Sociologie de la déviance et de la criminalité, il faut éviter de manipuler ce type de terminologie sans avoir les indicateurs qualitatif et quantitatif qui y sont inférés. Sachez-le ! Il y a un distinguo entre le crime, l’assassinat, le meurtre, l’agression, le viol et le braquage. Actuellement, seules les enquêtes de la police ou des forces de maintien de l’ordre peuvent nous permettre de qualifier ce dont ont été victimes Ernest Obama, Félix désiré Amougou et Avenir Ava.
Dans l’imagerie populaire, le bas-peuple a tôt fait de parler de « braquage à mains armées » ou encore « d’agression à mains armées ». D’autres comme l’auteur de l’article concluent à la thèse de l’assassinat de Avenir Ava et de la tentative d’assassinat de l’abbé Amougou. Alors, des investigations ont-elles été faites pour qualifier les déviances ou les frasques vécues par ces hommes publics de « tentative d’assassinat » ou « d’assassinat » ? L’Homme de sciences, à ce giron, reste et demeure minutieux et n’utilise pas, à tort et à travers, ces mots. Le braquage n’est pas le crime ; le crime n’est synonyme d’assassinat ; l’assassinat n’équivaut pas à l’agression.
Cessons, dans la même veine, d’utiliser les concepts de la Sociologie de la criminalité urbaine de manière boursouflée et biaisée ! Nous ne nous érigeons pas en donneur de leçons, mais nous faisons preuve de rigueur épistémologique et de rigidité scientifique à l’aune du respect des critères et des principes méthodologiques enseignés dans les écoles scientifiques. Nous ne sommes pas dans la posture de maître-penseur ou dans la stature de maître-recenseur, mais nous avons préféré donner la lecture relative à l’analyse de contenu manifeste et latent de l’article de l’aîné professionnel Léger Ntiga pour qui nous avons, sans conteste, du respect. Que cela soit clair !