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Serge Espoir Matomba : « Le gouvernement doit impérativement modifier sa politique carcérale »

Serge Espoir Matomba

Dans une tribune publiée sur sa page Facebook ce 27 juillet 2019, tire les leçons du soulèvement des prisonniers de Kondengui à Yaoundé et ceux de Buéa. Le candidat à la dernière élection présidentielle invite le gouvernement à modifier sa politique carcérale. Lebledparle.com, vous propose l’intégralité de la chronique de Serge Espoir Matomba.


Serge Espoir Matomba
Serge Espoir Matomba – capture photo

LES LEÇONS À TIRER DES SOULÈVEMENTS DES PRISONNIERS DE KONDENGUI ET DE BUEA.

C’était inéluctable. Quand le 22 juillet 2019, il y a eu une mutinerie à la prison centrale Kondengui de Yaoundé, j’ai poussé un soupir d’accablement même si j’attendais cet événement que je savais inéluctable et je craignais que ses conséquences ne soient autrement plus dramatiques. Si je n’ai pas réagi au lendemain de cette nuit infernale, si je me suis donné quelques jours d’attente, c’est parce que je craignais une contagion de plus grande envergure que ce qui est arrivé avec le soulèvement des détenus de Buea. Il est donc temps que je tire la sonnette d’alarme car rien n’est acquis, rien n’est terminé et le feu couve encore sous la cendre.

Quelques raisons essentielles me faisaient craindre cette insurrection. Il y a d’une part le problème du surpeuplement de nos prisons et le traitement indigne et inhumain que cela induit. La promiscuité entre les criminels chevronnés, les cas bénins, les prisonniers politiques, ceux indexés comme détourneurs de fonds publics jouissant de régimes carcéraux de faveur, cette situation crée un malaise permanent. Il y a ensuite la grande injustice des détentions provisoires interminables. Enfin, la présence de détenus de nos différentes crises, en particulier celle du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, qui maintient une tension permanente comparable à un chaudron ou à un volcan. Ce cocktail explosif ne pouvait déboucher que sur une insurrection à hauts risques. Souhaitons que cette alerte interpelle enfin les responsables de ce pays.

Je suis un homme politique qui a décidé de faire la politique autrement. Je voudrais en effet faire la politique pour et avec des hommes et nullement pour une ambition autre. Une fois de plus j’interpelle ce gouvernement dont l’autisme, l’inaction ou les actions inadaptées, la cécité, l’arrogance, auraient pu mettre mille fois le feu à la cité, si le Cameroun – autant le peuple pacifiste que la nature généreuse – n’était doté de caractéristiques qui assurent une grande probabilité de paix, parfois même teintée de résignation. Des peuples voisins ou lointains se sont soulevés pour moins que cela. Le mépris affiché par nos pouvoirs pour l’humain et pour l’opposition politique est tout simplement irresponsable, suicidaire. Le drame national d’Eséka, les tueries criminelles du Nord, la crise meurtrière anglophone, tous ces foyers volcaniques n’arrivent pas à infléchir l’inaction mortifère du gouvernement. Pas une fois, on n’a appelé l’opposition à participer à la recherche de solutions, comme le font TOUS les gouvernements doués de bon sens, quand le pays est en crise. Mais puisque chacun doit jouer son rôle, je jouerai le mien jusqu’au bout. Le PURS apportera toujours ses propositions chaque fois qu’il le jugera nécessaire. Il l’a fait pour le NO/SO et les autres foyers de crise, il le fait pour ces mutineries dont celles de Yaoundé et de Buea risquent de n’être que les signes avant-coureurs.

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Les images du surpeuplement de nos prisons sont choquantes. J’ai été voir de mes propres yeux. Elles me font penser ni plus ni moins à du bétail en batterie et parfois même aux calles des bateaux négriers. Ces images sont insoutenables et rien ne justifie qu’un être humain soit ainsi traité. On se demande si nos responsables les voient eux aussi. Quand on sait que peut-être la moitié sinon plus, de ceux qui sont dans ces prisons n’y ont pas leur place, on est doublement interpellé sur l’esprit de nos dirigeants.

On y rencontre des mineurs qui ont commis de menus larcins et autres peccadilles du même acabit. On y trouve des personnes qui auraient leur place plutôt en psychiatrie. Un travail d’utilité publique aurait suffi comme peine pour beaucoup. Et que dire de ces interminables et injustes garde-à-vue, de ces inattendues détentions provisoires qui durent une éternité. On comprend donc que les détenus de la crise du NO/SO gonflés par une incarcération que certains considèrent injuste, d’autres illégitime, demandent à être jugés ou libérés. Revendication à laquelle tous les prisonniers du Cameroun pourraient fort logiquement se joindre. Revendication dont le bon sens est indéniable.

La prison fait partie de toutes les sociétés humaines. Elle est utile, elle est nécessaire, elle est indispensable. Mais comme tous les secteurs de la société, elle doit être juste et humaine. Beaucoup de prisonniers issus du petit peuple jugent qu’ils ont été conduit à la prison à cause d’un régime qu’ils considèrent – à tort ou à raison – comme injuste. Les barons de ce régime honni dont ils pensent qu’ils ont participé à leur asphyxie, sont aujourd’hui leurs voisins à Kondengui. Et jusqu’en prison, ils ont l’impression de subir l’arrogance de ces détenus de première classe.

Le gouvernement doit impérativement modifier sa politique carcérale. Une fois de plus nous allons nous soumettre à cet exercice que nous avons choisi en tant que force de propositions. Nous connaissons le sort qui sera réservé à ce travail. Mais à chacun ses responsabilités. Comme nous le disons toujours, l’histoire jugera comme elle sait si bien le faire, avec impartialité. Nous n’en doutons point.

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Plusieurs catégories de personnes, nous l’avons dit, n’ont pas leur place dans ces prisons. Il convient de créer des centres d’accueil et d’éducation renforcés pour les délinquants mineurs. Ce sont des enfants et ils sont soumis à la tutelle des adultes. Bien souvent, c’est notre échec d’adultes qui les a conduits vers la délinquance. Il y a aussi les personnes dont l’état psychiatrique impose qu’elles soient dans des centres adaptés à leur situation et qu’elles soient traitées. Les prisonniers de « l’opération épervier » devraient avoir un espace carcéral spécifique, loin de ce peuple qu’ils ont spolié. On doit aussi prêter une attention particulière à ces détenus qui pensent que leur situation est une injustice, je pense en particulier aux activistes du NO/SO. Ils ne sont pas des locataires comme les autres. Enfin, les conditions d’incarcération de tous et notamment des «droits communs» parfois laissés pour compte, en particulier la qualité de leur hébergement et de leur alimentation, doit être améliorée. Il s’agit des êtres humains qui doivent conserver leur dignité.

Il convient aussi de revoir de fond en comble nos méthodes de garde-à-vue et de détention provisoire. L’on doit être assez rapidement fixé sur son sort. Le risque fort humain, c’est que les juges se sentent obligés de «culpabiliser» un innocent pour justifier une longue détention provisoire. De par le monde entier, on connaît la difficulté de la justice et des autres corporatismes – même les corps de la santé – à reconnaître leurs torts. Ne leur donnons donc pas l’occasion de parjurer.

Le soulèvement des prisonniers NO/SO de Kondengui est un signe avant-coureur d’un feu qui pourrait se réveiller, s’amplifier, se propager, se durcir. Ne le prenons pas à la légère. On ne peut juger infondées les revendications de ces personnes. En plus, elles émanent d’une population carcérale spécifique, militante, jusqu’auboutiste, déterminée, prête à tout, parfois sujette à un dopage, à un endoctrinement destructeur.

Il est temps que le pouvoir comprenne que l’on peut faire les choses autrement. J’ai visité nos prisons et je n’en suis pas sorti comme j’y suis entré. Quelque chose s’est révoltée en moi. Faites comme moi, et j’en suis convaincu, vous comprendrez l’urgence de l’heure.


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