A une semaine du délai de recevabilité des dossiers de candidatures pour les élections municipales et législatives 2019, la scène politique bouge tant du côté du parti au pouvoir que de l’opposition.
Dans une chronique qu’il écrit sur sa page Facebook, Serges Aimé Bikoï, journaliste à la radio à capitaux privés Siantou tente une analyse du déploiement des leaders de l’opposition dans la course vers le 9 février 2020.
Lebledparle.com vous livre cette publication de l’homme des médias.
Législatives et municipales 2020
L’équation de la mutualisation des forces politiques de l’opposition camerounaise
Il reste encore une semaine pour le dépôt des dossiers de candidatures en vue des élections législatives et municipales 2020. Bien de postulants s’échinent, depuis le 11 novembre 2019, à constituer leurs dossiers malgré les obstacles et pesanteurs rencontrés sur le terrain. Pour l’instant, aucun leader de l’opposition camerounaise ne réfléchit sur les stratégies de rentabilisation, de capitalisation et d’augmentation du nombre d’élus des partis politiques.
Or, c’est le moment opportun d’y penser dans le dessein d’avoir une majorité parlementaire, d’accroître une représentativité politique et d’escompter, au bout du compte, une majorité des élus dans les municipalités. A l’état actuel, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) dispose d’une majorité obèse d’élus locaux sur l’échiquier politique. Raison pour laquelle cette formation politique a une main-mise dans l’orientation des décisions prises au sein de la chambre basse du parlement camerounais, où des lois sont adoptées sans une emprise des élus de l’opposition forts minoritaires.
Dans l’optique de ne pas continuer de faire de l’Assemblée nationale une caisse de résonance du parti au pouvoir et une chambre d’enregistrement acquise à la cause du dirigeant principal et des thuriféraires gestionnaires dudit parti, il est impératif, à l’heure actuelle, de penser à la mutualisation des forces politiques de l’opposition camerounaise. Histoire d’empêcher que le Rdpc ait tous les sièges au parlement et dans municipalités. L’interpellation est faite aux différents partis politiques de l’opposition afin de fédérer et de mutualiser les forces, les expériences, les compétences et les moyens.
L’enjeu étant, au demeurant, de regorger d’une représentativité et d’une légitimité au sein du champ politique camerounais. Faut-il se présenter, à nouveau, au double scrutin législatif et municipal en rangs dispersés de manière à émietter les suffrages et à ne pas bénéficier d’une représentation statistique des élus locaux ? Le peuple camerounais acceptera-t-il d’aller aux élections locales avec ces faiblesses structurelle et conjoncturelle, lesquelles risquent de les mettre dans une position défavorable ?
Nous lisons, depuis la convocation du corps électoral, des slogans pompeux, ampoulés et boursouflés du genre objectif : 300 mairies et 100 députés ou encore 200 mairies et 100 députés. Dans quel contexte peut-on nourrir et réaliser de telles ambitions au regard des mentalités individuelle et collective qui prévalent dans la société camerounaise contemporaine ? Des leaders et acteurs politiques doivent-ils rester arc-boutés sur leurs logiques individualistes et opportunistes de manière à opter pour les listes de candidatures non-consensuelles et unipartisanes ?
La stratégie idoine qu’il est urgent d’implémenter consiste à fédérer et à mutualiser les forces politiques, les compétences, les expériences et les ressources humaine, financière et matérielle nécessaires à la victoire et, par conséquent, à l’accroissement de la proportion des élus locaux. Après plusieurs années écoulées de désaffection politique ayant entraîné l’apathie populaire après le boom des années 90, il est idoine de galvaniser le bas-peuple et le motiver à se rendre, massivement, aux urnes pour élire les candidats qui opteront pour la mutualisation.
Pour éviter un taux d’abstention constaté lors des derniers scrutins, il vaut mieux une nouvelle décision de la fédération et de la mutualisation des forces politiques. Décision qui sera, à coup sûr, un déclic pour se rendre aux urnes et escompter un certain changement à long terme. Si l’on jette un regard sur quelques chiffres des forces politiques de l’opposition camerounaise, le Social democratic front (Sdf) détient, depuis le double scrutin législatif et municipal de 2013, 16 députés, 23 mairies et 850 conseillers municipaux. L’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) compte 5 députés, 15 communes et plus de 300 conseillers municipaux. L’Union démocratique du Cameroun (Udc) a 4 députés, 5 mairies et 197 conseillers municipaux. L’Union des populations du Cameroun (Upc) a 3 députés, 7 mairies et environ 200 conseillers municipaux.
Au regard de ces chiffres faiblement représentatifs sur l’échiquier politique camerounais, la nécessité de la coalition des forces politiques de l’opposition camerounaise est un enjeu à atteindre dans l’optique de booster davantage la proportion des élus locaux. Sont interpellés, Ni John Fru Ndi, Maurice Kamto et ses alliés, Bello Bouba Maigari, Adamou Ndam Njoya, qui constituent la vieille garde politique, Alice Sadio, Habiba Issa, Cabral Libii Li Ngué Ngué, Serge Espoir Matomba, qui représentent des jeunes loups, ont intérêt à mutualiser leurs forces et leurs capitaux pluriels pour engranger non seulement des députés, mais aussi des mairies et des conseillers municipaux. Des leaders politiques qui refuseront d’agréer l’idée de la fédération et de la mutualisation des compétences et des forces seront appréhendés comme les acteurs qui font le jeu du Rdpc afin que ce parti politique continue de maintenir une majorité très élevée et la représentativité politique.
Au niveau microsocial, le jeu de la mutualisation est, d’ores et déjà, activé dans le Littoral et, singulièrement, dans le Wouri 1er où le Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn) vient de mutualiser avec L’Union démocratique du Cameroun (Udc). Une liste consensuelle va être déposée, dans les prochains jours, sous la bannière du parti de Ndam Njoya. Cette liste commune a pour chef de file Cyrille Sam Mbaka, 1er vice-président national de l’Udc.
Par le passé, une alliance consensuelle d’une telle essence entre l’Udc et le Mouvement progressiste (Mp) avait permis, antérieurement, à Jean Jacques Ekindi d’être élu député. Même si cette alliance avait connu des turbulences, voire une fissure quelques années après. D’autres cas de coalition d’une telle envergure avaient été présentés par le passé. En 2013, lors du double scrutin législatif et municipal, la coalition de trois formations politiques de l’opposition camerounaise, en l’occurrence l’Udc, l’Afp et le Paddec, avait présenté des listes communes au point d’engranger, au finish, des postes de conseillers municipaux dans les communes d’arrondissement de la ville de Douala.
Edith Kabbang Walla, présidente nationale du Cpp, est conseiller municipal à Douala 1er. Mongwat Ahidjo, Secrétaire national à la communication de l’Udc, est aussi conseiller municipal à la commune d’arrondissement de Douala IIème. Sanctionné entre-temps, le Paddec s’était retiré. Malgré tout, Jean de Dieu Momo, leader du Paddec, était devenu conseiller municipal à Douala Vème. L’Union pour la fraternité et la prospérité (Ufp), dont le leader national est Olivier Bile, avait adhéré, plus tard, en 2016 à ce Pacte républicain. Le développement argumentatif, qui vient d’être fait supra, consiste à démontrer la force coercitive des alliances et des coalitions en politique surtout lorsqu’elles ne sont pas, éminemment, individualistes, opportunistes et clientélistes.
Le seul baroud d’honneur des forces opposantes réside donc dans la coalition, la fédération et la mutualisation des leaders et acteurs politiques. Il ne reste qu’aux leaders mentionnés supra de se réunir et de trouver la solution à l’équation de cette mutualisation. Que peuvent apporter des leaders politiques du point de vue de leur force, de leurs compétences, de leurs expériences et de leurs moyens pluriels ? Le débat est lancé afin que des acteurs politiques mûrissent cette idée et mettent en scène leurs mécanismes d’action, leur énergie et leurs stratégies pour augmenter le nombre d’élus locaux. Chacun(e) devra retenir ce postulat de l’équation de la mutualisation : mieux vaut un que zéro élu local.