Omar al-Bachir dirigeait le pays d’une main de fer depuis trente ans. L’annonce de son départ, tant attendue par les manifestants, intervient quelques heures après la promesse de l’armée d’une « déclaration importante ».
Le président soudanais Omar al-Bachir, à la tête du pays depuis un coup d’Etat en 1989, a présenté jeudi 11 avril sa démission après près de quatre mois de contestation contre son pouvoir et des consultations sont en cours pour former un conseil de transition, a appris l’agence Reuters auprès de plusieurs sources gouvernementales.
Des sources ont également déclaré à Reuters que le président Bachir avait été depuis peu assigné à résidence dans son palais présidentiel de Karthoum, tout comme un certain nombre de ces collaborateurs.
L’annonce tant attendue par les manifestants intervient quelques heures après la promesse de l’armée d’une « déclaration importante bientôt », déclenchant de nouvelles scènes de liesse devant le quartier général des militaires à Khartoum, où des milliers de manifestants campent depuis le 6 avril en appelant l’armée à les rejoindre et en réclamant le départ du président Bachir. « Le régime est tombé, le régime est tombé », ont chanté des milliers de manifestants en attendant le message de l’armée. La foule, déterminée, avait défié toute la journée de mercredi le régime devant ce siège de l’armée, dont ils réclamaient le soutien.
« Trente ans de répression, de corruption, d’abus de droits »
« L’armée soudanaise va diffuser une importante déclaration bientôt. Attendez-la », avait informé un présentateur sur la télévision d’Etat jeudi matin. Le média n’avait pas donné davantage de détails et diffusait des chants militaires. « Nous attendons de grandes nouvelles. Nous ne partirons pas d’ici tant que nous ne saurons pas ce que c’est », a indiqué à l’AFP un manifestant devant le siège de l’armée. « Mais nous savons que Bachir doit partir. Nous avons eu assez de ce régime. Trente ans de répression, de corruption, d’abus de droits. C’est assez », a-t-il poursuivi.
Mercredi, le Parti du congrès national (NCP) du président Bachir avait appelé l’ensemble de ses membres à un rassemblement de soutien au chef de l’Etat jeudi à Khartoum, signe que le président ne semblait pas prêt à céder. Mais, mercredi soir, ce rassemblement a été reporté sine die.
« Des hommes et des femmes de tous les coins de Khartoum et d’autres villes viennent pour ce qu’ils appellent le service de nuit », a, de son côté, souligné un manifestant, mercredi soir, pour marquer la détermination des protestataires. Depuis samedi, les manifestants ont essuyé à plusieurs reprises les assauts du puissant service de renseignement NISS, qui a tenté en vain de les disperser à coups de gaz lacrymogène, selon les organisateurs du rassemblement.
Mardi, onze personnes dont six membres des forces de sécurité ont été tuées lors de manifestations à Khartoum, a rapporté mercredi le porte-parole du gouvernement Hassan Ismail, sans préciser les circonstances de leur mort, selon l’agence officielle Suna. En tout, 49 personnes sont mortes dans des violences liées aux manifestations depuis que ces rassemblements ont commencé en décembre, de sources officielles.
Mardi, la police avait annoncé avoir ordonné à ses forces de ne pas intervenir contre les contestataires. Elle a aussi dit vouloir l’union du « peuple soudanais […] pour un accord qui soutiendrait un transfert pacifique du pouvoir ». Concernant les militaires, le général Kamal Abdelmarouf, chef d’état-major de l’armée, avait précisé lundi que celle-ci continuait « d’obéir à sa responsabilité de protéger les citoyens ».
« Un plan de transition politique crédible »
L’étincelle de la contestation a été la décision du gouvernement, le 19 décembre, de tripler le prix du pain, qui a rendu encore plus difficile le quotidien des Soudanais dans un pays plongé dans une profonde crise économique depuis plusieurs années. Les « émeutes du pain » se sont transformées progressivement en manifestations contre le régime.
A travers le pays, des milliers de Soudanais ont appelé au départ d’Omar al-Bachir. Le président a tenté de réprimer la contestation par la force, puis a instauré le 22 février l’état d’urgence à l’échelle nationale.
Mardi, des capitales occidentales ont appelé les autorités à répondre aux revendications « d’une façon sérieuse ». Le pouvoir doit proposer « un plan de transition politique crédible », ont écrit les ambassades des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Norvège dans un communiqué conjoint à Khartoum. Mercredi, Washington a exhorté le pouvoir à respecter le droit de manifester. « Nous appelons le gouvernement du Soudan à respecter les droits de tous les Soudanais à exprimer leurs doléances pacifiquement », a écrit sur Twitter Tibor Nagy, secrétaire d’Etat adjoint chargé de l’Afrique.