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Stanley Enow dans Jeune Afrique: «Ce qui manquait au rap camerounais, c’était moi ».

King kong
Image tournage du clip KinKong en Afrique du Sud (c) Droits réservés

King kong

Nommé « Révélation de l’année » aux derniers MTV Africa Music Awards, à Durban en Afrique du Sud, Stanley Enow est aujourd’hui le fer de lance du rap camerounais. Avec un album prévu mi-2015, il part à l’assaut du marché international. Interview.

Il a été le premier Camerounais à être distingué à la grande messe des MTV Africa Music Awards. Son titre « Hein Père », a fait le tour de la planète. Son nom est désormais cité en exemple lorsque l’on aborde le sujet du rap camerounais.

Autant dire que les attentes autour de Stanley Enow sont fortes, alors qu’il vient de sortir un single, « King Kong« . Et le natif de Bafoussam est bien décidé à les satisfaire.

Jeune Afrique : Vous avez été nommé révélation de l’année aux MTV Africa Music Awards, à Durban en 2014. Quels sont aujourd’hui vos projets pour continuer à grimper les échelons ?

Stanley Enow : Avec ce succès, nous sommes entrés dans une autre phase. Je viens de sortir un single, « King Kong », dont le clip est apparemment le plus cher jamais réalisé en Afrique. Il y aura ensuite un album en pidgin, dont le titre se traduira par « Je suis soldat comme mon père », d’ici le milieu de l’année 2015.

L’objectif est de conquérir le marché international ?

Nous voulons toucher un plus grand nombre de personnes à l’international, tout en conservant ce qu’on a au niveau de l’Afrique centrale. Les États-Unis vont s’ouvrir et, en y réussissant, le Nigeria fonctionnera aussi. C’est quelque chose qui se passe déjà. On fait des tournées, les labels nous appellent, etc… C’est bon signe. On était dans le noir. Aujourd’hui on est dans la lumière. Je me suis rendu compte que j’étais un modèle et il faut s’en servir pour donner de la force à la jeunesse.

Pourquoi cette référence à votre père dans ce prochain album ?

C’est de lui et de Dieu que je tire la force de remplir la mission que je me suis fixé. Je ne veux pas seulement faire bouger les corps mais je souhaite surtout donner l’espoir, dire aux gens que c’est possible de réussir. L’album est très attendu. En 2013, j’étais un petit gars du quartier mais, depuis, beaucoup de choses ont changé. Les jeunes voient qu’on peut vivre du rap aujourd’hui grâce à moi.

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Qu’est-ce que le rap à la camerounaise ?

Au Cameroun, il faut parler du quotidien, des choses de tous les jours, tout en mêlant de l’argot, du pidgin, de l’anglais ou du français. Le rap est une musique ancienne mais le Cameroun a commencé, depuis quelques années, à produire un nouveau style, notamment avec des « pères » comme Krotal. Avant, je rappais comme un Américain. Mes proches me disaient que c’était bien mais, un jour, j’ai commencé à faire du « camerounais » et ça a décollé. Il y a eu un déclic. Jusque-là, il manquait le messie pour lui donner la lumière. Les jeunes ont besoin de repères. Ils peuvent écouter du Jay-Z ou du Jenifer Lopez, mais ils ne trouveront pas les messages qui leur ressemblent.

D’où vient ce déclic ?

Je pense que ça vient de Dieu et aussi de la rage. À l’époque, je chroniquais à la radio et à la télévision dans les émissions sur le hip hop. J’en avais marre d’entendre tous les « boss » du hip hop et de travailler dans ce milieu peuplé de beaucoup de « gros bouffons » qui s’accaparent l’argent. Je voulais devenir le numéro un, développer ma musique et m’en servir pour percer au niveau international.

Qu’est-ce qui manque au rap camerounais pour se développer davantage ?

Ce qui manquait au rap camerounais, c’était moi. Je suis là. Maintenant, il faut que des grosses sociétés, notamment dans les télécommunications, prennent des artistes en main, les choisissent comme ambassadeurs. Elles doivent aider à réguler le secteur de la musique afin qu’un artiste puisse vivre de son travail, à travers les téléchargements notamment. Il faut qu’on accepte de rendre riche un jeune qui vient du quartier.

Le rappeur camerounais a toujours une image de mauvais garçon ?

Honnêtement, c’est ridicule. Depuis mon arrivée, j’ai tout changé. Je suis diplômé en communication des organisations. J’ai arrêté mon master uniquement parce que ma chanson « Hein Père » a fonctionné. Sinon, je serais à l’université. Quand je vais en cérémonie à la présidence, je suis en costume. Il n’y a pas d’obscénité dans mes textes. Cette image est fausse. Avec mon équipe, on prône le côté « gangster », mais propre, classe, chic.

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La découverte de nouveaux talents est-elle un objectif, notamment via « Motherland Empire », votre label ?

Oui. Je fais beaucoup de collaborations et « Motherland Empire » est un label qui cherche des talents. J’ai d’ailleurs invité des jeunes rappeurs, comme Loïc Locko, dans mon prochain album. On est également en train de faire le remix de « King Kong » avec de jeunes femmes, dont Ciana, qui rappe magnifiquement bien. Notre idée est de développer les jeunes talents, mais aussi la condition de la femme. Je crois en des valeurs d’égalité des sexes et j’espère que des femmes prendront plus de place dans le milieu du hip hop.

L’avenir du rap camerounais passe-t-il par Internet ?

Nous sommes à l’ère d’Internet. On a même la 3G au Cameroun. Si vous n’êtes pas sur Facebook, Twitter, Instagram, ce sera très difficile de vous faire connaître. Les labels camerounais n’ont pas les moyens de payer des grosses sommes pour de la promotion. Même dans le milieu, les professionnels vont aller regarder votre nombre de vues sur YouTube. Quand une entreprise voit que je suis parmi les deux premiers Camerounais, avec Samuel Eto’o, à avoir un compte certifié sur Twitter, ça a de la valeur [le président Paul Biya a également obtenu la certification, NDLR]. Mais il y a aussi nécessité de faire un gros travail de fond sur le terrain, surtout au Cameroun, auprès de la population.

Le rap camerounais est-il politique ?

Non, je ne dirais pas ça. En dehors de Valsero, avec sa « Lettre au président », on n’a pas beaucoup de « rappeurs politiques ». Personnellement, je reste en dehors. Je fais un rap social mais apolitique. Je crois en la force de l’être humain à aller au-delà de ses limites par lui-même. Je fais partie de cette jeunesse qui n’attend pas grand-chose du gouvernement, en dehors de la stabilité. Tant qu’il y a la paix, ma musique passe.

Propos recueillis par Mathieu Olivier, Jeune Afrique


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