Les internautes ont tourné en dérision une institutrice pour avoir commis une faute d’orthographe. Prenant le contrepied de ce vent de critiques, l’écrivain et universitaire JA Nkoetam Zambo a pris fait et cause pour l’enseignante.
Pour évoluer avec les programmes des élèves du CM2 en ces temps de congés forcés provoqués par la pandémie du Coronavirus, la Crtv sert de plateforme pour la diffusion des cours audiovisuels. Ces derniers n’ont malheureusement pas démarré sous d’heureux auspices. Pour cause, l’institutrice appelée à dispenser la leçon de grammaire du jour a fait une faute d’orthographe qui s’est vite transformée en objet de raillerie sur les réseaux sociaux.
«L’erreur nous enseigne, c’est incontestable»
Dans une chronique envoyée à notre rédaction, l’auteur de Poésie nouvelle pour un hymne à l’amour s’indigne des gausseries entendues çà et là, à la suite de bévue commise par l’institutrice. S’il rappelle que l’erreur est humaine et que tout le monde peut en faire, il n’oublie pas d’ajouter que les «seigneurs de la craies» méritent, pour leurs œuvres, le plus grand des respects.
Lebledparle.com vous livre ci-dessous l’intégralité de sa pensée
Depuis ce jour, plusieurs personnes ont trouvé du plaisir à vouer aux gémonies une institutrice qui ne faisait que son travail et ce non sans talent. Donc, de façon remarquable. Quelle bêtise ! Rien que pour ça et pour une autre raison personnelle que je n’entends guère mentionner ici, qu’il me soit permis de réagir à toutes fins utiles.
Le constat participe d’un truisme : tous les êtres humains font des erreurs ; or l’instituteur/ l’institutrice est un être humain ; donc il/elle peut faire des erreurs. Quelqu’un d’autre pouvait dire que l’enseignant.e n’est pas Dieu. Seul Dieu ne se trompe pas.
S’il y a une remarque qui est générale, c’est bien la suivante : il est difficile d’utiliser la langue française à bon escient aussi bien à l’écrit qu’à l’oral. Malgré ce fait, ils sont nombreux qui se sont précipités bon gré mal gré pour condamner cette institutrice. J’ai vu beaucoup plus des quolibets chez certains et des diatribes chez d’autres. Et pourtant, nous vous lisons également en permanence. Zut ! L’erreur est humaine. Tout le monde le sait. C’est une lapalissade. Déjà, de quelle erreur parlons-nous ? Il va de soi que cette séquence a tout de même permis à plusieurs personnes d’être édifiées sur le verbe « ATTERRIR » en ce qui concerne son orthographe et sa signification. Finalement, elle n’a fait qu’enseigner. Et même, dois-je dire que l’erreur nous enseigne très souvent. Les personnes avisées qui se vouent à la lecture détectent parfois des erreurs dans certains ouvrages ; -lesquelles erreurs n’altèrent en rien la qualité de ces derniers-. Toujours dans ce sens, dans certaines émissions et certains programmes (à la télévision et à la radio), il nous arrive régulièrement de voir certains journalistes et panélistes faire des erreurs parfois pour ne prendre que cet exemple.
La maîtrise de la langue française est un défi permanent. Je profite donc de cette occasion pour dénoncer le comportement anti-pédagogique des uns et des autres qui, visiblement, veulent humilier cette institutrice qui ne faisait que son travail. C’est avec beaucoup d’amertume que je constate que certaines personnes sont promptes à dénigrer les autres. Mieux, il est toujours plus facile de critiquer, de rabaisser et d’humilier l’autre. J’insupporte le fait pour un individu de mépriser un.e enseignant.e. Pour ma part, tous les enseignants méritent pour le moins d’être honorés. Car, ils exercent le métier qui, selon moi, a seul le privilège de modeler l’humain.
L’erreur n’est pas toujours mauvaise. D’ailleurs, Jean-Pierre Astolfi dans son ouvrage L’erreur, un outil pour enseigner, permet de corroborer cet état de fait. Pour ce dernier, la façon de considérer l’erreur dans l’apprentissage a beaucoup évolué. Mieux, il estime que l’on est passé de manière globale d’une conception négative, -je dirai péjorative- à une conception méliorative de l’erreur. Il reconnait qu’il existe des erreurs liées soit à l’inattention, soit au désintérêt. Toutefois, L’auteur démontre somme toute qu’il est possible de s’appuyer sur les erreurs commises pour renouveler l’analyse de ce qui se joue dans la classe et pour mieux fonder l’intervention pédagogique. Je pense volontiers et très humblement que cet ouvrage est intéressant dans la mesure où il permet une approche on ne peut plus différente de l’erreur. Expressément, il permet de transformer cette dernière en outil pédagogique.
En réalité, si nous sommes devenus ce que nous sommes aujourd’hui (Universitaire, Enseignant, Médecin, Administrateur, Ingénieur, Journaliste, etc.), évidemment c’est en grande partie grâce à ces Instituteurs / Institutrices. Lesquel.le.s, il faut le dire, ne demandent pas autre chose que respect et reconnaissance au minimum et amélioration de leurs conditions de travail et traitement au maximum.
Pour ne pas conclure…
Je termine par là. S’il n’est pas évident d’enseigner normalement, il est encore moins évident de le faire à travers la télévision. C’est le lieu ici de saluer tous ces enseignants qui se tuent difficilement mais patiemment à la tâche chaque jour pour former des jeunes camerounais. Les enseignants font et défont les Nations. Qu’il me soit également permis hic et nunc de saluer cette initiative des décideurs publics camerounais. Il faut davantage encourager la télé-éducation, le télé-enseignement au regard de la conjoncture actuelle. Mais, au lieu de faire des leçons de manière directe, il serait intéressant de les faire indirectement. J’entends par là faire des enregistrements avant, corriger certaines erreurs et diffuser ces leçons plus tard comme des documentaires. C’est une proposition. C’est aussi cela le rôle de la recherche : faire des propositions et des suggestions. Au final, cette institutrice est brave, je pense. Car, « L’erreur n’annule pas la valeur de l’effort accompli. », dit un proverbe africain. Chère institutrice, votre effort est à saluer.