Les armées sont en alerte maximale depuis vendredi dernier autour de Dabanga. Les militaires nigérians de l’opération Lafiya Dolle, leurs homologues camerounais de la Force multinationale mixte, du 41ème Bataillon d’infanterie motorisée et de l’opération Alpha ont renforcé leurs effectifs.
A Rann, une localité nigériane près de Kala balgué pour l’armée nigériane et dans un déploiement plus vaste et resserré pour les Camerounais.
Ces armées réagissent à des informations qui ne sont plus un secret sur la ligne de front: « il y a un important rassemblent des combattants de Boko haram à Kala balgué et ses proches environs ». Des dizaines de djihadistes lourdement armés ont été aperçus par « des capteurs ». Parmi eux, des hommes à la peau blanche « métis, touaregs arabes ou occidentaux ». Les armées prévoient que cette réunion n’est pas anodine et présage une attaque massive. A moins que, les terroristes soient neutralisés par les militaires. Mais avant cela, la secte a fait montre d’une surprenante vitalité entre vendredi et samedi derniers.
Vendredi soir, deux camions chargés de vivres ont été attaqués sur la route nationale n°1. Il était près de 19 h lorsque des assaillants, une trentaine, venus du Nigeria à Kala balgué selon toute vraisemblance ont tué les deux chauffeurs des engins dans leurs cabines et ont aussi abattu deux motor boys ( motoristes ndlr). Les assaillants ont mis le feu aux camions avant de prendre la fuite. Les chauffeurs ont été brulés. L’attaque a eu lieu non loin de Dabanga à une dizaine de kilomètres de Ngoulma dernier village « sécurisé » par les forces de défense. Un militaire du Bir a été blessé alors qu’il poursuivait les assaillants. Il a été transféré dans un hôpital de la région, son pronostic vital n’est pas engagé.
Enfants du village passés à Boko Haram
L’enquête n’a pas encore déterminé si les camions qui voyageaient de nuit sans escorte se sont arrêtés suite à une panne ou ont été immobilisés par les assaillants. Ce que l’on sait c’est que les camions se sont arrêtés à Dabanga pour la prière du vendredi. Probablement avant midi parce que dans cette localité qui effleure la frontière, les accès sont hermétiquement bloqués entre midi et 15h. Les membres du comité de vigilance local y veillent depuis que Boko haram a attaqué le quartier Kilata, il y a quelques mois, un vendredi à l’heure de la prière. Vendredi dernier, selon des sources à Dabanga, l’office n’était pas très couru. « On dirait que les populations pressentaient quelque chose », dit notre source.
Les équipages des camions n’ont pas eu ce flair. On les a vus partir de Dabanga après la prière de 18 h pour les retrouver morts quelques heures plus tard. Ce n’était pas les seules victimes de la secte. La nuit de jeudi à vendredi à Sandwadjiri dans le département du Mayo Sava, il y a eu une incursion d’hommes armés. Ils ont grièvement blessé deux villageois et en ont enlevé deux autres dont des sources disent qu’ils ont été retrouvés morts à Zamga. Ils ont par ailleurs pillé des greniers du village. D’autres assaillants lourdement armés ont aussi volé des vivres à Malika, Boussoumri non loin de Tolkomari et à Dia.
Toutes ces localités sont dans le département du Mayo Sava. Chaque fois les assaillants ont su contourner le maillage des forces de défense. Une occurrence qui fait dire à un militaire que « ce sont des enfants du village passés à Boko haram qui connaissent bien les pistes et notre dispositif qu’ils savent contourner sans difficulté ». Pour de nombreux habitants de ces villages, il y a toujours des signes des attaques. « Quand les assaillants approchent c’est en criant Allahou Akbar, puis ils tirent des rafales de fusils. Mais, les militaires ne sortent que rarement ou alors les renforts qu’ils font venir arrivent après », se plaint le chef d’un comité de vigilance. Pour mémoire, des combattants « blancs » ont été aperçus aux côtés de Boko haram en septembre 2014.
C’était à Gambaru ville nigériane mitoyenne de Fotokol. La secte après avoir mis en déroute l’armée nigériane voulait forcer l’entrée au Cameroun par Fotokol. Les hommes du détachement de l’opération Alpha commandés à l’époque par le chef de bataillon Mohaman leur avaient opposé une farouche résistance. L’artillerie camerounaise venue en soutien avait alors frappé un soir une assemblée de chefs terroristes dont des touaregs. Une trentaine de djihadistes avait été tuée. Les tentatives de Boko haram de venger leur mort en emportant Fotokol ont été enrayées. Les terroristes ont pilonné la ville pendant des mois en vain.
Cette bataille a été le premier tournant de la lutte contre la secte. Et l’armée camerounaise qui se battait encore seule fut la première au monde à arrêter l’expansion de djihadistes en dehors d’une coalition. Depuis, on n’avait plus entendu parler de ces djihadistes « blancs ». Mais, l’on sait que Boko haram a changé de leadership ces derniers temps. La scission à sa tête est très marquée. Une partie de la secte a renforcé sa relation avec le groupe État islamique (Ei). S’agit-il d’encadreurs dépêchés par Daesh qui ont été aperçus à Kala balgué? On le saura bien assez tôt par l’une des nombreuses brochures de propagande de l’Ei.