L’actualité africaine en général, camerounaise en particulier sait souvent charrier le pire et le moins pire.
Ces deux dernières semaines, l’actualité économique camerounaise qui a le plus retenu mon attention aura été, par nombre d’aspects tranchant avec le symbôle de ce que notre continent, du moins, pour nous qui militons pour que les affaires africaines soient prises en charge par les Africains, se décline en deux affaires.
La première, dont j’ai largement parlé sur mes plateformes, aura connu une pause voire un règlement… diplomatique. Il s’agit, vous vous en doutez, de l’affaire Savannah Energy. La décision mardi dernier du Conseil d’administration de la Société nationale des hydrocarbures du Cameroun (SNH), de « géler la transaction » vient sauver l’essentiel de cette relation fraternelle et stratégique entre notre pays et le Tchad, son voisin du Nord qui avait été gravement mise à mal par le rachat par l’entreprise d’Etat camerounaise de 10% des actions de Savannah Energy, que la République du Tchad, accusant de n’être qu’une « nébuleuse » de personnalités camerounaises voulant mettre la main sur son pétrole, avait vivement dénoncé. Le gouvernement de transition en place à Ndjamena l’avait publiquement fait savoir en rappelant son ambassadeur au Cameroun. Le retour de l’ambassadeur du Tchad à Yaoundé, après près de 45 jours de brouille, aura précédé la décision de la SNH qui actait ainsi les accords entre nos deux Etats. Un happy-end politico-diplomatique même si rien ne garantit pour l’instant qu’on entendra plus parler de ce malheureux épisode.
Comme pour mettre à l’épreuve les relations entre notre pays, le Cameroun et l’Afrique du Sud, – deux piliers sous-régionaux au sein de l’Union africaine -, l’actualité nous donne à voir voire vivre un autre chari-vari juridico-économique. Où l’on découvre, un peu ébahi, une manière de représailles judiciaires à Douala contre les intérêts économiques et stratégiques sud-africains. Dans le gotha diplomatique, le groupe MTN, il ne faut jamais l’oublier, est un élément très important du pays de Nelson Mandela en matière de «soft-power». La saisie depuis mars 2023 d’avoirs bancaires de l’ordre de 250 milliards FCFA au détriment d’un ensemble d’entités économiques à capitaux majoritairement sud-africains dont MTN Cameroun (132 milliards Fcfa) et Chococam, quel que soit le mobile, peut, à terme, entraîner des bisbilles diplomatiques entre nos deux Etats si le dossier n’est pas bien pris en charge. Même si la BEAC aura obtenu que les comptes MTN Mobile Money (MoMo) réputés contenir l’argent des épargnants camerounais, soient finalement épargnés par cette salve, pour un montant de quelque FCFA 120 milliards, ces saisies dites conservatoires mettent en très grande difficulté MTNC. D’autant plus que ses avocats la disent n’être pas concernée par le litige sud-africain impliquant les entités de BESTINVER, le groupe de l’homme d’affaires camerounais Alhadji Baba Danpullo, présenté souvent comme la première fortune d’Afrique francophone (Magazine Forbes).
Pis, la filiale camerounaise de MTN qui, sans aucun doute se trouve ainsi financièrement handicapée dans la bataille technico-commerciale pour le contrôle du marché camerounais des communications électroniques – l’un des rares assez concurrentiels où les deux, Mtnc et Nexttel, s’affrontent déjà avec un avantage certain pour la première aux côtés de 3 autres opérateurs Camtel, Orange et YooMee dans le segment de la téléphonie mobile et des datas -, risque une cessation de paiement non pas du fait de choix d’investissement hasardeux, mais en raison de décisions de justice qu’elle n’a en aucune façon provoquées ou vu venir.
Mtn Cameroun, une grosse victime
Il serait très aisé de convoquer de manière opportuniste un discours patriotique pour soutenir une opération où, selon les données de plus en plus disponibles, ne sont pas si convaincantes que ça. Et pour cause. Comment peut-on décemment croire qu’alors que nos deux pays, Cameroun et Afrique du Sud qui sont tous membres de l’Union africaine, et dont à plusieurs occasions les dirigeants insistent sur la nécessité de laisser les Africains régler leurs différends en soient, par le fait d’institutions judiciaires à faire douter de la réalité de cette proclamation finalement de principe? A qui va-t-on en effet faire croire quand demain, face aux décisions judiciaires prenant les allures d’opérations kamikaze où en un tour de main une juridiction d’instance peut ainsi ordonner, sans qu’il n’y ait véritablement une procédure au fond opposant les parties au plan local, la saisie des avoirs d’une entreprise privée de droit camerounais n’ayant jamais contracté avec la partie demanderesse au seul motif que cette dernière aurait été l’objet en Afrique du Sud de l’exécution judiciaire d’accords de prêts non honorés en bon temps ? Où il apparait ainsi qu’au minimum, la justice camerounaise est instrumentalisée à des fins de règlements de comptes dans un différend commercial entre une banque et son client, débiteur qui peine à établir sa bonne foi, puisque l’on apprend que c’est depuis 2018, donc deux bonnes années avant le début du Covid 19 en Afrique du Sud, qu’il n’honorait pas les échéances mensuelles de sa dette bancaire ?
Parce que si on venait à faire nôtre cette narrative qui laisse croire que le milliardaire camerounais serait spolié en Afrique du Sud par des partenaires locaux xénophobes, il faudrait aussi expliquer comment malgré toute cette xénophobie alléguée, le système bancaire sud-africain a pu accorder autant de crédits voire de facilités d’investissement à notre compatriote, bel et bien étranger, dans divers segments de l’économie sud-africaine dont l’immobilier !!!
Oui, il faut comme dans l’affaire Savannah qui a mis à mal récemment les relations diplomatiques entre le Cameroun et son allié tchadien, qu’une solution soit rapidement trouvée afin de préserver les bonnes relations, aussi culturelles, économiques et politiques, entre nos deux pays. Mais encore faudrait-il que les institutions intermédiaires telle la justice ne racadilisent pas les parties. Qui, face à leurs intérêts, seront dans l’obligation de recourir à des mécanismes régionaux et/ou internationaux de règlements des différends commerciaux. Pas sûr que de ce côté-là, et avec les données disponibles, notre patriotisme de circonstance pèse de quelque poids.
AGA