L’homme politique Sam Mbaka dans cette tribune publiée sur Facebook le mardi 9 février 2021 analyse la situation socio-politique au Cameroun. Pour l’ancien cadre de l’UDC, les feux sont au rouge. Il propose aux camerounais de se ressaisir pour sortir de la situation actuelle.
Depuis les indépendances des pays africains, depuis les années soixante, notre pays a connu une période de grande stabilité pour certains. Une sécurité armée avec des soubresauts pour d’autres. Rien de comparable avec les guerres civiles et leur cortège de victimes, de déplacés et de destructions qui ont endeuillé nos voisins. Qu’en avons-nous fait?
Ne sommes-nous pas entrain de tomber inexorablement dans la même spirale?
Le Cameroun, ce pays béni des dieux est au tournant de son histoire. Que va-t-il choisir?
Franchir le Rubicond ou se précipiter dans l’abîme?
Les langues désormais se délient. De plus en plus. Il était temps. Chaque Camerounais doit s’approprier son avenir, le construire. Avec détermination.
Après 40 ans d’un pouvoir autocratique dominé par un parti majoritaire dédié à un homme et à une cour de bénis ouï-ouï et d’affidés, c’est l’essoufflement. L’usure du pouvoir. Nos institutions sont sclérosées. L’absence de sang neuf.
L’absence de souffle et d’impulsion. Ce pays pourtant appelé à un bel avenir s’étiole. Il meurt à petit feu.
Le régime est bloqué et moribond.
Quel est notre avenir commun?
Pas une émission à la télé, pas un débat sans que l’on entente le sempiternel refrain des maux et des mots qui minent le Cameroun.
A croire que désormais le déni et la cécité n’ont plus cours et que les masques commencent à tomber.
Face à la défection de l’Ethiopie, le Cameroun a organisé au pied levé ou presque, le CHAN, le Championnat d’Afrique des nations de football 2021.
Tant mieux.
L’élimination prématurée de l’équipe nationale a permis de libérer la parole.
Les spécialistes du ballon rond sauront mieux que personne, nous dire qu’elles ont été les failles dans le recrutement, la sélection, l’entraînement et le choix des joueurs. Sans évoquer le coût exorbitant de ce Championnat qui a permis un temps mais un temps seulement de faire l’impasse sur tout le reste.
La pensée magique.
Comment faire comprendre aux Camerounais que leur pays organise le CHAN alors que des populations ne disposent pas partout d’eau courante et d’électricité?
Cela relève de la pensée magique.
Sur les réseaux sociaux, des prestidigitateurs sortis de nulle part, ont arraché à pleines dents le cou d’un poulet pour exorciser la peur que leur équipe ne perde cette coupe.
Inutilement.
Pauvre volatile. Sacrifié sur l’autel de nos insuffisances et de nos manquements.
Qui peut croire que ces haleines avinées et ces sorciers d’un jour pouvaient nous donner la victoire alors que le match se jouait sur le terrain?
Quand la démocratie est absente et en panne, le foot devient l’opium du peuple.
Une citation prêtée à Karl Marx. Qu’importe.
Après la déconfiture de notre équipe nationale arrivée malgré tout en quart de finale. Viendra le temps des comptes et surtout des mécomptes.
Comment cette nation de footballeurs est-elle tombée si bas?
Pourquoi avons-nous si tant failli?
Rendre des comptes sur les deniers publics et les sommes astronomiques dépensées. En pure perte.
Rendre des comptes sur les impositions des mains par des ministres sur les joueurs. A quelle fin?
Rendre des comptes sur des cérémonies religieuses et sur des prières qui tenaient éveillés les joueurs alors qu’ils avaient besoin de récupérer pour rester frais et disponibles.
La politique du pire. Un choix ou une fatalité?
Le Cameroun est aujourd’hui traversé par des crises multiples. Crises économiques, crises sociales, crises politiques ou crises militaires.
A croire que les thuriféraires du régime ont choisi la fuite en avant.
Faute de résoudre les problèmes qui nous assaillent au quotidien et dans l’incapacité de régler les crises qui chaque jour deviennent plus pressantes. Le pouvoir semble osciller entre le déni et la surenchère.
Une crise chasse l’autre et les problèmes s’accumulent. Que cherche-t-on? Que veut-on? Le saut vers le précipice?
La politique du pire ou le pire de la politique?
Des débats n’ont pas manqué. Des réunions n’ont plus pour dire que si la guerre contre Boko-Haram nous est imposée. Le conflit au Cameroun anglophone est un problème local qui doit trouver une solution locale. Nécessairement.
Mais l’évidence n’est pas la chose la mieux partagée.
Le fédéralisme est une question qui peut être débattue par les meilleurs exégètes ou constitutionnalistes de notre pays sans que le sang ne coule.
Les destructions, les morts, les déplacements de populations appauvrissent notre pays et provoquent des rancœurs et des haines. Chaque jour plus tenace.
A qui profite ce bras de fer d’un conflit asymétrique? Qui sont les va-t’en guerre de ce conflit?
Au bout du bout, les ennemis d’hier devront faire la paix nécessairement.
Pourquoi tant de volte-face et d’atermoiements avant l’inéluctable? Pourtant tant de temps perdu à s’entredéchirer sur des vétilles ou sur des apostrophes? Pourquoi avons-nous vécu en paix avant le surgissement de ce conflit? Quelles sont les causes pour que le seul langage soit les larmes? Avons-nous tout essayé, tout expérimenté ? Bien sûr que non.
En Corse et en Italie, des populations et des villageois se livrent à des vendetta sans qu’on sache précisément à quand remonte le conflit originel et pourquoi?
C’est la spirale de la violence. Autant il est vrai que c’est plus facile de se faire la guerre et de s’entretuer que da faire la paix.
Que va-t-on retenir d’un pouvoir qui aura tenu les rênes pendant quarante ans et sans partage dans notre pays?
Dans quelle situation économique, politique, sociale se trouve le Cameroun?
Quel est l’état d’esprit de nos populations?
Que nous renvoie un regard rétrospectif sur nous-mêmes?
Une réussite ou un échec?
En sommes-nous heureux et fiers?
Quelle est la marque que ce régime, ce parti très majoritaire qui contrôle tous les leviers du pouvoir entend-t-il laisser à la postérité?
Méfions-nous du jugement de l’histoire.
Que diront les historiens aux générations futures? Qu’ont fait vos aînés? Pourquoi héritez-vous des cendres?
La fin du début ou le début de la fin?
Il est temps de nous ressaisir. Plus que jamais,
Le compte à rebours a commencé. Inéluctablement.
Tic-tac. Tic-tac. Dieu ne viendra pas au secours de nos égarements.
Cyrille Sam MBAKA
Homme politique et Chef d’entreprise.