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[Tribune] Cameroun : Le changement de logiciel politique s’annonce au SDF

Louis-Marie Kakdeu, militant et cadre du Social Democratic Front a commis une tribune le mercredi 15 mars 2023, pour parler de son parti politique qui traverse une crise en interne en ce moment. Pour lui, un changement de logiciel politique s’annonce au sein du parti de Ni John Fru Ndi. Lebledparle.com vous propose de lire le texte intégral.

SDF CMR

Pendant les 32 dernières années, le SDF originel a fait ce qu’il pouvait faire avec l’ancienne technologie pour gagner et exercer le pouvoir suprême de l’État mais, en vain. Nos camarades se sont battus comme ils pouvaient, avec de maigres moyens en leur disposition, mais toujours sans succès. Ils ont été pourchassés et certains ont été laissés sur le carreau, mais sans victoire suprême. Ce parcours a été évalué et il faut en tirer des leçons. Je me propose d’en tirer plusieurs dans le cadre de cette réflexion.

Le radicalisme identitaire éloigne du pouvoir suprême.

L’aile dure du parti disait que « le SDF avait été créé pour s’opposer au RDPC ». Ce radicalisme commandait donc une « opposition frontale » au RDPC. Il fallait que le fossé soit permanemment creusé, même artificiellement, entre les positions du SDF et celles du RDPC (langue de bois, politique politicienne, etc.). Il fallait assurer zéro négociation et zéro contact, dire NON. Un bon opposant était celui qui ne « lâchait rien ». Au fil des décennies, cette approche a conduit à l’extrémisme et a accentué la division du pays. Le RDPC en a rapidement profité pour appliquer « la division pour mieux régner ». Il a rapidement catégorisé les partis de l’opposition en partis anglo-bami, bamoun, nordiste, bassa, etc. Tous les nouveaux partis qui sont arrivés avec le même logiciel ont été rapidement catégorisés ethniquement. L’approche identitaire a été encouragée pour réduire leur déploiement au niveau national. Seul le RDPC se disait parti national. L’idée était simple : sur la base identitaire, les partis de l’opposition ne pouvaient jamais s’unir et ne pouvaient jamais gagner individuellement. Cela n’a que trop durer ! Et ce, par notre faute !

Les Ambazoniens sont complices

Pour affaiblir le SDF, la démarche a été simple : entretenir la guerre dans son fief originel et utiliser l’armée pour implanter le RDPC. Pendant la décolonisation, on avait déjà noté la même démarche contre l’UPC. Les Ambazoniens ont fait le jeu. Par exemple, ils n’ont jamais kidnappé un haut responsable du RDPC. Seuls les responsables du SDF restent leur principale cible. Dernier élément factuel en date : pendant les élections sénatoriales en cours dans le Sud-Ouest, ils ont interdit aux responsables du SDF de se rendre à Elecam pour déposer leur liste. Par conséquent, seul le RDPC était en lice dans ce fief du SDF. Cela a permis à une opinion instrumentalisée de déclarer la mort du SDF. Et à l’interne, certains camarades ont été poussés au Tribunal du RDPC pour régler nos problèmes. D’ailleurs, devenus ex-camarades, ils ont tous voté pour le RDPC aux dernières sénatoriales. « Vote-sanction », disent-ils. Allez-y comprendre quelque chose !

Il faut faire sa mue et revoir la notion de « fief originel »

Le SDF n’a pas reculé du tout comme le prétendent certains analystes instrumentalisés. C’est son fief originel qui a été détruit par les ambazoniens dans une guerre visiblement instrumentalisée. Une guerre à laquelle le gouvernement ne veut pas apporter une solution définitive avant d’avoir complètement anéanti le SDF originel. Une guerre qui ne finira donc jamais puisque le parti fait sa mue. On a vu que le gouvernement camerounais et leurs complices ambazoniens négociaient l’après-SDF en secret au Canada. Ces complices ambazoniens étaient même allés accueillir le Président de la République aux USA en décembre dernier. En même temps, une dissension instrumentalisée persistait au sein du SDF. Les anciens plus fidèles camarades du Chairman s’étaient retournés subitement contre lui de façon incompréhensible. Malheureusement, le Chairman lit la Bible. Et comme dit la Bible, le Vieux politicien a décidé d’amputer son bras droit pour sauver le reste du corps. Curieusement, le gouvernement camerounais a décidé de dénoncer les négociations au Canada, mettant leurs complices ambazoniens dos au mur.

Un radicalisme instrumentalisé

Comme les Ambazoniens, vous avez des groupes au sein de l’opinion qui exacerbent la division de façon complètement gratuite. On trouve quand même quelqu’un ou des gens qui interdisent par exemple à la famille Decca de faire des prestations artistiques à l’étranger. On trouve des gens pour s’attaquer de façon gratuite aux artistes du Bikutsi. Leur seul crime est d’avoir accepté une invitation du RDPC. Curieusement, on ne demande pas à tous les commerçants de boycotter leurs clients et fournisseurs du RDPC. On vous trouve donc des gens pour instrumentaliser nos divisions ethniques. Vous cherchez à savoir si ces gens sont lucides en vain. Vous vous rendez compte qu’ils ont de très gros moyens à disposition. Le nerf de la guerre que l’oposition ne dispose pas. Détrompons-nous ! Il s’agit bien des moyens de l’État. L’affaire Martinez Zogo est là pour nous confirmer que les Services secrets sont à la manœuvre et que la manipulation de l’opinion est un programme politique bien tenu. C’est le socle sur lequel repose l’éternisation au pouvoir et ce sont les extrémistes-radicaux qui font le jeu. Le citoyen sera utilisé comme chair à canon et beaucoup de personnes dans l’opinion seront des dindons de la farce.

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Il nous faut du bon sens !

Le bon sens commande que nous revenions aux fondamentaux de la politique. Que nous placions le bien-être collectif au cœur de nos actions politiques. Que les politiques publiques visent l’amélioration des conditions de vie de nos citoyens. La politique a créé jusqu’ici une classe de bourgeois qui paient les badauds sur la base identitaire pour défendre leur embourgeoisement. Le SDF originel a aussi fabriqué une classe des élus bourgeois qui se sont coupés de leurs bases. Ils se sont enrichis dans les institutions de la République et ne se sont plus fait élire pour l’essentiel. Ils instrumentalisent de nos jours nos différences identitaires pour des raisons égoïstes. On les entend dire par exemple que « aucun ressortissant de l’Ouest ne votera plus pour le SDF dans le Littoral », ce qui relève d’un regard essentiellement tribal de la politique. Ils vous répondent que l’électorat est essentiellement tribal au Cameroun et qu’il ne faut pas se leurrer. Cela ouvre la perspective à la nécessité d’un vaste mouvement d’éducation politique au Cameroun. Le new deal !

Le SDF originel n’a pas été un parti social-démocrate

Il faut changer de paradigme. Il faut changer de ligne politique. Les données factuelles sont là. Le SDF originel n’a pas été un parti social-démocrate. Nous n’avons pas suffisamment défendu au cours des trois dernières décennies notre électorat traditionnel : les travailleurs, les ouvriers, les paysans, les fonctionnaires, les employés, les laissés-pour-compte, les retraités, les personnes vulnérables, le monde rural, etc. NOUS ETIONS DANS LA LOGIQUE DES FIEFS (ELECTORAUX). Nous avons passé le temps à défendre la réforme du code électoral ayant abouti à la fabrication d’une élite bourgeoise. Nous n’avons pas défendu la réforme des codes du travail, de la famille, du foncier, de la nationalité, de la citoyenneté, etc., toutes choses qui sont au cœur de ce qu’on peut appeler « le problème du Cameroun ». Comment voulez-vous développez le Cameroun sans réforme foncière ? A qui appartient la terre ? Qui est citoyen ? Qui est Camerounais ? Quelle est notre identité nationale ? Comment voulons-nous construire une société sans construire la famille qui est son noyau de base ? Comment voulons-nous développer une économie sociale et solidaire sans exiger le changement du statut de la femme et des jeunes dans nos familles et nos communautés locales ? Comment pouvons-nous supporter d’avoir encore des sous-citoyens au Cameroun en 2023 ? Le SDF originel a été absent dans ce débat fondateur et il a payé CASH. Nous n’avons pas porté le débat sur l’augmentation du pouvoir d’achat au Cameroun. Nous n’avons pas défendu l’augmentation des salaires, du SMIG/SMIC. Nous n’avons pas été aux côtés des retraités. Nous n’avons pas défendu la redistribution équitable des richesses nationales. Nous avons défendu un fédéralisme sans contenu. CERTAINS DE NOS MILITANTS SE SONT RETROUVES EN TRAIN DE SOUTENIR LA SECESSION PAR DEFAUT. Beaucoup de nos élus étaient préoccupés par l’enrichissement personnel et ils ont été sanctionnés par l’électorat comme l’ensemble de la classe politique. N’oublions jamais que seuls 3 millions de Camerounais votaient sur les 6 millions régulièrement inscrits jusqu’ici sur une liste électorale. LA MAJORITE DES CAMEROUNAIS S’ABSTIENT. Elle ne se reconnaît pas dans nos actions politiques. Il est temps d’aller chercher ces personnes indécises qui ne demandent qu’à avoir une meilleure vie au pays et qui ont le pouvoir en main. La vie est dure pour tout le monde indifféremment de nos différences ethniques. Il faut sortir du mimétisme identitaire et réinventer la politique nationale. Je suis d’accord que c’est un travail de longue haleine. Mais, c’est un travail nécessaire.

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L’histoire de collabo avec le RDPC

En remettant le citoyen au centre des préoccupations politiques, le fait de dire que le SDF est né pour s’opposer à un autre parti n’a plus de sens. Le fait de mesurer la collaboration ou la non-collaboration devient caduc. Au lieu d’être « né pour s’opposer » (à quelqu’un ou à un parti), il faut plutôt être « né pour porter une cause ». Ça change tout et ça change de logiciel. Puisque dès que tout le monde est d’accord pour cette cause, il n’y a plus d’opposition justifiée. La cause des travailleurs par exemple. Et si tout le monde était d’accord pour augmenter les salaires et améliorer les conditions de travail, pourquoi continuerons-nous à s’opposer ? Pourquoi ne formerions-nous pas une alliance ou tout au moins une coalition ? Juste par haine ? On ne peut pas s’opposer à Grégoire Owona par exemple juste par haine des Betis et du RDPC. C’est complètement fou de brandir une photo d’Osih et d’Owona comme preuve de la collaboration. Il faut s’opposer à lui en tant que ministre du travail parce qu’il a imposé le SMIG à FCFA 41 850 là où même les patrons semblent disposés à payer un minimum de FCFA 60 000. Ce faisant, Grégoire Owona a le « mauvais cœur » puisqu’il tire les salaires vers le bas alors que ce n’est pas lui qui paie. Quelqu’un qui défend l’augmentation du pouvoir d’achat comme moi ne peut pas être d’accord avec lui. Mais, si d’aventure il acceptait la proposition des syndicats et des patrons à FCFA 60 000, alors je commencerai à revoir ma position. Et si par extraordinaire, le gouvernement adoptait la position du SDF depuis 2018 de passer du SMIG au SMIC d’un part, et de l’indexer à FCFA 150 000 sur 5 ans d’autre part, alors pourquoi vouliez-vous que l’on ne négocie pas sur ce point précis ? Pour des raisons électoralistes ou pour le bien-être des citoyens travailleurs ? AVOUONS TOUS QUE LA DEFENSE DES INTERETS EGOÏSTES NOUS A ELOIGNES DE NOS CONCITOYENS. Ce logiciel politique doit être changé.

Le Congrès Refondateur du SDF

Le SDF originel doit faire son mea-culpa au lieu de vouloir se renforcer. Mais, il doit aussi faire valoir son expérience sur la scène politique. Une expérience qui doit être désormais mise en œuvre pour la reconstruction de notre société. Je me réjouis de pouvoir participer au prochain congrès de la REFONDATION du SDF dans 4 mois. Ce sera du 28 au 30 juillet 2023. J’espère que tout ceci se discutera et que le parti en sortira « né de nouveau ». Notre force sera notre capacité à se relever. Les renouvellements qui sont déjà achevés à l’Est, à l’Extrême-Nord et dans le Sud où le parti était absent annoncent les couleurs.

J’ai espoir que les fruits tiendront la promesse des fleurs et c’est désormais ce qui occupe tout mon temps.

Louis-Marie Kakdeu

Membre du Shadow Cabinet SDF

Économie, Finances & Commerce

 


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