Quelques jours après le sommet de recherche de finance des économies africaines impactées par la Covid-19, l’écrivaine Caroline Meva a publié un texte le mardi 25 mai 2021 pour analyser les contours de ce sommet. Elle met en exergue la fragilité des économies africaines dépendantes de l’extérieure.
Lebledparle.com vous propose l’intégralité du texte.
Le sommet de Paris de mai 2021 : les liaisons fatales entre la France et les pays d’Afrique sub-saharienne.
Le 18 mai 2021, la France a organisé un sommet auquel ont participé 18 chefs d’Etats et de Gouvernement africains, ainsi que des bailleurs de fonds internationaux. Le but de cette rencontre est de réunir une somme de 100 milliards de dollars au minimum, destinée à relancer les économies des pays africains lourdement impactées par la crise de la covid-19, en agissant sur la dette colossale de ces pays ; d’établir un nouveau plan de relance, un « New Deal » avec les pays africains, pour les empêcher de sombrer définitivement dans le marasme économique. Cependant l’expérience basique nous permet de constater que la gratuité et la générosité sont absentes des relations internationales : seuls subsistent les intérêts, chaque pays défendant les siens, très souvent au détriment des autres pays.
L’annonce de ce sommet sonne comme une incongruité et questionne : pourquoi la France, et non un pays africain ? Pourquoi le chef d’Etat français tout seul convoque-t-il les 18 Chefs d’Etat africains alors que, la loi du nombre aidant, c’est plutôt lui qui devrait être invité en Afrique et reçu par les Chefs d’Etat africains ? A ces interrogations, quelques pistes de réponses :
– l’activisme de la France ne procède pas d’un geste philanthropique désintéressé ; la France fait partie des plus grands créanciers de l’Afrique, elle est très impliquée dans les institutions financières internationales et dans les programmes d’aide au développement des pays africains, notamment à travers l’Agence Française de Développement (l’AFD) ;
– Paris veut passer pour le Bon Samaritain soucieux des intérêts des pays africains ; l’annulation de la dette du Soudan vis-à-vis de la France le 18 mai 2021 fait partie de cette opération de charme vers les pays africains.
– L’on s’interroge également sur l’impact réel de ces « aides au développement », quand on sait que depuis plus de 60 ans après les indépendances africaines, aucun pays bénéficiaire de ces fameuses « aides » ne s’est jamais développé. Les pays qui s’en sortent sont ceux qui comptent prioritairement sur leurs moyens propres ; ceci témoigne de l’inefficacité de ces mesures, dont celles préconisées par Paris. La situation a même empiré : selon le Fonds Monétaire International (FMI), en 2016, 10 pays d’Afrique étaient surendettés ; en 2020, ce chiffre passe à 17 pays surendettés. Le constat s’impose : le processus en vigueur pour aider les pays africains à se développer est un fiasco, principalement en raison des conditions de remboursement très difficiles, qui aboutissent à des pénalités exorbitantes, et l’inadéquation entre les solutions clé en main proposées, et les problèmes réels des pays africains.
L’inadéquation entre les solutions venues de l’extérieur et les problèmes réels des pays étrangers : le cas du financement du covid-19 au Cameroun.
Les pays africains n’ont pas la maîtrise de leurs économies, dépendantes des financements et des marchés extérieurs, avec une balance économique souvent déficitaire ; ils n’ont pas la maîtrise de leur monnaie (notamment le franc CFA), gérée par l’étranger. Ils souffrent de la disqualification des valeurs, produits et solutions locaux, y compris par les africains eux-mêmes, au profit des ceux imposés de l’extérieur. Les dirigeants africains choisissent généralement de s’aligner sur les choix et les diktats des puissances extérieures par paresse, par amour de la facilité et le refus de l’effort personnel en vue de trouver des solutions adaptées au contexte historique, économique et socio-politique local ; par lâcheté face à la violence, aux menaces, aux intimidations, et autres procédés hégémoniques insidieux, qui imposent la dictature du plus fort. Les dirigeants africains qui subissent ces pressions multiformes, finissent, pour la plupart, par accepter servilement les solutions imposées de l’extérieur, mais celles-ci sont d’emblée vouées à l’échec, parce qu’inadéquates et inefficaces ; elles ne profitent généralement qu’aux grandes puissances, aux bailleurs de fonds étrangers et à une petite élite locale. Très souvent, l’aide au développement n’atteint que très peu ou pas du tout les populations cibles.
La situation est injuste, inacceptable : la jeunesse africaine paupérisée, laissée-pour-compte, confrontée au chômage, avec des salaires de misère, est la plus grande perdante : elle ne profite que très peu ou pas du tout de ce pactole, mais c’est à elle qu’incombera demain le remboursement de cette dette colossale contractée à la légère, voire de manière irresponsable par leurs aînés aujourd’hui. La gestion des financements du covid-19 est une parfaite illustration de l’inadéquation avec la réalité sur le terrain.
L’Afrique est sans conteste le continent le moins impacté par la covid-19, mais les discours alarmistes, sans commune mesure avec la réalité sur le terrain, ont donné lieu à des financements massifs destinés à la lutte contre cette pandémie. Certains experts ont laissé entendre que la misère et le paludisme faisaient plus de morts en Afrique que la covid-19. Si l’on avait fait un sondage populaire, on aurait compris qu’en termes de vaccin, la majorité des africains auraient opté pour le vaccin contre le paludisme, qui fait plus de ravages dans la société, et ce, depuis des siècles. Mais les dirigeants africains, pour éviter de contrarier leurs maîtres occidentaux, ont préféré suivre servilement leur choix, sans tenir compte des réalités sur le terrain et des besoins réels de leurs populations. En dehors de Madagascar et de quelques pays tels que le Sénégal, le Bénin et le Congo, ils ont massivement opté pour les vaccins venus de l’Occident. Ils ont délibérément tourné le dos au développement des alternatives offertes par les solutions locales, et se sont livrés pieds et poings liés aux solutions venues de l’étranger.
Les détournements de fonds massifs covid-19 présumés, faisant actuellement l’objet d’enquêtes au Cameroun, sans réelle incidence sur l’évolution de la pandémie dans ce pays, montrent que l’emprunt d’une partie de ces fonds détournés n’était pas nécessaire, et repose sur une surévaluation des besoins, ne tenant pas compte de la situation réelle sur le terrain. Qu’à cela ne tienne, les bailleurs de fonds se frottent les mains parce que la dette leur sera payée avec des intérêts conséquents, et c’est le Cameroun qui est perdant.