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[Tribune] : Covid-19 : Au-delà de l’épidémie, combattre l’infodémie

LMK Tribune

Comme le remarquait le Dr Sylvie Briand dans un article paru sur Agence Science-Presse le 13 novembre 2020, chaque épidémie s’accompagne de nos jours d’une infodémie. Il s’agit d’une propagation maladive d’un mélange d’informations à la fois exactes et inexactes sur le sujet. Selon l’OMS, « les informations trompeuses se comportent comme des agents pathogènes pendant une épidémie : elles se propagent plus rapidement et à plus grande échelle, complexifiant la conduite des interventions d’urgence ». L’infodémie se révèle aujourd’hui comme étant aussi dangereuse que l’épidémie. En sciences du langage et de la communication, au-delà des mots et du discours persuasifs, il s’agit d’une réelle pathologie de la communication.


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Louis Marie Kakdeu – DR

Théorie du complot

A titre d’illustration, le premier ravage de l’infodémie sur la Covid-19 est la propagation rapide de la théorie du complot. Pour ce qui nous concerne, il y aurait un complot mondial contre l’Afrique en particulier et les Noirs en général. Ainsi en Côte d’Ivoire par exemple, l’on diffuse le montage d’une vidéo retouchée dans laquelle l’on voit comment un employé de race blanche du Système de Nations Unies ne reçoit pas le vaccin tandis que l’on l’administre à un employé de race noire. Au Cameroun, l’on cherche à montrer que le Ministre de la santé publique n’a pas reçu sa dose de vaccin. Cette infodémie vise à démobiliser en jouant sur des antagonismes sociaux pour instaurer un sentiment de méfiance. Le problème pathologique qui se pose est que la fausse information est de nature à orienter les populations vers le pogrom.

Situation intenable

La communication pathologique consiste à mettre l’auditoire dans une situation intenable. Comme on le dit de façon triviale, l’auditeur ne sait pas s’il doit avancer ou reculer, aller à gauche ou aller à droite ; il est confus. L’infodémie sur la Covid-19 place les Africains dans une situation où ils ont de la peine à distinguer le vrai du faux. Par exemple, qu’est-ce qui est vrai vaccin, qu’est-ce qui est faux vaccin ? Qu’est-ce qui est bon traitement, qu’est-ce qui est faux traitement ? Quel chercheur a raison, quel chercheur a tort ? Pis, lorsqu’on joue sur la fibre patriotique et/ou nationaliste, l’Africain ne sait plus s’il doit être fier de la médecine traditionnelle ou non. Il ne sait pas s’il ne trahit pas le continent en adoptant la médecine « venue d’ailleurs ». Il ne sait pas s’il doit militer pour l’Afrique et ne prendre que des potions traditionnelles quitte à en mourir « dignement ». Il ne sait pas avec exactitude pour qui et contre quoi militer. Il est dans une situation intenable qui le pousse souvent à s’abstenir et donc, « à confier son sort à Dieu ».

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Triomphe du populisme

Le discours populiste s’empare du terrain. Il est axé sur la prétention de rechercher la « vérité » : « On nous cache la vérité » ; « Dites-nous la vérité » ; « On nous ment », etc. Le discours populiste puise sa source dans la mémoire collective ou un passé commun (environnement cognitif) marqué par la domination de l’Afrique d’une part, et l’abus de confiance de l’élite dirigeante d’autre part : « Ne faisons plus confiance à ces gens », entend-on. Deux approches prospèrent autour de nous : Le populisme identitaire qui consiste par exemple à opposer Blancs et Noirs, Africains et Occidentaux, etc., et le populisme interclassiste qui consiste à opposer les masses à l’élite dite « prédatrice ». Et ça cristallise beaucoup d’attention ! Sauf qu’au-delà du discours persuasif, voire même logique en apparence, il se développe un vrai cancer qui annule tout effort d’éradication de l’épidémie et donc, de développement social.

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Recommandations

Il convient de faire de l’infodémie un véritable sujet de préoccupation face à la riposte contre la Covid-19. En l’état, elle déplace le débat autour de la Covid-19 voire même en dehors de la maladie. La création d’un Groupe de travail technique s’impose pour traiter convenablement de ce sujet. Il permettra de développer une communication proactive pour permettre au corps de la santé de se concentrer sur leur cœur de métier. Le risque à éviter est que l’on passe le temps à répondre aux rumeurs qu’à soigner la maladie.

Par Louis-Marie Kakdeu, PhD & MPA


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