En regardant hier avec stupeur et consternation les émeutes des partisans de Donald Trump au siège du Congrès américain au motif de contrecarrer la victoire de son adversaire Joe Biden à la présidentielle de novembre, on ne peut s’empêcher de revisiter le discours du président de la République à la Nation le 31 décembre dernier.
Il était prémonitoire ! Car en effet, il évoquait l’expérience démocratique camerounaise, certes imparfaite, mais vibrante à souhait, dotée d’une architecture institutionnelle et d’un arsenal légal et juridique bien en place qui permettent la tenue d’élections régulières au milieu d’un pluralisme sociopolitique que nul ne saurait contester, parce qu’il transparaît à travers la liberté de parole et de ton, le foisonnement médiatique et politique. Le premier Camerounais pointait alors du doigt les critiques récurrentes sur les imperfections supposées de notre système. Qu’elles proviennent de nos partenaires étrangers, ou de certains intellectuels médiatiques, ces coups de boutoir sont exagérés et injustes au regard de l’âge de notre démocratie. Le retour au pluralisme politique et à la libéralisation sociale, piliers essentiels de la politique du Renouveau, ne datent en effet que des années 90 ! Dans ce message à la Nation décidément plein d’enseignements et de pédagogie, Paul Biya déclarait en substance : « A ceux qui critiquent les imperfections de notre démocratie, je réponds que nous n’avons eu que quelques décennies pour la mettre en place. Les grands pays démocratiques de leur côté, n’y sont parvenus qu’au terme de plusieurs siècles marqués par des révolutions, des guerres civiles et même des épisodes de dictature. » Avec raison, le leader camerounais s’insurge contre la manie de pourfendre notre modèle sur des aspects où les démocraties vieilles de 100 ans, voire 200 ans, trébuchent encore. Notamment la gestion des contestations et des manifestations post-électorales. En définitive, que doit-on retenir ici et là-bas, les acquis démocratiques sont fragiles et s’inscrivent dans la durée. Comme l’écrivait jadis Georges Clémenceau, « La démocratie se doit d’être une création continue ».
Et si l’on admet avec Paul Biya que toutes les démocraties sont à parfaire, on est peut-être un peu moins scandalisés par le chaos que l’Amérique a montré à la face du monde hier, au point d’embarrasser ses alliés occidentaux qui ont jugé « honteux » le déferlement des hordes sauvages de protestataires au sein du Temple de la démocratie américaine. Ne croyait-on pas revoir le spectacle du MRC devant le Conseil constitutionnel au lendemain de l’élection présidentielle – certes avec un peu plus de tenue ? N’était-ce pas, peu ou prou, la même mise en scène que lors des fameuses « marches pacifiques », dont l’objectif déclaré et bizarrement fort peu assumé était « le chassement ?» A la différence fondamentale que la crise post-électorale au Cameroun n’a fait aucun mort, contrairement aux Etats-Unis, où une femme blessée par balles est décédée de ses blessures.
Avec les événements scabreux du Capitole, scrutés à la lumière de la pensée présidentielle, l’on découvre que Washington DC, siège du Capitole, a beau être « la capitale du monde libre » – entendez le saint de saints de la démocratie – a plié quelques heures durant sous l’assaut de la rage des foules obéissant à un mot d’ordre. Autant en convenir alors, la démocratie est partout en danger, en Afrique, mais aussi en Europe et dans les Amériques. Les pays feraient mieux de se serrer les coudes et jouer la carte de la solidarité, au lieu de produire des communiqués condescendants et directifs sommant les pays africains de respecter les droits de l’homme.
En dehors des populismes et des violences organisées à travers des mots d’ordre inciviques ou insurrectionnels, d’autres dangers menacent la démocratie, au premier rang desquels le terrorisme. Le Cameroun est particulièrement « gâté » à cet égard, car les deux formes prospèrent dans ses terres. Il y a seulement quelques heures, cinq personnes sont mortes sous les bombes artisanales des sécessionnistes dans le Nord-Ouest… Il serait logique que les démocraties amies et tous les démocrates, autant que les leaders d’opinion et les intellectuels, condamnent cette barbarie sans fin. Par esprit de solidarité certes, mais aussi parce que chacun doit jouer sa partition lorsque la démocratie est menacée. Après tout, si nous ne vivions pas en démocratie, ces intellectuels auraient-ils le loisir d’exprimer librement leurs opinions souvent contraires, ou d’organiser des marches, même « pacifiques » ?
On est tenté de croire, en relisant le dernier discours présidentiel de l’année, que Paul Biya lit dans le marc de café ou qu’il prophétise, tant l’actualité lui a donné raison, une semaine à peine plus tard. Il est pourtant très loin des postures divinatoires et ésotériques. Admettons alors, pour tenter de justifier une telle justesse d’analyse et de vision, que ses 50 années au cœur de la politique, de la haute administration, et du magma des relations internationales, lui ont conféré une clairvoyance, une lucidité et une habileté exceptionnelles. C’est la raison pour laquelle ses discours sont d’une rare densité, d’une pertinence jamais démentie. Ce n’est pas à ce président-là qu’on peut donner des leçons de démocratie, car son projet démocratique pour le pays est grand, palpable, en construction permanente. Même si ceux qui en profitent le plus, une petite frange d’intellectuels, s’échinent à le dénigrer. Il reste vrai que même si nos compatriotes n’en sont pas tous forcément conscients : le Cameroun est dirigé par un grand président. Ils s’en rendront bien compte un jour. Sur le tard ! Dommage pour eux !
Par Marie Claire Nnana