Dans une tribune publiée le 5 mai 2021, l’homme d’église, Ludovic Lado parle du dialogue national inclusif annoncé au Tchad par le Conseil militaire de transition. Il souhaite que ce dialogue ne soit pas comme celui du Cameroun organisé en 2019.
Lebledparle.com vous propose l’intégralité de la tribune.
Le 10 septembre 2019, le Chef de l’Etat, Paul Biya, annonce qu’un dialogue national se tiendra à la fin du mois, pour examiner les voies et moyens de résoudre la crise anglophone. Le dossier est confié au premier ministre qui fixe les dates, conçoit le format et pilote l’exécution dudit dialogue.
Du 30 septembre au 04 octobre 2019, 600 personnalités du Cameroun comme de la diaspora sont réparties en commissions pour discuter des thématiques suivantes : bilinguisme, diversité culturelle et cohésion sociale ; système éducatif ; système judiciaire ; retour des réfugiés et des déplacés internes ; reconstruction et développement des régions touchées par le conflit ; désarmement, démobilisation et réinsertion des ex-combattants ; rôle de la diaspora dans la crise et sa participation au développement du pays ; décentralisation et développement local.
Le Grand Dialogue National débouche sur un certain nombre de résolutions. La plus médiatisée est l’octroi d’un statut spécial aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Mais près de deux ans après, la paix reste une denrée rare dans les régions anglophones du Cameroun toujours en proie à des épisodes macabres de violence meurtrière.
Voici quelques erreurs qui expliqueraient l’échec du dialogue national, version camerounaise.
- Le gouvernement, bien que acteur du conflit, a unilatéralement défini l’agenda du dialogue et l’a piloté. Cette mainmise du gouvernement sur l’organisation du dialogue l’a discrédité aux yeux de beaucoup de parties prenantes.
- Le dialogue n’a pas été suffisamment inclusif, parce qu’il a exclu les leaders séparatistes dont certains sont encore emprisonnés à Yaoundé.
- Le facteur temps : annoncé le 10 septembre, le dialogue s’est tenu à partir du 30 septembre. Cela fait à peine 20 jours de préparation d’un dialogue qui a duré moins d’une semaine. Pour une cause d’une telle ampleur, cela parait précipité et bâclé.
- L’élitisme : les organisateurs du dialogue n’ont pas pris la peine de recueillir et d’intégrer dans les débats et les résolutions les aspirations profondes du « bas-peuple », surtout celui des régions les plus concernées. On aurait pu dans la phase préparatoire procéder par étapes depuis les villages jusqu’à la capitale.
Un dialogue bien organisé et à temps permet de sauver des vies humaines. Malheureusement cette option, bien que préconisée par maintes voies, est souvent ignorée par l’Etat ou les groupes armés au profit de la violence et de la répression. C’est souvent après l’échec de cette dernière qu’on revient à la table du dialogue. Mais, entre-temps, il y a eu des pertes en vies humaines et la destruction des villages entiers. En près de cinq ans, la crise anglophone au Cameroun a fait plus de 3000 morts et environ 1 000 000 de déplacés. Plusieurs dizaines de villages ont été rasées. Le Tchad a encore la possibilité d’éviter un tel carnage en prenant les précautions qui s’imposent pour bien préparer et réussir son dialogue national inclusif.
Ludovic Lado
DG CEFOD