L’ancien Député SDF, Évariste FOPOUSSI FOTSO a publié une tribune dans laquelle, il parle de l’Eco qui va remplacer le F cfa dans l’espace UEMOA. Le Ministre du Shadow Cabinet en charge de l’Économie et des Finances pense que cette nouvelle monnaie est le nouveau vêtement du F CFA.
Lebledparle.com vous propose de lire l’intégralité de la tribune libre.
LE BILLET DE LA SEMAINE : L’ECO OU L’ETINCELLE A L’HORIZON
Depuis que le Président français Emmanuel Macro, accédant à l’une des requêtes les plus massivement partagées de la jeunesse africaine, a profité de sa visite en Côte d’Ivoire il y a quelques jours pour annoncer la décision de son gouvernement de lâcher le franc CFA et d’appuyer les Etats africains dans leurs démarches vers la mise en place d’une monnaie unique, les réactions fusent de toutes part et vont dans tous les sens.
« L’Eco est un nouvel habillage du franc CFA ; Il y a deux Eco, celui de Ouattara et Macron dans l’Uemoa (Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest) rattaché à l’Euro et celui de la Cedeao (Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest) qui est flexible ; la France est derrière tout cela et veut continuer à sucer l’Afrique ; l’Eco est ’imprimé en France, etc ».
Ce sont là quelques-unes des gracieusetés qui colorent le débat dans les médias et sur les réseaux sociaux. Mais un constat s’impose, la plupart de ces réactions sont dominées par la passion. Une passion probablement générée par le rôle néfaste joué par la France dans certains pays africains dont le Cameroun au moment de la décolonisation, à l’appui constant de la France aux dictateurs africains, sans oublier les relations incestueuses qu’ont entretenu jusqu’ici les pouvoirs politiques en France avec la nébuleuse mafieuse qu’on qualifie généralement de Françafrique qui comme une sangsue, suce le continent depuis le départ des colons.
Et comme cela arrive souvent en pareil cas, les gens se parlent à eux-mêmes et n’écoutent que leurs sentiments. Pourtant un événement majeur dans l’histoire récente de l’Afrique en développement, dont le symbolique n’a d’égal que les indépendances politiques des années soixante, vient d’avoir lieu.
Le franc CFA conçu par le Général De Gaulle en 1945 pour accélérerez l’exploitation économique des colonies avant que le vent de l’autodétermination encourage par les Etats-Unis d’Amérique ne se déclenche, est bel et bien mort après soixante-quatorze ans de règne absolu dans le pré-carré français.
Le mérite revient en premier lieu aux forces progressistes, surtout dans la jeunesse africaine, qui depuis les indépendances fictives des années soixante, n’ont jamais cessé de dénoncer une sous-monnaie, véritable cache-sexe du franc français (rôle repris par l’euro depuis 1999), qui en fin de compte, a fait plus de mal à l’Afrique que du bien. Et pourquoi ne pas féliciter aussi le président français Emmanuel Macron qui, en véritable médecin traitant du franc CFA, rôle que la France a toujours refusé d’avouer officiellement, a le mérite d’avoir signé officiellement l’acte de décès à Abidjan le 21 décembre 2019, prenant le contre-pieds de tous ses prédécesseurs tous otages de la Françafrique, pour qui le franc CFA était un tabou sacré ? Il est vrai que nous sommes encore dans la phase de l’enterrement de cet enfant incestueux qu’était le franc CFA, une période transitoire délicate au cours de laquelle les africains devront s’émanciper politiquement et mentalement afin de frayer leur propre chemin sur le sentier combien difficile de la maitrise de l’outil monétaire indispensable pour la mise en place de véritables politiques de développement.
Dans cette dynamique, l’Afrique de l’Ouest est déjà sur la bonne voie. Dans cette zone, les discussions au sujet de la monnaie commune sont en cours depuis près de 30 ans. L’introduction de la monnaie unique était envisagée dans la Cedeao pour la première fois en 2003, mais elle a été reportée à plusieurs reprises, en 2005, 2010 et 2014.
Lors de leur 55e sommet, qui a eu lieu le 29 juin dernier à Abuja (Nigeria), les chefs d’Etat Cédéao ont entériné leur projet de création de monnaie unique qui va s’appeler l’Eco
Lors du 56e sommet du 21 décembre 2019 toujours à Abuja, ils ont pris acte des « transformations importantes en cours au niveau de la zone monétaire de l’UMOA » et se sont « félicités de l’évolution de la zone monétaire de l’UMOA », pour reprendre quelques passages du communiqué final. Le Président Buhari du Nigeria sur son compte Twitter a exprimé sa joie que la France ait encouragé cette évolution.
Par conséquent, nous confirmons ce que nous avons déjà dit dans l’un de nos précédents billets hebdomadaires, sur tout le bien que nous pensons de cette initiative de l’Eco. Malgré quelques déclarations maladroites du Président ivoirien Alassane Ouattara, il n’y a qu’un seul Eco, celui initié et mis en place par la Cedeao dont il est la monnaie unique. Il entre en vigueur le 1er juillet 2020. Cependant, le déploiement sera progressif et n’adopteront cette monnaie que les pays ayant satisfait aux critères de convergence qui sont :
– Un déficit budgétaire n’excédant pas 3% ;
– Un taux d’inflation annuel moyen inférieur à 10% ;
– Le financement des déficits budgétaires par la Banque Centrale ne dépassant pas 10% des recettes fiscales de l’année précédente ;
– Des réserves extérieures brutes représentant au moins trois mois d’impôts.
Les huit pays anciens membres de la zone Franc qui forment l’Umoa, ont déjà officiellement endossé l’Eco comme l’a annoncé le président Ouattara à Abidjan et promettent d’être au rendez-vous des critères de convergence au 1er juillet 2020, même si pour l’instant un seul parmi eux, le Togo a déjà franchi l’obstacle.
Pour les sept autres pays qui disposent déjà de leurs monnaies, il n’y a aucune raison de douter de leur volonté d’intégrer l’Eco. Même le Nigeria, le poids lourd de la région, qui avait posé cinq conditions pour adhérer à l’Eco, semble satisfait de l’évolution des choses comme nous l’avons vu avec les réactions du Président Buhari et ne se battra plus que pour remplir les critères de convergence.
Alors d’où vient le scepticisme que certains continuent à exprimer sur cette initiative qui semble bien partie pour consoler les africains, après l’extinction suite à la mort de Mohamar Kadhafi, de l’espoir qu’il avait fait naitre en lançant le projet d’une monnaie unique africaine lorsqu’il est devenu président de l’Union Africaine en 2009.
L’accord de création de l’Eco signé par les 15 pays membres de la Cedeao précise bien que le taux de l’Eco est flexible. Mais rien n’interdit aux huit premiers pays qui satisferont les critères de convergence au 1er juillet 2020, s’ils sont tous des anciens membres de la zone franc, d’avoir des relations privilégiées avec l’Euro, si c’est dans le sens de leurs intérêts.
Qu’y a-t-il de scandaleux que dans l’accord de divorce entre ces pays et la France (abandon du franc CFA) chacune des parties concernées fasse des concessions à l’autre tant que cela préserve ses intérêts ? Critiquer et condamner les relations incestueuses qu’il y a eu jusqu’ici entre la France et l’Afrique francophone veut-il dire que l’Afrique ne peut pas avoir du tout des relations saines avec ce pays lorsqu’elle y trouve son compte ?
La bataille pour la décolonisation monétaire de l’Afrique francophone n’est qu’a ses débuts. L’autre excroissance de la zone franc dont Macron a prononcé l’acte de décès à Abidjan, le Franc CFA d’une l’Afrique Centrale déjà sous assistance respiratoire de la France et du FMI, joue les prolongations même si ce n’est pas pour longtemps, puisqu’on annonce une arrivée très prochaine du même médecin traitant qui a prononcé la mort du Franc CFA d’Afrique de l’Ouest.
Tout le monde attend dans l’anxiété, surtout les milieux d’affaires déjà alertés par la crise de devises en cours. Car des régimes autocratiques, corrompues et gérontocratiques, uniquement préoccupés par leur ego, leur survie politique et la protection de leurs fortunes amassées sur le dos du peuple et mises à l’abri en franc CFA, ont bloqué toute intégration économique régionale indispensable à la réussite d’une monnaie unique et étouffé toute réflexion en la matière dans la zone Cemac.
Par conséquent, personne ne sait ce qui va se passer.
L’Afrique Centrale adhérera-t-elle à l’Eco ou créera-t-elle sa/ses propre/s monnaie/s ou attend-elle que Emmanuel Macron lui apporte un CFA-bis clé en main ?
Voilà par conséquent la poutre aux yeux des bien-pensants maison qu’ils refusent de voir, tous préoccupés qu’ils sont par la paille de l’Eco aux yeux des africains de l’Ouest, une petite mais réelle étincelle à l’horizon de la renaissance de l’Afrique.
Dans la gigantesque guerre des intérêts qui se joue dans le monde d’aujourd’hui, il y a peu de places pour les sentiments.
Honorable Évariste FOPOUSSI FOTSO
Ministre du Shadow Cabinet en charge de l’Économie et des Finances