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[Tribune] La crise du NOSO : où en sommes-nous ?

Le Professeur Edouard Bokagné a commis un texte pour parler de la crise anglophone dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest du Cameroun. La crise sociopolitique est-elle finie ou pas ? L’Universitaire apporte des éléments de réponse dans sa réflexion.

Edouard Bokagne

Lebledparle.com vous propose le texte intégral

La crise, commencée le 21 novembre 2016 dans sa phase heurtée, (ses préliminaires datent de longtemps auparavant), n’est pas du tout terminée. À dire vrai, pas grand-monde ne fait grand-chose pour qu’elle le soit. Mais tout de même, il y a une certaine évolution qui nous permette de faire le point. Faisons-le donc.

La crise proprement dite possède plusieurs aspects qui ne sont pas forcément co-reliés. Dans son principe, elle est l’expression d’un ensemble de préoccupations des nôtres de ces deux régions sur l’idéal de leur existence au sein de notre République. Posé de cette façon, leur problème se ramène à négocier une nouvelle redéfinition de notre existence commune. Ceci n’avait même pas besoin de finir en affrontement.

Le problème des Anglophones du NOSO s’est souvent discuté au Cameroun : parfois, de leur perspective à eux et entre-eux ; parfois, de celle des pouvoirs publics et avec eux. Il y a eu bien des conclaves, de pow-pows, d’assises et de concertations. Ç’a parfois débouché sur de nouvelles constitutions ou sur une nouvelle application de l’ancienne. Jamais une réforme d’ensemble de la vie de la Nation n’a été appliquée s’ils en expriment un désaccord.

Ceci nous a conduits à un modus vivendi assez précaire et toujours en position d’être remis en question. On peut l’exprimer ainsi : peut-on les considérer comme totalement intégrés dans notre ensemble national ou faut-il toujours les percevoir comme une exception ? En général, eux-mêmes préfèrent la seconde perspective. Pour des raisons pratiques, l’État opte pour l’autre. Voilà globalement le cadre du désaccord. Ce qui va le cristalliser seront des actions entreprises dans ce cadre.

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Des actions émanent toujours de groupes de pression. Ça peut être des syndicats. Ou bien des activistes. Ou encore des élites. Ou même des cercles ecclésiastiques. (L’Église est très forte chez-eux). Ou la nébuleuse de la société civile. D’autres peuvent toujours se créer. Et c’est un peu dans cette veine que s’est formée une sorte d’aile armée dans leur diaspora. On a tendance ces derniers jours à ne voir de leur crise que celle-là. Mais elle n’en est qu’un simple aspect.

Leurs groupes de pression n’ont pas une perception identique et commune de leur problème. Ils n’ont d’ailleurs jamais été d’accord sur rien là-dessus. Ça donne une espèce d’arc-en-ciel qui va d’un extrême en faveur d’une intégration des deux Cameroun linguistiques à l’autre militant pour leur totale séparation. Au milieu, une infinité de nuances dans lesquelles dominent l’aspiration à une fédération ou une confédération dont les natures, tailles et disposition peuvent varier.

Deux de leurs groupes de pression ont fait dégénérer leur problème : les syndicats et les activistes de la diaspora qui ont activé des branches armées. Mais ceci n’a été possible que parce que le terreau des consciences a été labouré par les élites. Il y a eu un profond travail souterrain opéré par des aînés, dans le cadre clandestin de l’Église. Dans ce travail, les partisans de l’intégration furent mis en minorité.

L’Église a joué un rôle particulièrement trouble dans la manière dont leur affaire a évolué. En gros, elle l’a couverte ; sachant pertinemment qu’elle ménageait une sédition. Si les masses ont spontanément suivi les séparatistes armés, c’est parce qu’elles savaient que, dans un tout premier temps, l’Église a approuvé. Ç’a tout de même changé. Il y a eu une réalité de terrain défavorable aux insurgés. L’Église a éprouvé le besoin de s’ajuster.

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Ceux ayant conspiré se sont retranchés dans une espèce de ponce-pilatisme qui ne souhaite pas la défaite totale de la lutte armée. Non pas qu’ils lui prédisent – ou même lui souhaitent – un quelconque avenir politique, mais parce qu’ils ne veulent pas que les préoccupations de leurs communautés soient oblitérées. Dans l’état actuel de l’expression de leurs soucis, il vaut mieux qu’il y ait quelqu’un – qui qu’il soit – qui fasse que le problème ne tombe pas dans l’oubli.

L’État du Cameroun n’est pas le dernier dans ce ponce-pilatisme. Lui aussi, parie sur le temps. Et n’a surtout aucune envie de se lancer dans de longues et âpres négociations susceptibles de réveiller bien d’autres préoccupations. Il a campé ses troupes dans une mission de surveillance passive des deux régions qui, ainsi, se transforment doucement en no man’s land de territoires où chacun détient sa portion.

Une seule certitude : la crise du NOSO est loin – mais alors loin – d’être terminée…

Il y a encore des choses à faire pour la conclure…

Et le courage de les oser…

Edouard Bokagné


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