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Tribune : « La décision du Ministre Paul Atanga Nji n’est donc qu’une décision administrative n’ayant pas force exécutoire »

Nji Paul Atanga

Le ministre de l’administration territoriale Atanga Nji a mis fin à toutes formes de collectes initiées par les leaders politiques et les leaders d’associations à travers un communiqué rendu public le mardi 7 avril 2020. Il rappelle que les seules contributions nationales autorisées se font dans le cadre fixé par la loi et défini par le président de la république. Il invite par conséquent les différents leaders qui le font à y mettre fin sans délais et toutes les banques à procéder immédiatement à la clôture desdits comptes. Pour finir, le Minat rappelle que les différents contrevenants s’exposent aux poursuites judiciaires.


Nji Paul Atanga
Paul Atanga Nji – DR

Dans une tribune publiée sur les réseaux sociaux, un spécialiste expérimenté de droit apporte des explications sur cette sortie. Selon Dr Guivis Zeufack Nkemga, le communiqué (décision) de monsieur Paul Atanga Nji n’a pas force exécutoire.

Lebledparle.com vous propose l’intégralité de la tribune.

La décision du Ministre Paul Atanga Nji de clôturer les comptes créés par les partis politiques à des fins humanitaires n’est qu’une décision administrative n’ayant pas force exécutoire.

La décision du ministre Paul Atanga Nji de clôturer les comptes créés par les partis politiques à des fins humanitaires dans le cadre de la crise sanitaire COVID19 n’est qu’une décision administrative n’ayant pas force exécutoire.

Le but principal de ce texte est de démontrer du point de vue de la technique bancaire que la décision du Ministre Paul Atanga Nji de clôturer les comptes crées par les partis politiques à des fins humanitaires dans le cadre de la crise sanitaire COVID19 n’est qu’une décision administrative n’ayant pas force exécutoire. De façon accessoire, il vise à édifier les lecteurs sur les notions de bases de la technique bancaire.

Pour effectuer cette démonstration, ce texte essaie de synthétiser dans la première partie le concept de « compte » et la seconde partie fournie l’argumentaire selon lequel la décision du Ministre est une impasse.

I- première partie : la notion de compte

Définition : On peut définir le compte comme un état comptable sur lequel est inscrit l’ensemble des opérations effectuées entre la banque et son client. Pour le particulier, le compte de dépôts de fonds sert essentiellement à déposer des disponibilités à l’abri de tout risque et à les prélever au fur et à mesure de ses besoins, le plus souvent avec des chèques, ce qui fait appeler ces comptes « comptes chèques ».

L’ouverture d’un compte doit être précédée d’une vérification par le banquier, de l’identité et de la capacité de la personne physique ou morale sollicitant cette ouverture. Pour l’ouverture du compte, la banque va relever les renseignements concernant l’identité, le domicile et la situation économique et sociale du titulaire du compte ; elle va également recueillir un spécimen de la signature de son nouveau client afin de pouvoir vérifier l’authenticité des ordres qu’il transmettra.

L’ouverture du compte est également mentionnée sur un état que l’on appelle le registre des ouvertures des comptes, registre tenu dans l’ordre des ouvertures effectuées, ces ouvertures devant par ailleurs être déclarées à l’administration fiscale (fichier FICOBA : Fichier des Comptes Bancaires).

Une fois que le compte du nouveau client est ouvert, la banque peut délivrer un chéquier à ce dernier suite à sa demande. Mais, avant toute délivrance de chéquier, le banquier doit s’assurer au préalable que le bénéficiaire n’est pas frappé d’une interdiction bancaire d’émettre des chèques.

Pendant le fonctionnement du compte, quelques incidents peuvent subvenir.

Quelques incidents de fonctionnement du compte

1- La saisie-attribution :

La saisie-attribution qui a remplacé la saisie-arrêt, est une procédure qui permet à un créancier (le saisissant) d’appréhender immédiatement tout ou partie des sommes détenues par un tiers (tiers saisi) au nom de son débiteur (le saisi).

Pour utiliser ce moyen de recouvrement, le créancier doit détenir un titre exécutoire constatant que sa créance est liquide et exigible. Les principaux titres exécutoires sont :

a) Les décisions judiciaires et administratives ayant force exécutoire ;

b) les actes notariés ;

c) le titre délivré par un huissier en cas de non-paiement d’un chèque ;d) les titres délivrés par des personnes morales de droit public.

2- L’avis à tiers détenteur : l’’avis à tiers détenteur (ATD) est une procédure qui permet au Trésor public de récupérer des sommes qui lui sont dues au titre des impôts impayés.

3- L’opposition administrative : l’opposition administrative sert à recouvrer les amendes pénales et condamnations pécuniaires prononcées pour une contravention de police. Cette opposition est notifiée en même temps au redevable et au tiers détenteur.

4- La saisie-conservatoire : la saisie-conservatoire a pour but de placer les sommes saisies sous-main de justice et de les rendre indisponibles. Elles ne tendent pas à l’attribution en faveur du créancier.

NB : Si le débiteur ne paie pas, il faudra transformer la saisie-conservatoire en saisie-attribution avec l’autorisation du juge.

II- deuxième partie : la clôture du compte

Une banque doit veiller à garder ses meilleurs clients et à ne pas conserver des comptes sans intérêt ou à risques.

En pratique, la distinction n’est pas toujours aisée à faire et il convient d’être prudent dans la sélectivité de son portefeuille : certains clients se connaissent soit à titre professionnel soit à titre personnel. Avant d’arrêter une stratégie, le banquier doit essayer de rencontrer ses clients pour connaître leurs besoins et leurs motivations. Toutefois, une banque peut être amenée à clôturer le compte d’un client pour trois raisons :

– Le client veut quitter la banque,

– Le client est décédé,

– La banque souhaite interrompre les relations.

1- La clôture du fait du client : Un client peut donc souhaiter cesser les relations qu’il a avec sa banque pour deux raisons principales : il n’est pas satisfait des services rendus ou il a trouvé mieux ailleurs.

Il peut clôturer son compte de plusieurs manières :

• En prévenant sa banque : par écrit ou par oral ;

• En s’arrangeant pour que la position de son compte soit ramenée à zéro par émission d’un chèque ou par retrait de fonds ;

• En cessant de faire fonctionner son compte sur lequel figurera un solde créditeur ou débiteur.

2-La clôture pour décès du titulaire : lorsque la banque apprend le décès d’un client, elle doit immédiatement prendre un certain nombre de mesures :

• Mise sous surveillance du compte ;

• Annulation des pouvoirs rendus caducs par le décès du mandant ;

• Demande d’un certificat de décès dont une copie sera transmise à la compagnie d’assurance en cas de prêt en cours.

3- La clôture du fait de la banque : la banque peut souhaiter se séparer d’un client pour de multiples raisons : incidents de paiement, risques particuliers ou compte jugé non rentable. La banque doit informer son client de sa décision par courrier recommandé avec accusé de réception et lui laisser un certain délai (30 ou 45 jours) pour s’organiser et notamment ouvrir un compte chez un confrère.

La décision du Ministre Paul Atanga Nji n’est donc qu’une décision administrative n’ayant pas force exécutoire.

La décision qui vise à clôturer les comptes créés par les partis politiques à des fins humanitaires est une impasse pour des raisons suivantes :

– Il n’existe aucune interdiction bancaire à l’heure actuelle qui empêche les partis politiques en question d’ouvrir un compte même s’il s’agit d’un compte relatif à une levée de fonds public.

– L’action du Ministre ne peut même pas être enregistrée comme étant un incident lié au fonctionnement des comptes concernés.

Même la fouille archéologique des textes de 1983 n’aidera pas le Ministre de l’administration territoriale car ces textes sans décret d’application ne pourront constituer en aucun cas une contrainte auprès des banques concernés.

– Les comptes créés par les différents partis politiques sont plutôt des comptes rentables et aucune banque ne chercherait à clôturer de tels comptes.

– Les comptes créés par les différents partis politiques ne sont pas des comptes à risques, par conséquent les banquiers auront plutôt intérêt à protéger leurs clients.

En définitive, il faut comprendre que les banquiers ne peuvent courir le risque de clôturer de tels comptes car ces derniers ne sont pas à risques, n’ont pas encore fait l’objet d’un incident et sont plutôt rentables. Et si les établissements où sont domiciliés les différents comptes des partis politiques souhaitent se séparer de leurs clients pour une quelconque raison, la loi exige un délai qui oscille entre 30 à 45 jours pour que la séparation soit effective. Avec ce délai, les partis politiques réussiront à atteindre leurs objectifs. Par conséquent, la décision du Ministre Paul Atanga Nji de clôturer les comptes crées par les partis politiques à des fins humanitaires n’est qu’une décision administrative n’ayant pas force exécutoire. C’est pour cette raison que cette décision est une impasse.

Dr Guivis Zeufack Nkemgha

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