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Tribune : « le régime Biya est si arrogant et imbu de lui-même »

Biya Paul

Christian Alain Djoko, dans une tribune envoyée à la rédaction de Lebledparle.com, parle de l’arrogance du régime Biya. Selon cet analyste politique, philosophe et juriste de formation, cette arrogance du régime trentenaire s’articule autour de la condescendance, du complotisme et de la répression. Ci-dessous, l’intégralité du texte.


Biya Paul
Biya Paul – DR

L’arrogance du régime Biya

L’arrogance est l’un des principaux traits distinctifs du régime Biya. Elle se décline sous plusieurs formes : condescendance, complotisme et répression.

  1. 1. Le déni et condescendance

Biya estime n’avoir de comptes à rendre à personne, surtout pas au peuple duquel il prétend tirer sa légitimité (Cf. fameux Appels du peuple). Il ne s’exprime qu’à quelques rares occasions depuis longtemps ritualisées. Il s’explique encore moins sur sa gestion des affaires du pays. La reddition des comptes ne fait pas partie de son logiciel. Arc-bouté sur une poutre ultra-sécuritaire (armée et police), le régime dont il est la figure tutélaire n’envisage la gouvernance qu’à partir de ses propres volontés et non celles du peuple. Des soi-disant « Appels du peuple » à la répression du peuple qui gémit à demi écrasé sous le poids de la malgouvenance, il n’y a qu’un pas. L’État, c’est lui. Et c’est peu dire.

En fait, le régime Biya est si arrogant et imbu de lui-même qu’il n’a pas envisager de discuter ou de négocier avec les ambazoniens afin de contenir leurs velléités séparatistes.  Bien au contraire, après avoir affirmé ce qui suit : « L’important, aujourd’hui est de pardonner et d’oublier, de tendre ensemble vers un but commun. Nous ne pouvons, à la fois, regarder l’avenir et vivre au passé. Le pardon mutuel est le chemin qui conduit vers la paix durable », le régime Biya a condamné les leaders séparatistes anglophones à une peine de prison à vie assortie d’une amende de 250 milliards de francs CFA. À cela s’ajoute l’exercice de roublardise mené en mai 2019 par Dion Ngute. Annoncées en grandes pompes comme l’amorce d’un dialogue, les descentes de ce dernier dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NOSO) ont finalement accouché d’une souris. À y regarder de près, il aurait été naïf de s’attendre à une issue autre que celle-là. Et pour cause! L’autre cache-sexe de cette arrogance n’est rien d’autre que le recours permanent au complotisme.

  1. 2. Le complotisme

Dans l’univers parallèle de Biya et de ses laudateurs, toute revendication sociale ou corporatiste est en réalité grosse d’un agenda caché visant à déstabiliser les institutions de la république. Fragilisés par leur bilan en tout point désastreux, ils trouvent derrière chaque nouvelle critique un adversaire politique ou un complot venant de l’extérieur. Il ne faut surtout pas revendiquer son droit à l’eau, à l’électricité, à la sécurité, à l’emploi, à la justice ou au respect de la vérité des urnes. Le faire, c’est passer pour celui qui veut détruire le pays. Voilà un autre hold-up qui avance maquillé depuis trop longtemps.

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C’est précisément cette arrogance matinée de complotisme qui pousse le régime Biya à dépenser de mirobolantes sommes pour s’acheter des communicateurs et lobbyistes cyniques au lieu d’entreprendre des négociations avec les deux principales forces politiques du moment à savoir, le MRC et les ambazoniens.

Relativement aux velléités séparatistes dans le Southern Cameroon, voyez-vous Paul Biya aller à Bamenda inviter nos frères et sœurs à table de négociation dans l’intérêt supérieur de la nation ? Pour ce régime les mots « dialogue » et « négociation » sonnent comme un aveu d’échec et une remise en question de sa toute puissance. Et pourtant! Qu’on le veuille ou pas, il faudra se résoudre à négocier. Notre désaccord profond avec la résistance armée ne saurait nous dispenser de l’obligation urgente de négocier avec les ambazoniens. Car de toute évidence, le statu quo est non seulement intenable, mais il est surtout immoral, criminel et inacceptable (2000 morts, 530 000 déplacés, une région sinistrée, etc.).

La répression constitue l’autre pendant de l’arrogance du régime Biya.

  1. 3. La répression

Éternelle figure de l’arrogance que celle qui consiste à refuser de considérer son adversaire pour ses (pro)positions afin de mieux l’enfermer dans la catégorie fourre-tout de « rebelle », « déstabilisateur », « antipatriote », « ennemi de la république », etc. et justifier par ce fait même une répression sanglante.

Sillonné en fait par une hantise de ses propres turpitudes, ce régime, disais-je plus haut, perçoit toute critique comme un affront, un crime de lèse qu’il faut absolument réprimer par la brutalité et les petits arrangements avec le droit. Voilà pourquoi ce régime voue une haine mortifère à tout ce qui lui tient tête. Voilà pourquoi il n’hésite pas à broyer tous ceux et celles qui essayent de s’émanciper de son sein. Voilà pourquoi il a ignoré les revendications corporatistes des avocats anglophones de 2016. Voilà pourquoi Atanga Nji s’autorise sans gêne à menacer les médias qui ne font pas l’« atalaku » du régime. Voilà pourquoi Kamto, Ekoka, Ndoki, Oko, Dzongang, Valsero, Kingué, Djamen, Ngono, Fogué et autres sont injustement incarcérés depuis plusieurs moins. Voilà pourquoi Nganang est si détesté par une partie du régime de Yaoundé. Car mieux que quiconque, Nganang joue exactement sur le même registre que ce régime : Celui de l’arrogance.

C’est l’occasion de rappeler ici quelques vérités élémentaires que certains laudateurs et « suceurs » de ce régime auraient tendance à oublier. Si l’arrogance a souvent fait bon ménage avec la politique, vient toujours un temps où il faut taire son égo pour faire prévaloir les intérêts supérieurs de la nation. L’histoire de la fin de régime Mobutu devrait inviter les va-t-en-guerre du régime Biya à une certaine retenue devant les fanfaronnades que leurs inspire si ardemment l’ivresse du pouvoir. La roue tourne dit-on souvent.

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Cela dit, s’il est évident que le collège des « suceurs » et va-t-en-guerre chamarrés finira tôt ou tard en un fétu de paille dans les mains du peuple, il ne faut surtout pas s’attendre à ce qu’il s’offre généreusement ou qu’il se suicide. Briser les reins à une des tyrannies les plus forcenées, sanguinaires, forcées et barbares de l’histoire africaine est loin d’être une partie de sinécure. Elle est dans sa logique de se défendre avec violence, acharnement et arrogance.

  1. 4. La servitude volontaire

 

En fait, l’arrogance du régime Biya ne prospère que sur la terre de notre servitude volontaire. Ce n’est pas tant la force ou l’arrogance de ce régime qui nous contraint, mais notre propre force que nous concédons au régime qui nous asservit. Ce régime n’a de pouvoir sur nous que par nous : La servitude volontaire prend ainsi la figure d’une autocontrainte. Elle se nourrit de pratiques mystifiantes, de l’intimidation, de la torture, de l’arrogance et de l’habitude oublieuse qui fait taire notre « naturel » attrait pour la liberté. C’est ce que disait déjà La Boétie il y a déjà 6 siècles lorsqu’il affirmait : « …tant de nations endurent quelques fois un tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent ; qui n’a de pouvoir de leur nuire que tant qu’ils en manifestent la volonté ; qui ne saurait leur faire du mal que lorsqu’ils aiment mieux l’endurer que s’opposer à lui. ».

Comme dans tout régime tyrannique, l’arrogance et la violence constituent le bruit de fond du Biyaisme. Et le pire serait que nous finissons par nous y habituer. Mais pour éviter de nous résigner définitivement, il faut peut-être se remémorer de temps en temps notre histoire. Dans un passé récent, certains de nos parents ont refusé au prix de leur vie la colonisation et l’asservissement. Soyons à la hauteur de ces pages glorieuses de notre histoire. Nous méritons mieux que ce régime arrogant, tyrannique et corrompu.

 


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