Qui l’eût cru ? La déculottée annoncée contre le Brésil n’a pas eu lieu. Tous les mauvais présages, se basant logiquement sur les récentes performances des acteurs en présence, ont fondu comme une neige au soleil dès le coup de sifflet final actant la victoire camerounaise. Pas de 4-0 ou de 6-0 comme annoncé donc. Même les plus crédules craignaient un tangage du navire. Sait-on jamais car ce n’était pas n’importe qui en face. Le Brésil, quintuple champion du monde, est tombé face au quintuple champion d’Afrique. Un duel de champions remporté par le Cameroun malgré l’équipe B alignée par le Brésil qui n’en est pas moins redoutable. Dominés, ce sont bien les Lions qui ont rugi. Au jeu des pronostics les Camerounais ont, encore une fois, fait montre de leur versatilité dans une totale imprévisibilité. Irrationnel, incroyable, stratosphérique.
Ceci dit, au-delà de la victoire honorifique et symbolique, le miracle de cette troisième journée de poules ne s’est point produit. Les Lions ont été éliminés avec pourtant les armes à la main. Dure réalité, après les émotions suscitées. La Suisse a pris les devants et les Lions, étincelants, doivent plier bagage. Malheureusement.
Que retenir de cette expédition qatarie eu égard à la grille de lecture proposant une kyrielle d’interprétations ? La meilleure prestation des Lions depuis 2002 ? La victoire et le caractère héroïque des Lions (contre le Brésil et la Serbie) ? La défaite nauséeuse en entrée contre les Suisses ? Des problèmes éternels de tanière faisant toujours de nous la risée du monde ? Une équipe retrouvée à la toute fin avec une volonté offensive affichée et une charnière défensive aux crocs acérés ? Un goût d’inachevé ? Un sélectionneur national en pleine progression ou alors la promesse de victoire finale non tenue par Eto’o ?
Quoi qu’il en soit, peu importe les interprétations faites, personne ne pourrait remettre en cause le talent, la vista, la hardiesse et la technicité d’Aboubakar Vincent. Quel joueur ! Quelle merveille ! Quelle légende ! Tout comme Luc Perry Wandji, je pense qu’il fait partie du top 3 des meilleurs joueurs de l’histoire de cette sélection. Par ses buts décisifs tous aussi beaux les uns que les autres (but victorieux en finale de la CAN 2017, meilleur buteur de la CAN 2021, prestation majuscule en Coupe de Monde…), sa pugnacité et une confiance rassurante, AVC doit être intronisé au panthéon des prouesses de notre football. Après Milla et Eto’o, on regrettera éternellement ce joueur tant sous-coté (comme durant une partie de la CAN 2017 et au début du mondial) mais toujours aussi disponible. C’est la grande satisfaction que je tire de ce mondial. Mais on doit, en toute objectivité, viser plus loin.
De cette coupe du monde qatarie, on en a vu des vertes et des pas mûres au sujet de notre équipe nationale. Retourne-t-elle à la maison avec le sentiment du devoir accompli ? Après tout, pour la plupart des Camerounais, à en croire la tendance des réseaux sociaux, battre le Brésil est synonyme de couronnement. En d’autres mots, le Cameroun est le nouveau champion du monde. Drôle de syllogisme. Il y a, malgré tout, un potentiel à développer.
Yvan Kovic Tchanga
Journaliste