Dans une Tribune libre publiée sur son mur Facebook ce mercredi 13 février 2019, Richard Makon, Analyste politique, Chercheur en sciences sociales parle de « la démocratie sans opposition ». L’Expert des questions de développement souligne le fait que les Etats ne sont pas démocratiques. LeBledParle.com, vous propose l’intégralité de sa communication.
LA DÉMOCRATIE SANS OPPOSITION
La démocratie est un concept polysémique dont se sont parés aussi bien les régimes libéraux d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord, les dictatures communistes mises en place par le prolétariat, les monocraties bananières, des régimes autoritaires du marxisme tropical que les gouvernements militaires ou civils autocratiques d’Afrique, d’Amérique latine ou d’Asie.
À l’observation, la démocratie est un concept qui semble avoir servi presque toutes les causes du ciel et de la terre, inspirant des systèmes politiques aussi nombreux que dissemblables, que ce soit sur le plan de l’idéologie, de la philosophie politique, de la culture politique, de la pratique politique, ou de celui de l’ordonnancement juridique.
Tous les États s’autoproclamant démocratiques ne sont pas toujours des démocraties. Tous les Etats pratiquant une certaine ouverture politique ne sont pas forcément des démocraties.
Évidemment qu’ici et là les citoyens sont plus ou moins associés, directement ou indirectement, au choix des règles du jeu politique, prennent part comme ils le peuvent au choix de leurs dirigeants et des politiques qu’ils leur proposent, se présentent eux-mêmes aux différents scrutins ouverts, s’organisent en associations et en partis politiques, manifestent et revendiquent de temps à autres. Tout ceci ne suffit cependant pas à justifier le qualificatif de ‘‘démocratique’’ qu’on serait tenté d’accoler à de tels régimes, car au-delà de ces droits c’est la qualité de leur jouissance et la sincérité de leur exercice qui sont déterminantes.
De manière plus aboutie, un système politique sera qualifié de démocratique lorsque les dix (10) principes suivants seront respectés : la souveraineté au peuple, un gouvernement constitutionnel consacrant la séparation des pouvoirs et reposant sur le consentement des gouvernés (légalité et légitimité), le respect de la règle de la majorité, la reconnaissance des droits de la minorité politique, la garantie des droits fondamentaux de la personne humaine, des élections régulières, libres, justes, équitables et transparentes, l’égalité de tous devant la loi (isonomie) et devant le pouvoir (isocratie), le pluralisme politique, économique et social, le respect des valeurs de tolérance, de coopération et de compromis, la libre justice judiciaire, administrative et constitutionnelle et la bonne gouvernance.
Au constat donc, si dans son itinéraire épistémologique la démocratie a d’abord été considérée ‘‘comme un moyen de la liberté, puis comme un instrument de la justice’’, pour devenir enfin ‘‘une manière d’assurer le contrôle de la collectivité sur la croissance économique et le bon usage de la prospérité’’, cette dernière ne sépare jamais ces fonctions les unes des autres.
Pour le dire autrement, la démocratie est un tout !
Mais si le respect de tous ces dix (10) piliers peut paraître constituer un chantier titanesque, l’effectivité du pluralisme politique, symbolisé par l’existence d’un parti au pouvoir et de son opposition, s’impose par contre comme la matrice essentielle de la configuration du champ politique.
Autrement dit, pour qu’il y ait pluralisme politique, toute société politique se configure, au minimum, autour d’un parti au pouvoir et d’un ou de plusieurs partis d’opposition, autour donc d’un ordre gouvernant et d’une opposition ambitionnant de prendre le pouvoir.
C’est ce que contestent de façon virulente, dans leur pratique politique quotidienne, de nombreux pouvoirs en Afrique, qui font le rêve de construire des sociétés démocratiques sans opposition. En d’autres termes, d’inventer ‘‘une démocratie’’ où n’existe aucun contre-pouvoir, de faire breveter ‘‘une démocratie de parti unique’’.
Ces régimes soucieux de promouvoir le génie africain, s’évertuent à léguer au monde ‘‘une démocratie dans un système de pensée unique’’.
Il fallait vraiment y penser !
Chronique précédemment parue à Mutations