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[Tribune] Louis Marie Kakdeu : «une personne qui a la citoyenneté camerounaise sans nationalité peut exercer toutes les fonctions non souveraines au Cameroun »

Samy Ndole

L’universitaire et analyste politique a publié une tribune le mercredi 02 septembre 2021 dans laquelle, il revient sur le débat de la binationalité et de la double nationalité. Pour l’homme politique, ces concepts sont manipulés en contexte camerounais. Il précise les contours de chaque situation et pense que c’est une question de choix et de droit.

Samy Ndole
Samuel Eto’o – DR

Lebledparle.com vous propose le texte intégral.

Binationalité/Double nationalité: Une question de droit et de choix

Nous avons souvent l’art de discuter sans comprendre et donc, sans toucher au point essentiel. L’on ne met pas exactement la même chose dans binationalité et double nationalité. A bien regarder, on peut se rendre compte que le problème est simplement dans la mauvaise définition des concepts dans la loi et qu’une simple clarification serait la solution. De quoi est-il question?

Une personne née des parents de nationalités différentes ne peut pas être traitée comme une personne dont les parents étaient de la même nationalité et qui a opté pour une nationalité étrangère.

Dans le premier cas, il s’agit d’une question de DROIT. Un enfant né de parents de nationalités différentes n’a fait aucun choix. Il faut le rétablir dans ses droits d’avoir les nationalités de ses parents. Selon Me Abdoulaye Wade, avocat et ancien Président de la République, il s’agit de la binationalité (il défendait bien sûr le cas de son fils Karim. C’est un autre débat).

Par contre, il y a des citoyens qui ont LIBREMENT CHOISI (libre choix éclairé) d’obtenir une nationalité étrangère. C’est une question de CHOIX (en démocratie, c’est l’exercice du droit de choisir). Ce cas peut faire l’objet des discussions, mais il ne s’agit pas d’une question de contrainte qu’il faut régler. Il s’agit d’un choix qu’il faut faire assumer ou non.

A travers le monde, les codes de nationalités abordent la question différemment. Cela convoque deux autres notions à savoir: la nationalité et la citoyenneté. S’agit-il de la même chose? Non!

A-t-on vraiment besoin de deux ou de plusieurs nationalités? Non! A-t-on besoin de deux ou de plusieurs citoyennetés? La réponse est OUI!

Un peu d’histoire pour les cas africains: Le code de la nationalité du Cameroun par exemple date de 1968, soit 8 ans seulement après l’indépendance du Cameroun francophone. Il est donc l’émanation du code de l’indigénat qui était en vigueur sous la colonisation française. Il y avait plusieurs statuts d’indigène. Ce qui m’intéresse est que certains indigènes en Afrique avaient la nationalité française sans citoyenneté. En gros, ils n’avaient que des devoirs de citoyens. Ils n’avaient pas de droits liés au statut de citoyen en France. Ils devaient servir la France (et être poursuivis pour haute trahison en cas de résistance à la colonisation) mais, ils ne pouvaient pas jouir des avantages liés à la nationalité française. Il s’agit par exemple du droit de travailler, de voter, etc. Que ce soit en Europe (Nord) ou en Afrique (Sud), il y a encore des stigmates de l’indigénat ou du code noir dans la législation. Ce rappel historique me permet juste de clarifier le sens attribué à la nationalité et à la citoyenneté dans notre contexte. Il s’agit de deux notions différentes or, nous les confondons.

Si nous voulons réformer les choses, il faut une fois de plus bien comprendre ce que nous discutons. On n’a pas besoin de plusieurs nationalités. La haute trahison avec laquelle la France tenait les Africains est justement liée à l’intelligence avec un autre Etat. Il est difficile de justifier que l’on soit Camerounais et Français alors que les deux pays poursuivent des intérêts divergents. L’accès à certaines fonctions dites de souveraineté ne pourra qu’être limité. En Suisse par exemple, vous n’aurez pas accès à certaines hautes fonctions (souveraines) tant que vous n’avez pas la nationalité. Mais, la citoyenneté suisse (résidence permanente) vous permet de travailler et d’avoir tous les autres droits. En acceptant la nationalité, vous vous engagez à défendre désormais la Suisse. Des pays ouverts à l’immigration comme le Canada proposent la citoyenneté canadienne aux immigrés (résidence permanente). On ne vous oblige pas de prendre la nationalité. Si vous franchissez librement le pas et demandez la nationalité canadienne, cela veut dire que vous vous engagez à ne pas « trahir » le Canada.

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Le problème avec les Africains, c’est qu’ils peuvent se contenter de la citoyenneté des pays où ils vivent (résidence permanente). Mais, ils demandent LIBREMENT la nationalité de ces pays-là et veulent encore rentrer défendre leurs pays d’origine en Afrique. Or, cela n’a pas de sens.

Il nous revient donc dans la discussion sur le nouveau code de la nationalité de bien définir ce que nous entendons par binationalité, double nationalité, citoyenneté, etc. Il faut que nous ayons des objectifs de développement clairs.

Pour ma part, une personne qui a la citoyenneté camerounaise sans nationalité peut exercer toutes les activités et toutes les fonctions non souveraines au Cameroun, y-compris être président d’une association de football comme la FECAFOOT. Mais, quand il faut parler de la défense nationale, des finances publiques, de la diplomatie, etc., il ne faut pas avoir des engagements envers un autre Etat. Je ne vois pas pourquoi il peut être difficile de s’entendre sur cette question. Vous ne pouvez pas vouloir travailler chez Orange alors que vous êtes encore sous contrat chez MTN. Ce que demandent certaines personnes au sein de la diaspora est simplement incompréhensible.

Un binational comme Barack Obama a choisi l’Amérique. On a tous vu qu’il a défendu « brillamment » les intérêts américains contre certains intérêts africains. Par exemple, il a bombardé la Libye où se développaient les germes de la puissance africaine. Quel sens cela aurait (à la fois aux USA et en Afrique) qu’il revienne diriger un pays africain?

Je pense que nous devons discuter des droits que l’on peut attribuer à la citoyenneté/ résidence d’une personne de nationalité étrangère. Pour ma part, il n’y a aucune raison de limiter la libre circulation et la libre entreprise. Il faudrait simplement limiter l’accès à certaines fonctions de souveraineté où se font les prises de positions stratégiques.

LMK


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