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[Tribune] Niger : Que disent les spécialistes des études africaines ?

Le silence des spécialistes des études africaines face aux enjeux politiques en Afrique suscite des interrogations chez Eric Essono Tsimi, Universitaire. L’absence de réactions claires et unifiées de la part des spécialistes des études africaines en Europe concernant les événements politiques en Afrique soulève des questions sur leur rôle et leur engagement vis-à-vis des réalités du continent. Lebledparle.com vous propose le texte intégral.

Tsimi Essono Eric
Eric Essono Tsimi, Universitaire - DR

Ils sont « Macron » ou ils sont « Niger » ? Avec tous les Africanistes qui se trouvent en Europe, je trouve suspect en tout cas malheureux le silence face à la posture belliqueuse d’Emmanuel Macron. Qui créé toutes les conditions d’une énième guerre en terre africaine, impliquant directement, encore une fois, des soldats français. Hier ce maintenancier de la Francafrique disait à ses ambassadeurs que Paris a intervenu pour sauver le Sahel: il efface le fait que c’est Paris (et Sarkozy bientôt jugé) qui a mis le feu au Sahel.

Ou sont les Africanistes qui publient sur l’Afrique toutes sortes d’analyses lumineuses ? Comment pourra-t-on cette année organiser des colloques sur les études africaines en évitant soigneusement ce bouillonnement de la jeunesse, ces dérives du pouvoir de Macron, ces excès de sa parole, comment pourra-t-on parler études culturelles, littérature, philosophie, anthropologie de l’Afrique en ayant été distants et silencieux sur ce qui se passe dans ces pays d’Afrique de l’Ouest, le racisme « structuré », silencieux, et la politique jupitérienne de la terre brulée ? Emmanuel Macron a perdu tout sens des réalités, il va jusqu’à faire de son propre ambassadeur (Sylvain Itté) un otage de son arrogance, un prisonnier (en supposant qu’il soit toujours à Niamey), un peu comme Julian Assange, sauf que Sylvain Itté lui il est réfugié dans sa propre ambassade, pour éviter d’être capturé.

Emmanuel Macron, le Disney-Napoléon, met sa propre armée en situation de contenir les foules ou de tuer des civils, ils sont certes habitués à tirer sur les Africains (comme en Côte d’Ivoire) ou à les regarder s’entretuer (comme au Rwanda), mais est-ce leur rôle de répéter les mêmes crimes, encore et encore ?

J’écoute avec plaisir monsieur Mélenchon ou monsieur de Villepin. Mais qui les écoute à l’Elysée ou au Quai d’Orsay ? Quand on accuse les élites françaises successives, il ne faut pas oublier le silence de nos « amis ». Ces temps difficiles auraient été l’occasion de voir un semblant d’amitié entre les peuples, une empathie agissante entre les spécialistes de nous et nous-memes. Quand il s’agissait d’Ukraine, on a vu mille initiatives prospérer pour aider les étudiants et professeurs en difficulté. Avez-vous vu une seule pétition, une seule initiative de philanthropes, d’université, ou gens d’affaires, chercheurs européens destinés à aider leurs confrères maliens, Burkinabé, ou Nigériens présents en Europe ou bloqués en Afrique ? C’est qu’ils sont bien dans la logique punitive du système. Il faut, chers chercheurs au sud du Sahara, vous en prendre à votre gouvernement si vous voulez à nouveau les visas.

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C’est pourquoi, ça me fait sourire les résistants anti-impérialistes qui croient qu’il y a une élite coupable d’une part et leur peuple totalement ignorant de ce qui se passe d’autre part. Ni hier ni aujourd’hui. Au champ de mars c’était le peuple qui venait nous voir en cage, pendant la traite transatlantique nous n’étions pas des privilèges de quelques personnes fortunées et perverses… Les présidents successifs sont donc soutenus par des conseillers, des ambassadeurs, des gens qui les élisent et approuvent leur action dans les sondages d’opinion. J’ai beau examiner la situation des chercheurs affectés dans tous les sens, je ne trouve pas encore de justification de ce silence. J’appartiens à plusieurs groupes de réflexions et listes de diffusion sur les études africaines, je peux vous dire, les initiatives quand il s’agissait des chercheurs et des étudiants ukrainiens ou même d’Amérique du Sud ou même d’Iran, j’en ai vu à la pelle.

Maintenant, quand c’est nous, la fraternité est suspendue, la collégialité n’existe plus, les spécialistes du Sahel soit font des analyses pour les médias soit attendent le prochain colloque pour faire le point de ce sentiment anti-impérialiste, mais refusent de réfléchir à la situation de ces étudiants et chercheurs empêchés. Le prochain sommet France-Afrique avec la « société civile », ils vous expliqueront qu’ils se soucient de la jeunesse africaine, on continuera de vous donner le sentiment que pour comprendre l’Afrique il faut lire français, citer français, voyager Schengen….

Aussi triste que soit cette situation, elle permet aussi de prendre conscience de la nécessaire diversification de nos références (« epistemic freedom » comme dirait le professeur Sabelo). Que disent les Québécois, et nos frères haïtiens, et qu’écrivent les autres Noirs (en anglais en espagnol en langues africaines) dont nous subordonnons la pensée à de grands maitres européens qui souvent se fichaient royalement de l’Afrique, qui finalement étaient surtout des maitres coloniaux?

C’est trop flagrant ce désir d’effacer les chercheurs et étudiants de ces pays, avec exactement les mêmes méthodes qu’on applique quand il s’agit de nos frères qui se noient dans la Méditerranée: punir d’avoir cherché, par la peine de mort, laisser mourir. Pas d’uranium, pas de visa. C’est sans sentiment. Et c’est pas tout. Pas de visa, pas d' »aide », pas d’électricité, pas d’empathie, jusqu’à ce que vous nous suppliez de revenir vous sauver.

Quelle cruauté !

 


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