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Les spécialistes de la musique et de la linguistique s’accordent à nous apprendre que, toute considération subjective mise à part, il est des langues qui semblent passablement plus musicales que d’autres.
On peut toujours en discuter. Mais, il ne me semble pas que ce soit hors de sens. Et, à la vérité nombre de gens partagent bien cette perception des langues (sous le rapport à/de la musique) qui repose somme toute sur des observations et études de type scientifique.
Ces langues qui savent si bien faire chorus avec l’art musical, recèleraient en elles-mêmes, et de manière ontologique, une certaine musicalité et une force mélodique, qui les rendent attractives et séduisantes.
Nous en étions tous à croire que certaines de nos langues sont faites pour la musique, chanter l’amour et rythmer la poésie; et d’autres, ontologiquement inaptes à véhiculer les mêmes vertus, traduire et sublimer les émotions que véhicule la parole chantée.
C’est ainsi, que notre conscience collective a admis pour improbable, peut-être même ubuesque et grotesque, de savourer un « slow » ou une « rumba » agréable à l’âme, orchestrée dans les langues de la région de l’Ouest-Cameroun; dont on dit qu’elles sont certes belles, mais assez voluptueuses pour dire le raffinement du chant et la prestance des belles mélodies.
Ces Idées reçues ont si bien prosperées, que nous avons presque tous théorisé, et intériorisé, sans jamais l’avouer, l’idée selon laquelle: «chanter de manière mélodieuse, dans les langues Bamiléké et Bamum, est tout sauf une sinécure».
Nous y avons cru. Tant et si bien que certains artistes Bamiléké se sont, pendant longtemps, crus obligés de chanter en « Douala » ou en « Ewondo », pour se faire une place sous le soleil, et un chemin dans notre paysage artistique et musical profondément dominé par le génie des artistes du makossa (Sawa), aidés en cela par l’usage d’une langue chatoyante venue du paradis (le Douala), dont l’érudit Valère Épée me disait qu’elle est «éminemment littéraire et essentiellement musicale».
Si ces préjugés sur la « non musicalité » des langues Bamiléké sont aujourd’hui bottés en touche, et sans le moindre complexe, c’est grâce au travail d’orfèvre de certains artistes Bamiléké qui, bien conscients de ce qui s’apparentait alors à un handicap naturel, sont parvenus avec maestria, à domestiquer la nature de leurs langues ; pour les introduire dans le giron africain et mondial des industries culturelles.
Sam Fan Thomas et son « makassi », si imprégné des sonorités de son Ouest natal, en donnent la parfaite illustration.
Gérard Djoumbissie, Elvis Kemayo, Tchana Piere, André Marie Talla, Jack Djeyim , sont à mes yeux les grands précurseurs de la « World Music » made in Bami, en tant qu’ils ont réussi l’exploit de construire une culture mélodique, mélodieuse et poétique, qui a vertueusement introduit le « chant Bamiléké » dans le grand patrimoine des «musiques du monde». Rien que cela !
Grâce à leur attachement à la culture Bamiléké, leurs voyages, la force du talent, et surtout, leur propension à la recherche, et le goût du travail bien fait, ils sont parvenus à extraire le nectar mélodique et musical, enfoui dans les langues Bamiléké et Bamum (pour Claude Ndam).
Rien que pour cela, et en cela, le festival des arts et des musiques Bamiléké a au moins une [bonne] raison d’être.
Ce sera l’occasion de leur dérouler le tapis rouge, et leur dire (chaque année) l’hommage communautaire qu’il mérite et dont ils se sont rendus dignes !
Nous donnons une première conférence de presse sur le festival des arts et des musiques Bamiléké, dans quelques semaines. En Mai 2023.