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[Tribune] Siméon Roland Ekodo Mveng : « l’absence du public dans les gradins est le faible pouvoir d’achat du consommateur des produits sportifs »

Bafoussam stade vide

Après le match Cameroun-Burkina-Faso dans un stade d’Olembé rempli, le match Ethiopie-Cap-vert s’est joué dans un stade vide, ainsi que les matchs du stade de Bafoussam. Cette situation inquiète les camerounais. Dans une tribune publiée sur son compte Facebook, le mardi 11 janvier 2022, Siméon Roland Ekodo Mveng, sociopolitiste donne les trois raisons de la désertion des stades au Cameroun en ces débuts de CAN Total Energies 2021.

Bafoussam stade vide
Stade de Bafoussam – DR

Lebledparle.com vous propoose le texte intégral.

La désertion des stades au Cameroun en ces débuts de CAN Total Energies 2021 peut être analysée à partir d’une chaîne de causalités conjoncturelle, structurelle et sociopolitique.

La raison immédiate est une résistance symbolique des vaccino-sceptiques vis-à-vis de l’exigence du pass anti-covid à l’entrée des stades. Les supporters majoritairement contre le vaccin perçoivent cette mesure comme une instrumentalisation du football à des fins de traçage biomédical et de contrôle spirituel selon les suspicions et susceptibilités complotistes qu’ils expriment clairement dans le boycott du vaccin.

 Une étude d’un média international a d’ailleurs révélé récemment que seule 4 pour cent de la population camerounaise serait vaccinée et que le pays porte l’étendard des États les plus abstentionnistes aux injections.

La deuxième raison qui explique l’absence du public dans les gradins est le faible pouvoir d’achat du consommateur des produits sportifs.

La rationalité voudrait que ce dernier minimise les coûts de déplacement et d’achat d’un ticket aux virages ou aux tribunes lors des matchs non enlevés et opte pour le visionnement confortable à la télé, ou même des temps forts au journal du soir, pour ceux des débrouillards qui ne peuvent abandonner le champ, les études ou le petit commerce, dans un contexte de double frilosité sanitaire et sécuritaire.

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La troisième explication est imputable à la faible professionnalisation du mouvement sportif camerounais.

 La mort des fans clubs, la non sélection des joueurs locaux dans l’équipe seniore, le caractère insipide du championnat, la crise des talents, les interminables conflits et scandales de la Fecafoot ou finalement l’extraversion des supporters aux idoles mondiales comme Messi,CR7,et leur dépendance ludique aux championnats européens plus attractifs ont fini par construire l’étrangeté et la désaffection du public de supporters avec les stades du pays.

Une autre raison est éminemment politique. Le refus de se rendre au stade est une résistance idéologique contre l’ordre gouvernant. Ceux qui se considèrent comme exclus du partage des richesses estiment que le football est une diversion et une drogue populaire pour maintenir les intérêts dominants.

 Une autre opinion estime que ce serait faire montre, d’un manque de loyauté aux prisonniers politiques et aux frères et sœurs anglophones en allant participer à un festin cynique organisé par ceux qui tirent profit du système. D’où leur retrait tactique de ce qui aurait dû être une grande fête populaire en d’autres circonstances.

Un dernier enjeu de cet abandon des stades est d’ordre sécuritaire. La psychose créée par les attaques terroristes au grand Nord et par une infiltration potentielle des stades par les ambazoniens sont des éléments de dissuasion du public.

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Pour ramener les gens au stade, il faudra après la CAN profiter de la nouveauté  des infrastructures et de la capacité de mobilisation des ressources humaines et financières du nouvel exécutif fédéral Samuel Éto’o pour industrialiser cette filière. (suivant les résolutions des États généraux).

Il faudra régler les crises politiques et sécuritaires.

 Il faudra partager les richesses par la création d’emplois et parier que la transition du citoyen-supporter des besoins fondamentaux, aux besoins de prestige l’incitera de nouveau au divertissement footbalistique. Les mécènes, communes et opérateurs de sociétés peuvent également subventionner les billets d’accès aux stades.

 Il faudra fixer les quotas d’un nombre de joueurs locaux pour que le public s’identifie aux acteurs de jeu, moins arrogants que ces légions étrangères imbues de leurs milliards et venant parfois jouer  la suffisance sans tenir compte des sacrifices des supporters.

Il faut finalement réconcilier le Cameroun avec lui-même.

 La CAN est d’ailleurs un bon prétexte de communion fraternelle, de sportization et de dégel des tensions et des aigreurs si l’on s’en tient aux vertus de la civilisation des mœurs par le sport élaborées par Norbert Élias et Eric Dunning.


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