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[Tribune] Valentin Siméon Zinga : « La « jeunesse » s’inscrit dans diverses stratégies politiques, sans jamais cesser d’être une ressource politique »

Valentin Simeon Zinga

Dans éditorial parue dans la livraison de « Lignes d’horizon » de février 2022, Valentin Siméon Zinga, directeur de publication parle des jeunes loups et vieux logiciels du point de vue de l’ascension politique. L’ascension politique des jeunes est bloquée par les vieux logiciels qui continuent de conserver le pouvoir.

Valentin Simeon Zinga
Valentin Siméon Zinga, DP Lignes d’horizon – DR

Lebledparle.com vous propose l’intégralité du texte.

La tentation messianique

C’est, à n’en point douter, le malentendu originel: la catégorie «jeune» est de celles qui font rarement l’unanimité. Par sa compréhension autant que par son extension. Elle recouvre une diversité d’approches et désigne une variété de profils, selon les enjeux et domaines pour et par lesquels  elle est mobilisée. S’exprime-t-on du point de vue de la démographie et de ses typologies propres? Parle-t-on à partir du champ politique, avec ses découpages à l’avenant? Fait-on allusion aux «moins de 25 ans», aux «18-24 ans», ou aux «18-35 ans»?

Toujours est-il que cette catégorie est très présente dans les discours politiques, économiques, culturels, sportifs…L’on sait que la «jeunesse» s’inscrit dans diverses stratégies politiques, sans jamais cesser d’être une ressource politique. D’une part, elle figure en bonne place des projets et programmes politiques en tant que repère d’attention et cadre d’action, ainsi que l’on peut s’en apercevoir dans l’élaboration des politiques publiques et les professions de foi de candidats à diverses élections. D’autre part, on l’évoque pour justifier le déclassement et la disqualification d’une certaine gérontocratie, de même qu’on y a recours pour l’énonciation de divers plaidoyers et on la mobilise aux fins de clientélismes. On ne laisse pas de s’en emparer comme d’un argument décisif pour la sollicitation des suffrages et la conquête du pouvoir. Dans bien des cas, cette catégorie est présentée comme le gage d’un succès électoral, d’une réussite politique. À l’évidence, la «jeunesse» n’est pas à l’abri de manœuvres démagogiques, et les raccourcis ne font pas défaut.

Dans une série de séquences de notre histoire récente, l’on a vu se reproduire nombre de pratiques routinisées. Pensons à ces scènes de célébration du 89e anniversaire du président de la République, par des centaines de jeunes, réquisitionnés au Palais polyvalent des sports de Yaoundé, le 13 février 2022, sous le regard d’une brochette de personnalités, dont le ministre d’État, secrétaire général de la présidence de la République, acteur central de cette chorégraphie de la soumission. Mise en scène, bien sûr!

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Remarquons aussi que quelques jours plus tôt, à la lisière du sport et de la politique politicienne, la Coupe d’Afrique des Nations, a permis de mettre en lumière de vieilles pratiques d’instrumentalisation. La construction de l’engouement populaire pour la compétition, et la fabrique de la popularité du président de la République – sur fond de luttes de positionnement au sein du système gouvernant – sont, de ce point de vue, révélatrices du poids des artifices dans notre vie publique.

Bien avant cette Can, et durant son déroulement, nombre d’indications et d’alertes au sujet du nouvel exécutif de la Fédération camerounaise de football sont venus contrarier, à défaut de la ruiner, la thèse selon laquelle la «jeunesse» ayant proposé une offre alternative de gestion de notre football était portée par de nouveaux repères axiologiques. Ne voici-t-il pas en effet qu’on y révèle la caporalisation et le dévoiement de certains mécanismes managériaux par la mise entre parenthèses des leviers institutionnels? Ne voici-t-il pas qu’on y critique l’instauration d’une gouvernance résolument patrimoniale, avec ses outrances et sa condescendance, son clanisme et son culte pour l’unanimisme?

Il est vrai qu’un habile déploiement médiatique, soutenu par une équipe d’acteurs fanatisés et dont l’hyperactivité numérique est perceptible, donne à voir et à entendre un champion ivre de son égo, sous les dehors d’une refondation en marche et l’instauration d’un nouvel ordre managérial. Pharisaïsme cathodique. Populisme tactique. Narcissisme numérique. Pour le moment, le recours à la fameuse stratégie du «plan latéral», lors des moments de crise, emprunte à la logique de victimisation, amplifiée par des gazettes ( dont certaines respectables ) et une armée de mercenaires numériques. L’option choisie tient du déni, de la dénégation, et de l’esquive,  en travaillant à détourner l’attention de l’essentiel, pour l’orienter vers des aspects périphériques aux préoccupations soulevées. Bref, on botte en touche.

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À bien des égards, nous sommes clairement face à un «phénomène  de cristallisation messianique qui fabrique le mythe de l’homme providentiel», pour reprendre les termes de l’historien Jean Garrigues, appliqués à la scène politique française. Encore les comptes de l’élection de décembre 2021 ne sont-ils pas encore soldés; des soupçons d’atteinte à la moralité pesant sur une victoire adossée sur des manœuvres électorales où l’on a parlé de vrais dons et de pseudo emprunts.

D’une manière générale, que vaut cette «jeunesse» vassalisée, manipulée, stipendiée (comme on le voit avec Boko Haram, les menées sécessionnistes, ou des entrepreneurs politiques)? Que représente-t-elle lorsqu’elle est engagée (dans l’animation de diverses initiatives politiques), ou marginalisée, ostracisée (dans l’occupation des lieux effectifs du pouvoir, qu’il s’agisse de l’appareil d’État ou des formations politiques)?

Désabusée? L’on ne saurait en douter. Inventive, créative, entreprenante, c’est certain. Est-elle pour autant capable de se convertir en catalyseur des mutations politiques majeures en droite ligne de ses espoirs de «rupture»? Rien n’est moins sûr. Une certitude cependant: les «anciens» verrouillent solidement les rouages des partis politiques et tiennent fermement le gouvernail du bateau Cameroun, peu disposés à lâcher du lest et plus que jamais déterminés à continuer de s’imposer comme recours incontournables et salutaires face à toutes sortes de périls auxquels est exposé le pays – les uns réels, les autres imaginaires, sur fond de messianisme triomphant et assumé. Dieu, quel pays!


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