Yvan Sagnet, un Camerounais de 31 ans, arrivé à Turin en 2007 avec un visa étudiant, sera bientôt décoré par le président de la République italienne. Il deviendra, aux côtés d’une quarantaine d’autres personnalités, chevalier de l’ordre du Mérite.
Le jeune camerounais a le courage de se battre contre la mafia italienne, dans la région des Pouilles, pour dénoncer l’exploitation des migrants africains et leur salaire de misère dans les champs de fruits et légumes du pays.
En 2011 quand le jeune immigré cherche un petit boulot alimentaire pour financer ses études. « J’avais raté un examen, je n’avais plus droit à ma bourse. Il fallait trouver de l’argent, alors sur les conseils d’un ami, je suis parti ramasser des tomates », raconte ce fervent supporter de la Juventus, le célèbre club de football turinois.
Son voyage le conduit à Nardo, dans le talon de la botte italienne, où il apprend qu’une exploitation cherche des saisonniers employés à la journée. C’est la douche froide. « Sur place, j’ai découvert un camp de tentes où vivaient environ 800 personnes, avec seulement cinq douches, des conditions d’hygiène inimaginables ». « Il y avait des Tunisiens, sans doute les plus nombreux, mais aussi des Marocains, des Angolais, des Burkinabè, des Maliens… J’étais le seul Camerounais », se souvient-il, encore ému à l’évocation de cette période.
Sous ses yeux, les immigrés africains sont quasiment réduits à l’état de servitude. Dans les champs où l’on récolte des tomates, des melons, des pastèques, le travail est exténuant. Jusqu’à seize heures par jour, sous un soleil de plomb, pour un salaire de misère : 20 à 25 euros par jour, dont il faut encore souvent déduire le prix des bouteilles et des sandwiches vendus par les « caporali », des contremaîtres, souvent liés à la mafia, qui font office d’intermédiaires entre les ouvriers et les patrons.
C’est par la voie syndicale et dans l’écriture que le jeune homme s’est notamment engagé. Dans « Ghetto Italia« , ouvrage sorti en 2015, il dénonce « les vrais responsables » que sont, selon lui, les enseignes de la grande distribution. « Dans leur course au profit, elles obligent les producteurs à réduire leurs coûts sur le dos d’une main-d’œuvre bon marché. Une dure réalité sur laquelle les autorités locales ferment les yeux », peut-on lire dans son livre.