Oscar Njiki dans une tribune libre publiée sur Facebook, use de sa casquette de citoyen camerounais pour adresser un droit de réponse à Jean De Dieu Momo, ministre délégué auprès du ministre de la justice, garde des sceaux au sujet de sa récente sortie sur le peuple bamiléké et la « talibanie ».
Le Chercheur en philosophie politique suspect le fait que le président du PADDEC pour venir à bout des « talibans » est obligé d’associer le peuple Bamiléké. Il pense que l’homme politique fait dans la confusion. « Pour y parvenir en évitant les amalgames, je fais l’effort de distinguer la politique ethnique du parti à la politique ethnique de la tribu. Vous semblez quant à vous confondre le tribalisme du parti au tribalisme de la tribu. Raison pour laquelle je vous demande ce que vient chercher le peuple Bamiléké dans la politique ethnique de la » talibanie » », écrit Oscar Njiki.
Le jeune citoyen camerounais pense que les hommes de la trame du Mindel minjustice sont disqualifiés pour faire encore de la politique, parce qu’ils adossent leur savoir-faire politique sur le tribalisme. « Monsieur le Ministre, les gens de votre génération doivent arrêter de regarder ce Cameroun nouveau avec leurs yeux anciens. C’est à cause de vous, hommes politiques, que les gens de notre génération sont entrés dans votre danse: « le tribalisme ». Le plus jeune et le plus moderne de vous tous c’est Paul Biya. Combien de fois l’avez-vous entendu parler de tribu, de Bulu, de Bamiléké ? », ajoute-t-il.
Lebledparle.com vous propose l’intégralité de la tribune libre.
Droit de réponse au ministre Jean De Dieu Momo.
Monsieur le Ministre, dans l’une de vos récentes sorties, vous avez tenu à préciser que vous n’avez jamais demandé pardon au peuple Bamiléké. Vous n’avez pas aussi manqué de de dire qu’il s’agissait d’une stratégie mise sur pied par vous pour venir à bout de la « talibanie ».
Monsieur le Ministre, j’ai trouvé suspect que, pour venir à bout de la » talibanie » (l’expression est de vous », vous vous sentiez obligé d’associer le peuple Bamiléké à votre stratégie. La question qui a taraudé mon esprit était celle de savoir le rapport que vous établissiez entre la « talibanie » le peuple Bamiléké et la prise de pouvoir.
Vous avez dit combattre la talibanie, sauf que vous avez continué en indiquant que, dans leur quête du « pouvoir ethnique », les Bamiléké ont été de véritables » cailloux dans la chaussure » du Cameroun.
En clair, lorsque vous parliez de la « talibanie », vous faisiez plus précisément allusion au peuple Bamiléké.
Monsieur le Ministre, je suis d’accord avec vous sur le fait suivant : il sera impossible pour un parti politique de prendre le pouvoir en s’appuyant sur la tribu de son leader. Je voudrais même aller plus loin pour dire que le » pouvoir ethnique » n’est pas possible dans notre pays. La preuve, vous, Bamiléké, êtes au pouvoir avec le Président de la République qui n’est pas de votre tribu.
Monsieur le Ministre, le régime auquel vous appartenez a une compétence débordante lorsqu’il s’agit de régionaliser les partis politiques en fonction de la tribu de leurs leaders. C’est ainsi que l’UPC, le véritable parti National qui revendiquait l’unité du Cameroun avant les indépendances est, aujourd’hui, appelé « parti des Bassa » à cause de vos pratiques. Pendant les campagnes, ce qu’on raconte aux populations c’est que « les Bassa veulent prendre le pouvoir » lorsque le leader est Bassa et de l’UPC; on leur dit « les Bamiléké veulent prendre le pouvoir » lorsque le leader du parti est Bamiléké. Voilà comment vous réussissez à faire que les populations ne voient le pouvoir que sous le prisme tribal ou communautaire.
Monsieur le ministre, à quel moment de notre histoire une tribu s’est-elle présentée pour prendre le pouvoir? A quel moment de notre histoire les Bassa, les Bamiléké… ont-ils mandaté des gens pour parler en leurs noms?
Mieux que moi, vous connaissez certainement le structuraliste français Lévi-Strauss qui pense que, naturellement, l’humanité semble d’abord se limiter à soi, ensuite à la famille, après au village, jusqu’aux pays, aux continents, aux races, aux religions. Autrement dit, c’est d’abord de manière naturelle que l’individu se rattache à sa famille, à son village, à sa région. C’est naturellement que les gens appartenant à un même village, une même région sont proches de prime abord. C’est naturel que les premiers à adhérer à un parti soient du village ou de la région du leader surtout dans notre contexte où la Nation soit en construction. Ce n’est pas parce que les Bassa sont majoritaires dans l’UPC que c’est le parti des Bassa, il en est de même pour tous les autres.
Par ailleurs, cela ne saurait être assimilé à la quête ethnique du pouvoir car, comme nous l’avons dit plus, haut, cela n’est pas possible. Ce n’est non plus le tribalisme, mais c’est du repli identitaire (identité de tribu car l’identité nationale est en construction).
Monsieur le Ministre, je ne nie pas le fait que certains aient dit « c’est à notre tour de gouverner; c’est au tour d’un Bamiléké de gouverner », je ne nie pas aussi le fait que d’autres aient affirmé : « , aucun Bamiléké ne sera Président dans ce pays ».
Les individus, militants de partis politiques, qui tiennent ces genres de discours, font de la politique ethnique et, nous l’avons dit, cela ne saurait porter de fruits. Si c’est ce que vous combattez en ‘talibanie », c’est que nous menons le même combat, sauf que je combats la politique ethnique des partis politiques et non dans les tribus.
Pour y parvenir en évitant les amalgames, je fais l’effort de distinguer la politique ethnique du parti à la politique ethnique de la tribu. Vous semblez quant à vous confondre le tribalisme du parti au tribalisme de la tribu. Raison pour laquelle je vous demande ce que vient chercher le peuple Bamiléké dans la politique ethnique de la » talibanie ».
Monsieur le Ministre, je ne pense que tout part de ce que j’ai évoqué plus précédemment : le régime auquel vous appartenez a réussi à faire des partis politiques, les partis représentant les régions, les tribus. Et même, tribalisme d’un parti politique ne saurait engager la tribu qui, elle aussi, n’est que victime d’une politique qui ne lui apporte rien en dehors des dénigrements, insultes, diffamations etc. Cette politique ethnique est de nature à exclure les citoyens venant d’autres tribus et empêcher ainsi aux partis politiques d’avoir en envergure nationale d’une part et la naissance d’un peuple uni d’autre part. Les leaders de partis politiques qui font cette politique ethnique veulent simplement monter au Prince que les populations de leurs localités respectives sont avec eux et qu’ils peuvent lui être utiles (utiles au Prince). Les uns finissent par rejoindre le régime, les autres restent dans l’opposition pour accentuer le tribalisme, la haine. Le seul perdant c’est le peuple.
Notre problème, le problème de notre génération c’est qu’on vous laisse diriger ce pays avec votre vision dépassée du Cameroun. C’est vous qui nous envahissez avec le tribalisme, c’est vous qui nous rappelez tout le temps nos tribus, nos origines. Vous nous obligez à vivre aujourd’hui comme vous viviez hier. Notre génération n’a pas grandi dans les mêmes conditions que vôtres. Nous, aujourd’hui, naissons parfois très loin de « nos villages », n y mettons même parfois jamais pieds, nous fréquentons avec des amis qui viennent de toutes les régions, nos meilleurs amis ne sont même parfois jamais de notre région, nos voisins… Nous vivons dans des quartiers avec tous les camerounais, passons plus de temps avec les camerounais venant de tribus différentes qu’avec les gens de notre propre tribu. Nous ne pensons même pas à la tribu. Mais une fois que vous apparaissez, vous nous parlez de tribus, de village et voilà comment vous nous montez les uns contre les autres. Vous faites croire à gauche que les Bulu sont méchants, à droite que les Bamiléké sont dangereux, que les Bassa sont ci…Vous montez les tribus les unes contre les autres et pendant que toutes les tribus manquent d’eau, de toutes; pendant que toutes les tribus souffrent, chacun se met à combattre l’autre tribu pendant que vous vous lavez avec du champagne. Vous êtes Bamiléké et bénéficiez de ce régime pendant que plusieurs Bulu n’ont pas de l’eau potable. Le pouvoir n’est pas une affaire de tribu, le bonheur, les malheurs non plus. Nous, jeunes camerounais sommes plus proches les uns des autres par le chômage, les maladies que par la « proximité sociologique ».
Monsieur le Ministre, les gens de votre génération doivent arrêter de regarder ce Cameroun nouveau avec leurs yeux anciens. C’est à cause de vous, hommes politiques, que les gens de notre génération sont entrés dans votre danse: « le tribalisme ». Le plus jeune et le plus moderne de vous tous c’est Paul Biya. Combien de fois l’avez-vous entendu parler de tribu, de Bulu, de Bamiléké ?
Votre supposée guerre contre la » talibanie » tout comme le les supposés combats que certains partis dits d’opposition, disent mener, sont en réalité des guerres contre le peuple, dans la mesure où ces combats visent plus à les séparer qu’ils ne les unissent. Si votre combat contre la talibanie va devenir un combat contre les Bamiléké, c’est un pseudo-combat qui va simplement ajouter le malheur aux infinis malheurs des Camerounais.
Oscar Njiki (Citoyen)