De leur rencontre quand ils étaient jeunes à la perte de leur unique fils à l’âge de 11 ans, en passant par le parcours réussi de Paul Eric Kingue, Ndome a rendu un dernier hommage à la fois vibrant et éloquent à celui qu’elle présente comme son « tout premier amour ». Lebledparle.com vous propose l’intégralité du texte parvenu à notre rédaction ce 25 mars 2021.
Aujourd’hui je peux parler parce-que tu n’es plus, je peux m’exprimer parce-que je ne me sens plus muselée au risque d’empiéter sur tes combats. Oui pendant de longues années la douleur m’avait gardée muselée et devant toi je ne pouvais rien dire.
La vie ne nous a pas fait de cadeau alors que tout nous prédestinait à réussir ; un jeune couple parti de rien du tout mais qui avait une pléiade d’idées et de projets. Quand j’ai croisé ton chemin, tu avais exactement 23 ans et moi 18, le bel étudiant de Ngoa qui m’attendait en veste rouge devant le portail du lycée technique de Yaoundé attirait déjà l’attention et l’admiration de mes camarades parce qu’il osait porter une veste rouge et qu’elle lui allait à ravir.
Ta petite chambre d’étudiant à la mini cité Ndjeunji porte A12 était notre petit nid avec pour seul bien la télé noir et blanc de Dora (ta maman) que tu avais récupéré, deux plats et deux fourchettes, pour nous c’était largement suffisant.
Tu as toujours été entreprenant et tu as commencé tôt avec les grands projets parce-que tu voyais grand.
A l’Université de Yaoundé, étant étudiant tu rassemblais déjà tes camarades étudiants pour ton tout premier projet appelé FUAC (Festival Inter Universitaire pour les Arts et la Culture) qui malheureusement a été récupéré et a porté un nom nouveau sans que tu ne sois mentionné nulle part.
Tu as découvert l’Afrique du Sud alors inconnu du monde à l’époque et tu y as noué d’excellentes relations avec les autorités en fonction à cette époque, en occurrence le ministre du Home Affairs : Mangosuthu Gasha Buthelezi par le billet duquel tu pouvais facilement faire parvenir les dossiers des Camerounais assoiffés de découvrir ce pays.
Un seul study permit obtenu du gouvernement Sud-Africain te rapportait 500 000f CFA par étudiant admis et Dieu sait le nombre de jeunes bacheliers Camerounais qui s’y rendaient ainsi que les touristes. Un seul salon en cuir que tu ramenais d’Afrique du Sud était revendu ici et ton bénéfice était très alléchant ; nous étions devenus très prospères et ceux qui ne connaissaient pas tes revenus parlaient de faymania et pourtant…
Tu étais trop fier et intègre pour te voir dans de affaires sales. A tes 32 ans nous étions propriétaire d’un duplex à Yaoundé, à Odza au lieudit Koweït city sur 1500m2. Tu avais tout pour réussir dans les affaires mais tu voulais plus, tu voulais voir tout le monde à l’aise comme toi ; la rage de te voir réussir seul et pas les autres autour de toi te faisait perdre le sommeil et tu voulais commencer pour ton village d’accueil, Penja.
Ton rêve pour Penja était tellement grand que nous nous sommes vus délaissés Junior, Fabiola et moi. Tu ne pensais plus qu’à sortir ton village de la misère, tu pensais à tes mamans du village désœuvrés, aux jeunes sans avenir qui se retrouvaient dans les bananeraies ; tu as tout sacrifié pour les autres, ton foyer, ta famille et même ton bureau a l’immeuble Hadjal que tu visitais très très peu.
Tu as tout donné à ton pays jusqu’à perdre la vie qui d’ailleurs n’avait plus grand intérêt pour toi. Tu disais avoir tout perdu et tu ne craignais plus de perdre quoi que ce soit. Tu ne pouvais pas être le jeune frère de tes frères, ni le père de Junior et Abigael encore moins l’époux de ton épouse ; tu étais le Kingue du Cameroun, le célèbre PEK et rien ni personne ne pouvait ôter cela de ta tête.
Comme un château de carte nous avons perdu nos places à tes côtés et notre petit bébé a tiré sa révérence en ton absence. Aujourd’hui je pleure encore, je pleure notre histoire partie en lambeaux, je pleure notre petit bébé qui était l’ultime bien et un amour inscriptible, un petit être doué comme son papa. Désormais il ne sera plus seul, ta compagnie lui sera d’un grand réconfort, il va t’accueillir parce qu’il connait bien les lieux, il y est depuis le 8 Mars 2011, jour de son 11ème anniversaire, 10 ans déjà.
Je pleure le grand homme que tu as été pour ton pays et le model que tu as été pour la jeunesse ; un self man made, parti de rien, des parents agriculteurs dans une petite maison en planches que tu as transformés.
Je ne suis qu’un être humain faillible comme tant d’autres et je ne pouvais pas toujours te suivre. Tu as été mon premier amour, le tout premier homme à qui je me suis livrée et en perdant la naïveté, nos caractères se sont vus différents. Tu aimais être sous les projecteurs pour la bonne cause et moi dans l’ombre
Toute ma vie a été entachée par ta personne et aujourd’hui les souvenirs explosent comme une bombe. Va en paix Kimpo, tout en espérant qu’un jour notre cher et beau pays sera ouvert pour accueillir des politiciens de ton genre , ceux qui diront ouvertement les choses sans risquer leur vie, qui n’auront pas peur de s’attaquer aux baobabs , des combattants acharnés de ton espèce qui ne pensent pas à leur bien être personnel , à se faire plein les poches, à multiplier les biens au détriment du peuple mais au bien de tous au point de tout sacrifier .
Tu savais que ce jour arrivera et nous camerounais ne sommes pas vraiment surpris. Dis à notre bébé qu’ici-bas je vous porterai toujours dans mon cœur, les cicatrices indélébiles que vous avez marqué dans mon âme ne me quitterons à jamais. Repose en paix et que le Seigneur t’accueille dans sa demeure.