Un nouveau vaccin mis au point par un laboratoire américain présente une efficacité rare sur un petit échantillon de personnes.Six personnes ayant eu les plus fortes doses testées dans le cadre de cet essai ont été protégées à 100 % contre le parasite.
La mise au point d’un vaccin contre le paludisme est le rêve d’un tiers de la population mondiale exposée au quotidien, et l’objectif de nombreuses équipes de recherche depuis une trentaine d’années. Mais ce parasite, qui a tué 660 000 personnes en 2010 selon l’Organisation mondiale de la santé, a jusqu’à présent largement tenu les experts en échec. Dans ce contexte, le projet de vaccin d’une équipe américaine, qui présente ses résultats vendredi dans Science , apporte un nouvel espoir, bien que ces travaux en soient encore à un stade très préliminaire.
Le vaccin mis au point par le laboratoire privé Sanaria, basé dans le Maryland, aux États-Unis, a été testé sur une quarantaine de personnes. Les résultats témoignent d’une efficacité inédite contre le parasite. Six personnes, qui avaient reçu les plus fortes doses testées dans le cadre de ces essais (cinq injections), ont été protégées à 100 % contre le parasite. Ce taux retombait aux deux tiers lorsque les patients ne recevaient que quatre doses. À titre de comparaison, parmi les 12 personnes non vaccinées qui ont été exposées aux moustiques dans les mêmes conditions, onze ont contracté la maladie.
Malgré ces résultats encourageants, les experts rappellent que la route est encore longue avant de pouvoir proposer ce vaccin à grande échelle. D’une part, l’échantillon humain sur lequel le vaccin a été testé est insuffisant pour en déduire qu’il serait aussi efficace sur un plus grand nombre de personnes. D’autre part, les tests actuels ne permettent pas de dire combien de temps durerait la protection contre le parasite. Enfin et surtout, ce vaccin reste pour l’instant peu maniable à grande échelle. D’abord parce qu’il doit être conservé dans l’azote liquide. Ensuite parce qu’il doit être injecté directement dans la circulation sanguine, par voie intraveineuse, et non pas par voie cutanée traditionnelle, sous peine d’inefficacité. Cette contrainte introduit un nouveau risque, celui de contaminer le patient avec d’autres germes si les règles d’asepsie ne sont pas bien respectées. Sachant que la population menacée par le paludisme vit essentiellement dans des pays en développement, il paraît impossible de l’employer tel quel pour des campagnes de vaccination de masse.
Une technique innovante
La piste ouverte par Sanaria a donc été accueillie avec un enthousiasme tempéré par les experts à l’international. «Le taux de protection est impressionnant mais le nombre de sujets est relativement faible», a ainsi commenté le Dr Anthony Fauci, directeur de l’Institut national américain des allergies et maladies infectieuses.
Le vaccin de Sanaria repose sur l’introduction dans l’organisme d’une version vivante mais affaiblie du Plasmodium falciparum, le plus mortel des parasites transmettant le paludisme. Cette méthode implique de disposer d’une grande quantité de parasites affaiblis par irradiation. Pour l’instant, une quinzaine de techniciens les prélèvent manuellement dans les glandes salivaires de moustiques irradiés en laboratoire et les réunissent pour constituer des doses injectables – une pratique très contraignante. La société travaille donc à l’automatisation de ce processus avec l’école d’ingénierie de l’Université Harvard.
Les autres vaccins à l’étude dans le monde reposent sur une méthode différente, qui consiste à stopper le développement du parasite une fois qu’il se trouve dans le foie du malade, pour l’empêcher de rejoindre la circulation sanguine et de déclencher l’apparition des symptômes. Parmi les projets en cours, le plus avancé est le Mosquirix développé par l’ONG Path, le laboratoire GlaxoSmithKline et la fondation Gates. Les essais de phase III (dernière étape avant la demande d’autorisation de mise sur le marché) ont toutefois révélé une protection assez faible, en réduisant d’un tiers la propagation de la maladie chez les populations testées.
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