in

Université de Dschang : Éclairages sur l’épreuve de science politique qui suscite la polémique

joseph Keutcheu 1

Sur le forum WhatsApp officiel de l’institution, le Prof. Joseph Keutcheu, l’examinateur, a longuement expliqué le contenu et le but recherché par cette question posée aux étudiants de Master 1.


joseph Keutcheu 1
Pr Joseph Keutcheu le concepteur de l’épreuve à droite – Mtg LeBledparle

« L’électeur camerounais est-il un imbécile ? ». Tel est l’intitulé du sujet proposé aux étudiants de Master 1 en science politique de l’Université de Dschang, convoqués en session de rattrapage du premier semestre de l’année 2018-2019 dans la matière « Analyse des comportements politiques ». Dès la fin de l’épreuve le 21 février 2019, un étudiant a fait une capture et l’a diffusée sous forme d’image sur les réseaux sociaux. Très vite, la photo est devenue virale à la fois sur les foras facebook et whatsApp, chacun y allant de son commentaire. Certains ont tôt fait d’étiqueter l’enseignant derrière cet examen en le rangeant d’opposant. D’autres ont poussé plus loin en le traitant « d’irresponsable ».

Le 24 février 2019, sur le forum officiel WhatsApp officiel de l’Université de Dschang, la question a fait l’objet d’un large débat. L’auteur de l’épreuve, le Prof. Joseph Keutcheu, a pris le soin d’étaler tous les fondements académiques de la question ainsi posée à ses étudiants. « L’examen intervient quelques jours après la discussion avec les étudiants sur le merveilleux texte de O. Key analysant  » l’électeur imbécile ». Enfermé dans ma bulle universitaire, n’imaginant même pas que quelques esprits politiques s’empareraient de cette question proposée intra muros, j’entendais faire simplement un contrôle des connaissances. Je peux vous dire que ces interprétations malveillantes sont parties de ce campus », a-t-il expliqué d’emblée.

C’est donc l’adjectif « imbécile » qui semble avoir surpris. À ce propos, le Prof. Joseph Keutcheu indique qu’ « en science politique, le paradigme de « l’électeur imbécile » est opératoire. Il est dommage que ces mésinterprétations partent de l’intérieur de l’université où nuire devient progressivement le sport favori de certains ». Car, au fond, il dit avoir « proposé le sujet en pastichant O. Key, politiste américain qui dans son ouvrage, « The responsible electorate », parlait de « l’électeur imbécile » pour faire allusion aux électeurs qui votent avec le cœur en fonction de leurs appartenances. »

Au fond, le sujet nécessitait de la part des étudiants ayant bien connaissance du concept de « l’électeur imbécile », une posture particulière. « Le sujet est donc de type dialectique. Le candidat se devait de montrer dans une première partie que l’appartenance ethnique est une variable lourde des comportements électoraux au Cameroun. Dans une deuxième partie, il se devait d’indiquer qu’il ne s’agit cependant pas de la seule variable. Il devait donc analyser le vote utile, c’est à dire le vote de l’électeur calculateur ou consommateur qui cherche à maximiser ses gains et à minimiser le coût de son vote. Cet électeur opte pour le candidat qui en fonction de son offre politique semble présenter le meilleur risque. Le sujet visait donc à amener les étudiants à discuter sur la question de savoir si le vote au Cameroun n’est guidé que par les appartenances ethniques », a expliqué le Prof. Joseph Keutcheu. Précisons que ces explications, il les a répétées dans une lettre de compte rendu adressée au Recteur de l’Université de Dschang, le 25 février 2019. Le corrigé de l’épreuve a accompagné cette missive.

Pour approfondir :   Cameroun : La revue de presse de ce mardi 28 janvier 2020

Pour sa part, le Prof. J J Rousseau Tandia, linguiste et spécialiste d’analyse du discours, prend tout le parti de son collègue. « J’incline aussi à penser que le terme sur lequel trébuche tout le monde à propos de ce sujet c’est « imbécile « . C’est le qualificatif « imbécile  » qui est sélectionné et mis en débat au finish. Le sens du sujet est de fait orienté, et ce en fonction des positionnements dans le champ. Le prof. Keutcheu, dans le cadre de ses enseignements, a suffisamment pris la peine de domestiquer cette errance sémantique. Le problème est donc où ? Il a commis l’épreuve en étant conscient des attentes en terme de réponses, notamment au regard des contenus dispensés. Le sujet en débat questionne l’orientation éthique du choix électoral par le citoyen camerounais. L’enseignant d’université n’a-t-il pas le droit d’adresser ce type de préoccupation dans une épreuve ? Qui plus est de Master 1? », s’interroge ce spécialiste d’analyse du discours politique.»

La polémique de 2014 à l’UDS

L’on se souvient qu’en juillet 2014, à la faveur des examens du second semestre, un sujet administré à l’Université de Dschang avait suscité une vive polémique, au point de meubler les colonnes des médias internationaux, à l’instar de France 24. Il s’agissait de la matière « Rhétorique et Stylistique française » pour les étudiants de Licence 2 du département des Langues étrangères appliquées. Le Prof. J J Rousseau Tandia, l’examinateur, avait copié un de ces sms-pastiche sans auteur précis que les Camerounais s’envoyaient alors au moment de la coupe du monde de football « Brésil 2014 », laquelle se déroulait en même temps que des exactions de la secte Boko Haram avaient lieu dans la Région de l’Extrême-Nord. L’énoncé était le suivant : « Si toi aussi tu veux que l’avion des Lions indomptables atterrisse à l’Extrême-Nord pour que Boko Haram s’occupe d’eux, envoie “CORRECTION” au 8219 ». Deux questions accompagnaient cet énoncé : « 1- À partir de l’énoncé ci-dessus, définissez et illustrez les expressions suivantes : usage-mention-connotation autonymique ; 2- Peut-on parler, en observant l’énoncé ci-dessus, de l’existence d’un contexte stylistique ?»

Pour approfondir :   Yaoundé : Jean De Dieu Momo tente de dissuader les conducteurs de moto en grève

L’affaire avait fait grand bruit. Le Recteur de l’UDS de l’époque, le Prof. Anaclet FOMETHE, avait annulé l’épreuve et sommé le Prof. JJ Rousseau Tandia de s’expliquer. « Lorsqu’il avait expliqué l’enjeu didactique de sa démarche, en fournissant d’ailleurs le corrigé de son épreuve, il avait dissipé, pour l’essentiel, les doutes sur sa sincérité », affirme le Dr Alexandre Djimeli, à l’époque chef de service de l’information et des conférences au sein de cette université. « Donc, on a de temps en temps affaire à ce genre de situation. Le plus important pour l’examinateur c’est de ne point laisser fleurir les interprétations malveillantes », insiste le Dr Alexandre Djimeli, spécialiste de communication politique et actuel chef du secrétariat particulier du Recteur. Au finish, ce qu’il faut retenir est qu’il est difficile de sortir un énoncé de son contexte. Les étudiants de Master 1 en science politique de l’Université de Dschang ont disserté sur un concept dont ils ont pleinement connaissance. C’était donc un examen académique comme un autre.

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

pape francois paul biya

Cameroun : Le Vatican veut aider le Cameroun à résoudre la crise anglophone

univers

Le parti Univers de Prosper Nkou Mvondo dénonce la trahison en politique