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Vincent Ntuda Ebodé, à propos de l’Ambazonie : « Lorsqu’on a coupé la tête, la queue peut bouger mais va bouger en désordre»

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Le directeur du Centre de recherches d’études politiques et stratégiques (CREPS) de l’université de Yaoundé II-Soa revient sur l’arrestation du président autoproclamé de l’Etat imaginaire de l’Ambazonie, Ayuk Tabe.


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Vincent Ntuda Ebode – DR

Alors que le mouvement sécessionniste semble avoir pris un réel coup avec cette arrestation c’est la crise anglophone qui elle aussi prend une nouvelle tournure cette semaine avec l’annonce de l’extradition des leaders sécessionnistes.

Chez nos confrères de Cameroon Tribune ce 31 janvier, Vincent Ntuda Ebode analyse la situation

Quelles leçons tirer de la mise à la disposition de la justice camerounaise du groupe des leaders sécessionnistes

Il y a beaucoup de leçons à tirer. Tout dépendant de comment on se place. En tant que Camerounais, la première leçon est en rapport à la nature de la coopération entre le Cameroun et le Nigeria, en sachant que l’originalité de cette coopération va au-delà du seul Nigeria. Puisque comme vous le savez, le Cameroun est en partenariat avec le Nigeria sur le front contre Boko Haram, le Cameroun est aussi sur le même front avec le Tchad. Le Cameroun vient d’intervenir énergiquement pour stabiliser la Guinée équatoriale. Il a également envoyé des troupes en République centrafricaine pour stabiliser ce pays. La deuxième leçon consiste à comprendre que l’acceptation par le Nigeria de ce retour, au-delà des questions de pur simple forme juridique sur lesquelles les débats ont porté, montre l’intérêt d’avoir un aspect supplémentaire dans les relations entre pays qui est tout simplement porté ou basé sur le climat politique qui engendre la nature des négociations diplomatiques. Ce n’est pas parce qu’un texte formel n’existe pas entre deux Etats que ces deux Etats n’inter- agissent pas. Une autre leçon est que les Camerounais comprennent que leur pays est un Etat qui fonctionne et qu’au-delà des divergences de vues que nous pouvons avoir, tout Camerounais ou tout groupe de Camerounais de quelque région que ce soit, qui va penser qu’il est au-dessus de l’Etat, comprendra que celui-ci dispose de moyens parce que c’est lui qui est souverain et qui est implanté partout. Sur toute l’étendue du territoire, l’Etat a les moyens de le ramener de gré ou de force à la raison. La dernière leçon à retenir est que force est revenue à la loi. Nous sommes dans un Etat de droit. Ils ont commis des crimes et ont été interpellés. Maintenant, il est question qu’ils rendent compte à la justice. Le travail devient donc en raison de la nature des crimes, un travail de la justice militaire.

Doit-on comprendre en cette coopération que les Africains ne veulent plus que leurs pays servent de base arrière aux groupes terroristes?

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Bien évidemment. Il y a une tendance lourde où tout Etat africain aujourd’hui comprend que la stabilité du voisin sert sa propre stabilité. Le Cameroun qui est entouré d’Etats de tous les côtés est mieux placé pour le comprendre. Parce qu’aujourd’hui, on gère des situations dont au moins 75% émanent des contextes politiques de nos voisins. On voit donc que la frontière n’est pas une barrière, mais plutôt une ligne d’interface. Ce qui se passe chez ton voisin peut avoir des implications chez toi. La politique étrangère, la politique réaliste, l’intelligence des situations impliquent qu’une bonne partie de ta sécurité est maintenue lorsque tu aides ton voisin à maintenir sa propre sécurité. Parce que tant qu’il maîtrise la sécurité chez lui, il peut te dire par un coup de téléphone que les bandits ont pris la route pour venir chez toi. Tu vas donc agir en préemption. Tu vas anticiper. Mais s’il s’est écroulé, les bandits vont donc s’entrainer chez lui et de temps à autre vont y faire des incursions. La situation entre le Cameroun et le Nigeria, dans ce cas, envoie un message clair. Le Nigeria a été soutenu par le Cameroun pour son unité lors de la guerre du Biafra, le Cameroun sera aussi soutenu pour son unité dans la crise contre les sécessionnistes. Raison pour laquelle je voudrais dire que c’est une leçon qui va au-delà et qui envoie un message à tout Nigérian, à tout Camerounais, à tout Tchadien, à tout Gabonais, à tout Centrafricain, à tout Congolais et à tout Equatoguinéen, que ce n’est pas au Cameroun qu’ils viendront faire des bases arrières pour aller déstabiliser un autre pays. De la même manière que cela envoie un message aux différentes nationalités que je viens de citer. Il y a bien des moyens non violents pour faire la politique.

Quel peut être l’impact de ces arrestations sur la capacité réelle de ce mouvement sécessionniste?

A priori on peut penser que lorsqu’on a coupé la tête, la queue peut bouger mais va bouger en désordre. Cela signifie qu’avec l’arrestation de celui qui s’est autoproclamé président sans avoir été élu pour soumettre ses frères à une terreur inqualifiable et avec ceux qui se sont constitués comme les membres de son gouvernement, le mouvement n’a plus de coordination réelle. Mais, il reste des cellules dormantes, c’est-à-dire ceux qui étaient déjà pré-positionnés en tel ou en tel lieu et des fois qui avaient du matériel pour semer le désordre. Ceux-là, soit en fuyant ou pour montrer que quelque chose existe encore, peuvent toujours perpétrer des actes terroristes ici ou là, aujourd’hui ou demain. Mais, la coordination n’existant plus, les moyens majeurs ne peuvent donc plus suivre. Cela signifie qu’on peut s’attendre à vivre une situation d’accalmie. L’accalmie ne signifie pas qu’il n’y a plus de tempête. Elle signifie que toute tempête est maîtrisable.

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Après ce bel exemple que le Cameroun et le Nigeria viennent de donner au reste du monde, quelles perspectives en Afrique en matière de lutte contre le terrorisme?

Ce qu’on vit depuis la date officielle d’arrivée des sécessionnistes n’est en réalité qu’une continuation de quelque chose qui a commencé bien avant. Vous savez bien qu’il y a eu des malentendus majeurs entre le Cameroun et le Nigeria sous le mandat du président Goodluck Jonathan. Dès l’arrivée du président Muhammadu Buhari au pouvoir, la situation a changé. Les deux Etats ont privilégié les domaines sur lesquels ils pouvaient s’entendre, à savoir leur sécurité intérieure et leur sécurité internationale. Le message que cela amène à comprendre par rapport à la lutte contre le terrorisme est que, chaque fois que les Etats africains vont s’entendre pour régler eux-mêmes d’abord leurs problèmes avant d’aller chercher les secours à l’extérieur, il y aura toujours quelque chose de gagné. Je crois que le résultat qu’on vit aujourd’hui est une illustration de la nature des relations et du climat politique. Lorsque le climat politique est bon, le partage d’informations est crédible, le déploiement des forces est régulier, la mise en place des moyens de projection ou de financement des intelligences est facilement acceptable. On peut penser que la multiplication de ces types de coopération et de collaboration sur la base de ce qu’on appelle en relations internationales un égoïsme intelligent des Etats signifie que chacun défend ses intérêts, mais là où il sent qu’il ne peut pas garantir ses intérêts seul, il appelle à la coopération. C’est ce qui se passe dans la lutte contre le terrorisme. Le terrorisme étant donc une lutte globale, on peut donc sinon ne peut le finir, l’atténuer durablement dans le temps et le circonscrire exactement dans l’espace.


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