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Wilfried Claude Ekanga raconte son agression à Yaoundé : « Je vais mourir »

Wilfried Claude Ekanga
Wilfried Claude Ekanga

Devenu un personnage médiatique à part entière durant la période électorale au Cameroun, Wilfried Claude Ekanga intervient régulièrement sur les réseaux sociaux partageant avec son public ses reflexions et son quotidien. Le 24 Novembre dernier, c’est sur une agression qu’il aurait subie à Yaoundé que l’orateur s’est penché a appris Lebledparle.com qui vous dévoile ses propos.

Wilfried Claude Ekanga
Wilfried Claude Ekanga sur Facebook (c) Facebook, Wilfried Claude

« Il y a dix ans, du sang gicla  –  LE JOUR OÙ JE ME SUIS FAIT AGRESSER
Le 24 novembre 2008 restera à tout jamais gravé dans ma tête. J’avais 17 ans, et comme tous les adolescents de 17 ans, j’aimais le RNB américain et les mangas japonais. Et comme tous les adolescents de 17 ans, j’étais amoureux fou d’une fille dans ma classe et j’avais peur de le lui dire. Et comme pour tous les enfants de 17 ans, les parents étaient le pire fléau envoyé par Dieu sur la terre pour nous pourrir la vie.
J’étais aussi fasciné par les Blancs, notamment les Allemands, et j’avais entrepris d’apprendre leur langue, dans l’optique peut-être un jour, de visiter le pays d’Angela Merkel. Je me suis donc fait inscrire au Goethe Institut de Yaoundé, dont les cours débuteraient dans les deux semaines.
Seulement voilà, l’homme propose, les hommes indisposent
CE QUI S’EST PASSÉ CE SOIR LÀ
Le lundi 24 novembre après les cours, mon ami et frère Georges Ebang trainait encore chez moi, et on se demandait comment tuer le temps et l’ennui jusqu’au retour de Jesus ou Mohammed. C’est alors que je décidai de le raccompagner à son taxi. Il était environ 18 heures.
Sauf qu’en Afrique, accompagner quelqu’un « en route » signifie souvent l’accompagner jusqu’à chez lui. Parfois, il vous raccompagne ensuite jusqu’à chez vous, et ainsi de suite. Si bien que vous pouvez couvrir 4 aller-retours en une journée. Il faut dire qu’en Afrique les discussions entre camarades de classe sont vraiment sucrées.
C’est au cours d’un de ces zig-zag fous que je pris avec moi, mon DVD portatif flambant neuf venu d’Europe, histoire de crâner un peu, comme tous les garnements de 17 ans. Une décision qui allait s’avérer lourde de conséquences. Et j’allais bientôt l’apprendre à mes dépens.
Il était environ 19 heures quand nous nous approchâmes du lieu dit « Pont de la Gare », grande passerelle ultra-sensible qui jouxte la gare voyageurs à laquelle elle doit son nom. Il marque plus ou moins l’extrémité nord-est du centre-ville. La particularité de la capitale camerounaise est qu’à ces heures-là, le centre-ville se vide de sa substance humaine. Ne restent alors que les vampires de la nuit, faisant planer le danger sur ceux qui s’y aventurent imprudemment.
Et ce soir-là, nous étions de ceux-là
En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, nous nous retrouvâmes encerclés par un gang de trois – ou quatre – individus, qui tentèrent de m’arracher des mains, mon bien-aimé appareil. Par reflexe – ou plutôt par bêtise -, mes bras opposèrent de la résistance. Je ne saurais dire quand le coup fut porté, mais je me souviens que nous nous sommes soudain mis à courir pour fuir. Je n’avais plus de DVD entre les mains, les roublards ne nous poursuivaient plus, mais …
Mais du sang giclait
C’est comme un rat qui vient de se faire mordre par un mamba noir. Il ignore encore qu’il vit ses derniers instants et tente de s’échapper, avant de sentir peu à peu ses forces l’abandonner et de s’effondrer sur lui-même. A mesure que je courais, je voyais du sang gicler sur ma droite, sans pouvoir m’expliquer d’où il provenait. Je n’oublierai jamais ces grosses gouttes rouges qui tournoyaient comme une pluie écarlate au-dessus de ma tête.
Cette lugubre fontaine d’hémoglobine projetée vers le haut, dans la froideur de la nuit, et qui décrivait une trajectoire courbe, pour retomber sous l’effet de la gravité : mon sang, mon propre sang.
C’est en m’écroulant comme un château de cartes que j’ai compris que je venais de me faire poignarder. J’avais reçu un coup de couteau dans le dos, au coin inférieur droit. Un coup si violent que je n’avais rien senti, mais si violent qu’il m’avait bel et bien perforé les entrailles.
« JE VAIS MOURIR »
Ce bon vieux Georges essaya de me relever, mais j’étais devenu beaucoup trop lourd, et il était beaucoup trop traumatisé par la terreur de l’instant, pour générer une force quelconque. Ayant perdu énormément de sang et sentant l’étincelle de vie s’éteindre en moi, je dus me résoudre à lui dire ce que nul n’aime à entendre d’un être qui lui est cher :
« Je vais mourir »Et lui de frissonner : « Non non mon frère on ne dit pas les choses comme ça »
Je tremblais de froid dans mes vêtements complètement imbibés de rouge, pendant que mon corps blanchissait à vue d’œil, comme si j’avais encore besoin de décapage.
« Je vais mourir. C’est fini »
Je ne dois mon salut qu’aux braves personnes accourues sur les lieux, et surtout, à la proximité par un heureux hasard, de l’hôpital dit de la Caisse. Je ne reprendrai connaissance que le mercredi 26 novembre après une première opération. Mais la blessure s’étant avérée bien plus profonde qu’elle en avait l’air, il fallut une seconde intervention chirurgicale beaucoup plus compliquée, deux jours plus tard à l’hôpital général, pour me sauver la vie.
Après 21 jours d’hospitalisation et trois mois de convalescence, il me faudra environ cinq ans pour une guérison complète. J’en garde une entaille de 60 centimètres en plus de la trace du poignard, et celle d’un drain que l’on m’avait introduit à travers les côtes pour extraire le sang qui s’infiltrait dans les poumons. Mon corps est une leçon de scarification à lui tout seul. Les femmes qui m’ont vu nu peuvent en témoigner.
LES LEÇONS :
Je n’ai pu commencer les cours d’allemand qu’en février 2009. À quelque chose malheur est bon, cela m’a permis de faire la connaissance de quelques gens bizarres qui me sont devenus chers, à l’instar de John Kapoco et Afoumba Dolly .Aussi étrange que cela puisse paraître, on a presqu’envie de remercier le malheur d’être survenu.
Lorsqu’on a embrassé la mort de la sorte, mais qu’on a repoussé le rendez-vous parce qu’elle n’a pas réussi à nous séduire, on se dit que la meilleure des choses qui ait pu m’arriver fut de quitter ce Cameroun pourri et dangereux, pour le paradis allemand. Sauf que moi, je ne suis pas un individu normal.
C’est précisément à cause de cela que m’est venue l’envie de me rendre utile pour cette Afrique là. Car ne vous y trompez pas. Les malfrats de la nuit ne sont pas plus cruels que vous et moi. Ils ne sont que la conséquence d’une politique désastreuse de nos gouvernements dont la seule obsession est – et a toujours été – la conservation du pouvoir. En l’absence d’un tissu économique véritable, certains ne voient la seule issue de survie que dans la criminalité urbaine.
L’Afrique est riche, mais hors-sujet
Alors on se retrouve face à 2 choix : maudire ce continent et fuir à tout jamais chez les autres en sachant que la même chose pourrait arriver à nos proches derrière nous, ou bien faire tout son possible pour améliorer la situation politique et économique de nos pays. Tant il est vrai que moins de misère équivaut à moins d’insécurité.
Voilà pourquoi je m’implique autant depuis plusieurs années et contre vents et marées au redressement de la jeunesse africaine. Voilà pourquoi bravant les pires obstacles, je me suis lancé comme un fou dans la campagne électorale au Cameroun. Nous ne ferons jamais disparaître la criminalité, mais en développant l’Afrique, en changeant de système de gouvernance, nous aurons fortement limité les dégâts.
Car je ne souhaite à personne ce qui m’est arrivé… »

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