Dans un texte publié ce jour, Wilfried Ekanga pointe le doigt accusateur sur la mauvaise de la route Douala-Yaoundé. Et il réclame la finition de l’autoroute encore en chantier au Cameroun, en guise d’hommage. « Le meilleur moyen que j’ai de te rendre hommage, c’est de continuer à réclamer des autoroutes à ces Malfrats, afin que la jeunesse puisse rêver d’atteindre les 89 ans, comme ces mauvais esprits qui la massacrent aujourd’hui », écrit le militant du MRC.
Lebledparle.com vous propose le texte intégral
Ceux qui ont tué Cabrel Nanjip
Nous avons besoin d’autoroutes !!!!!
Il est bon de pleurer les conséquences.
Mais il est encore meilleur de pleurer les causes.
Car lorsqu’on a réglé la cause, on empêche la conséquence d’arriver. Ou tout au moins, on diminue fortement la probabilité qu’elle arrive.
Le problème quand on pleure seulement la conséquence, c’est que cela ne change rien ; on pleure deux jours, puis on essuie ses larmes, et on attend le prochain drame. Et ainsi de suite, dans un recommencement éternel.
Cette fois aussi, c’est ce que vous avez prévu, n’est-ce pas ?
Depuis des décennies, le Cameroun pleure les conséquences. Et il revit sans cesse la même tragédie, au même endroit, à la même fréquence, et avec les mêmes victimes.
Parce que vous connaissez ceux qui nous tuent, et vous ne voulez jamais parler d’eux.
Alors ça continue de mourir, encore et encore.
Aujourd’hui, en 2023, l’axe Douala-Yaoundé est, parmi tous les axes reliant deux capitales, l’axe le plus meurtrier au monde. Parce qu’il n’a pas d’autoroutes.
C’est la première fois qu’on voit deux villes de plus de 3 millions d’habitants chacune, qui sont reliées par une corde de terre, de surcroît mal bitumée.
Saviez-vous que Douala est plus peuplée que Berlin en Allemagne ? Que Yaoundé a plus d’habitants que Paris en France ?
Maintenant, regardez le ridicule ruban qui relie nos deux métropoles, et pleurons enfin les causes ensemble.
Car pendant que vous pleurez Cabrel Nanjip aujourd’hui, nous, nous pleurons Cabrel Nanjip depuis de nombreuses années, et tous les Cabrel Nanjip qui l’ont précédé sur ce cimetière routier.
Quand nous réclamons sans cesse des autoroutes, quand nous fustigeons ceux qui doivent les construire – et qui ne le font pas -, c’est parce que nous sommes remplis de colère, à l’idée qu’à cause de leur gourmandise et de leur méchanceté, des innocents comme vous et nous allons mourir sur la fameuse corde de terre.
Et c’est ce qui arrive tous les ans, tous les mois, toutes les semaines, sinon tous les jours.
Depuis 2013 qu’ils ont commencé les travaux sur ce tronçon d’à peine 200 km, ils n’en ont toujours pas achevé le tiers. En 10 ans, ils n’ont réalisé que… 60 km !! Et ils ont quand même dépensé 450 milliards de francs pour cela !!!
C’est du jamais vu ! Le Diable lui-même s’est levé pour applaudir !
Il reste donc encore 140 km à réaliser pour connecter les deux villes. Faites vous-mêmes le calcul. Ils auront fini dans environ 30 ans, et pour un coup de près de 2 000 milliards ! Et entre-temps, la moitié d’entre nous aura déjà perdu la vie sur ce même axe. Nous ne verrons jamais la fin des travaux !
L’avantage d’une autoroute, c’est que même si vous percutez une voiture, cela se fait par l’arrière, dans le sens de la marche. Il n’y a donc pas de collision frontale, et la force d’impact (et avec elle le risque de mourir) est infiniment plus faible.
De plus, puisque toutes les voitures vont dans la même direction, vous ne vous retrouvez jamais en situation de devoir entrer » en brousse » pour éviter un engin qui déboule en sens inverse. C’est tout le but de ce type de construction. C’est pour ça que tous les pays sérieux ( y compris la « belle-famille » à laquelle vous vous mesurez sans cesse ) en possèdent en 2023 !
En attendant, Yaoundé-Douala est un véritable chemin du Calvaire ; un Golgotha des temps modernes.
Quand j’étais au Cameroun, chaque fois que j’empruntais cet axe c’était une véritable séance de loterie. Je savais toujours qu’il y avait 50% de chance que je n’atteigne pas ma destination. Si tu arrives à Douala ou à Yaoundé vivant, sache que c’est par le plus grand des hasard, et rien d’autre !
Ceux qui ont tué Cabrel Nanjip sont assis dans des bureaux en ce moment même, et vous les appelez » Excellence « !
Ce n’est ni le vaudou, ni le Falma, c’est la méchanceté d’un Cartel de démons qui se fichent royalement de l’avenir de la jeunesse.
Ce n’était pas ton jour, ce n’est pas Dieu qui a décidé. Dieu ne tue pas les jeunes dans des accidents de circulation. C’est à cause de ces bandits sans la moindre compassion humaine que tu n’es plus de ce monde. Ni plus ni moins.
Oui il y a aussi des accidents en Allemagne, et au Canada. Mais comparez le nombre de voitures qui circulent par jour sur une autoroute à Francfort ou à Montréal, et comparez la fréquence des accidents en termes de proportion.
En 2022, Paris et toute son agglomération n’ont connu que 100 morts dans des accidents, alors qu’il s’agit là d’une des villes les plus visitées au monde. Au Cameroun, 100, c’est le nombre de morts enregistrés tous les deux ou trois mois (et parfois en une seule semaine), rien que sur la célèbre corde de terre nationale. Avec un flux de véhicules pourtant mille fois inférieur.
Quelle misère !
Mon pauvre Cabrel, comme ça doit être dur pour ta famille en ce moment, pour tes amis, pour ceux qui croyaient en tes rêves, et pour toi-même qui te voyais déjà continuer d’écrire ton chemin dans une tournée aux Amériques. Sache que c’est aussi dur pour nous qui ne te connaissions pas ; de savoir que l’incurie d’une horde de Malfrats en costume t’a privé à jamais de vie. Ce sont les vieux qui doivent mourir, pas les jeunes, mais dans mon pays, les octogénaires enterrent les trentenaires. Parce que c’est un pays où tout fonctionne à l’envers.
Le meilleur moyen que j’ai de te rendre hommage, c’est de continuer à réclamer des autoroutes à ces Malfrats, afin que la jeunesse puisse rêver d’atteindre les 89 ans, comme ces mauvais esprits qui la massacrent aujourd’hui.
Que la Terre de Martinez Zogo te soit légère.
Ta disparition surprend, perturbe et trouble tout le monde, même ceux qui ne t’étaient pas proches.
Paix à ton âme, et rendez-vous dans l’Éternité.
Ekanga Ekanga Claude Wilfried
(Les causes, les causes… et les causes)