La tenue des élections couplées de février 2020 continue de diviser l’opinion publique et politique nationale. D’aucuns pensent qu’il faut aller aux élections, d’autres n’iront pas et certains tergiversent encore.
L’Analyste politique Wilfried Ekanga souhaite que le parti historique de l’opposition n’y aille pas, pour bloquer les manœuvres de régime gouvernants. « Ce régime n’organisera jamais des élections supposées crédibles où le MRC et le SDF sont absents », a fait savoir le militant du MRC dans une tribune libre publiée le 5 décembre 2019.
Lebledparle.com vous propose l’intégralité de la tribune.
Le cas Osih
LA PREMIÈRE IDÉE
Notre corps est rythmé par l’instinct de survie, un pouvoir étrange et tout à fait génial par lequel il nous propose les bons choix avant même qu’on ait eu le temps d’y réfléchir. C’est comme vos paupières qui se ferment automatiquement quand une mouche s’approche alors que vous ne l’avez même pas vue venir, ou comme un bébé qui s’agrippe à vous quand vous le balancez trop fort, par peur de tomber.
La politique ne fait pas exception à cette règle. La plupart du temps, l’option à laquelle nous pensons de manière spontanée est très souvent l’option qu’il faut. Car la nature fait l’effort de nous orienter vers la logique. Mais quand on se met à trop hésiter et à faire un grand nombre de combinaisons, le génial pouvoir s’estompe et on augmente la probabilité de se tromper.
Lorsque fut convoqué le corps électoral il y a trois mois, le SDF a annoncé spontanément qu’il ne se joindrait pas à ce concert de mythomanes. Et c’était sans détour la bonne décision. J’ai d’ailleurs eu le même réflexe, et je l’ai écrit et je l’ai dit. À ce moment-là, j’étais donc plus proche de ce SDF que du MRC – du moins, de sa communication officielle -. Car j’ai voulu rester fidèle à ce qui à mes yeux était – et est – la solution qui profiterait au plus grand nombre, plutôt qu’à quelques-uns.
Alors je le maintiens à ce jour : il fallait rester sur cette lancée. Ceux qui l’ont proposée ne se trompaient pas.
Ceux qui pensent qu’un parti a besoin d’élus pour exister et rester au-devant de l’actualité ont une conception archaïque de la politique, une pratique des temps anciens et totalement dépourvue de sens. Tant que des problèmes existent dans une république, un parti aura toujours des choses à faire, avec ou sans députés. Car la politique n’est pas dépendante d’un poste, mais d’un volume d’action concrètes dans tous les domaines (sociaux, culturels, économiques, historiques, pédagogiques etc … ) où l’on est utile à ses semblables.
A ce jour, le SDF est après le RDPC, le parti ayant le plus grand nombre de sièges à l’assemblée (18) Or au cours de l’année 2019, l’agenda, l’actualité et le storyboard politiques ont été dictés par un autre acteur ( série en cours ). On en vient à se demander comment des Camerounais font malgré tout pour dire (et croire eux-mêmes) que celui qui n’ira pas au scrutin de février est « mort politiquement ». C’est incompréhensible.
C’est pourtant le contraire qui se déroule actuellement sous nos yeux !
Par ailleurs, ceux qui se donnent la peine de comprendre verront que personne n’appelle au « boycott » des élections à venir. Pas du tout ! Moi comme les autres ne souhaitons pas qu’il y ait un scrutin où certains partis seront absents. Mais en même temps, vous comme moi ne souhaitez certainement pas des élections dans un pays en guerre … or justement, nous sommes en guerre.
Si vous viviez à Bamenda, à Buea, à Muyuka, au Lebialem ou à Batibo, vous verrez les choses plus clairement. La calme illusoire qui règne à Douala et à Yaoundé jette le flou sur la réalité des choses et vous fait croire que tout va bien en Crevettonie. C’est pourquoi le retour à la paix est une priorité, car vous-mêmes ne pourriez jamais aller voter dans les zones suscitées. Saches donc qu’au moment où tu penseras à l’urne, une fillette de 4 mois prendra 5 balles dans la tête à Muyuka.
Et c’est parce que le SDF, implanté dans ces zones, est bien conscient de ces faits que sa première idée fut de refuser l’hérésie. L’on ne sait pas quelle alchimie il s’est ravisé ensuite.
La nécessité d’aller aux présidentielles de 2018 n’est plus la même aujourd’hui. L’année dernière, il était question de démontrer par les faits, le caractère fraudeur et carnassier du RDPC en le poussant à commettre des fautes grossières (et il en a commis des tonnes et des quintaux !) De plus, cette année encore, le régime a brillé par une répression sanglante des libertés publiques, ainsi qu’une attitude perverse des sous-préfets lors du dépôt des dossiers. Quant à la demande de réforme du code électoral est restée lettre morte.
Pourquoi ? Parce que la pression n’est pas assez forte … Pourquoi ? Parce que les partis principaux n’ont pas encore tous dit NON. Pourquoi ? Parce que l’amour-propre est encore plus grand que l’intérêt populaire. Or si cela venait à se produire les élections seraient reportées vaille que vaille. Et nous pourrons enfin commencer à travailler au vrai Grand Dialogue National pour panser nos blessures sans hypocrisie ni exclusion comme ce fut le cas en septembre.
Notre pays nous pardonnera-t-il d’avoir eu la solution entre les mains et d’avoir refusé de s’en saisir à cause de nos égocentrismes personnels ? Ouvrez-les yeux : malgré sa mauvaise foi intersidérale, ce régime n’organisera jamais des élections supposées crédibles où le MRC et le SDF sont absents. C’est impossible ! Alors que faisons-nous quand l’Histoire nous regarde ?
La cécité n’est pas un problème, mais la cécité volontaire pose problème.
EKANGA EKANGA CLAUDE WILFRIED
(A présent, marque encore un temps d’arrêt et imagine la réponse du passager du vol Camair-Co qui a essuyé des tirs ce dimanche à l’atterrissage, quand tu lui parles des législatives et municipales)
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