Présenté comme le «nouveau Magic System», le trio camerounais a triomphé à l’Olympia.
Sur le trottoir du boulevard des Capucines, indifférent au défilé de coiffures exubérantes, un élégant soupire : «100 euros, c’est un peu cher…» Dimanche soir, comme à chaque fois que X Maleya a joué en France, la salle a refusé du monde, et la revente a tourné à plein. Mais cette fois, la différence était de taille : après avoir rempli les Docks de Paris ou le Palais des Congrès de Montreuil, deux salles de la proche banlieue au nom ronflant et à l’acoustique déficiente, les rois de l’afro-pop camerounais faisaient une entrée triomphale dans la capitale.
Trois jours plus tôt à Pantin (Seine-Saint-Denis), le trio s’accordait une pause dans les répétitions, pour parler à Libération. «Nos précédents concerts en France ont été remplis, aujourd’hui nous voulons franchir une étape», expliquait Roger, le plus bavard des trois chanteurs danseurs de X Maleya, avec Gustave et Haïssama, dit Haïss.
Né en 1998, X Maleya a mis une dizaine d’années à percer, grâce au tube Yelele, dansé dans toute l’Afrique et réenregistré-remixé en 2009 par le rappeur franco-camerounais Pit Baccardi. «Gustave et moi avons grandi ensemble à Biyem-Assi, un quartier très populaire de Yaoundé», retrace Roger. Gustave ajoute : «A l’origine, on était danseurs, on se produisait dans les kermesses intercollèges. On a démarré comme un boys band, on adorait les Backstreet Boys, N’Synch…» Le trio multiracial se complète avec l’arrivée de Haïss, au parcours singulier : «Je suis né au Koweït, de père américain et mère franco-camerounaise. J’étais venu en vacances voir ma famille, et j’ai rencontré Gustave, avec qui j’ai commencé à jouer. Je devais rester quelques semaines, je ne suis plus reparti.»
Yelele:
Dimanche soir, devant un public fougueux conquis d’avance, les trois artistes ont montré leurs qualités de danseurs et chanteurs rappeurs. Le spectacle, qui a débuté avec l’hymne national, était loin d’être parfait : les excellents musiciens étaient hélas cantonnés sur les côtés et au-dessus de la scène, et une saynète, avec la participation du comique Thomas Ngijol, a paru un poil trop longue. Mais il y avait dans l’air une ambiance de fête, une chaleur humaine et un plaisir d’être ensemble qu’on aurait cherchés en vain les jours précédents au Stade de France, lors de la superproduction de Beyoncé et de son époux.
Reprises. De nombreux invités se sont succédé sur la scène : outre le footballeur Samuel Eto’o (lire ci-contre), Manu Dibango est venu avec son saxo apporter sa bénédiction à ses compatriotes ; Pit Baccardi, en toute modestie, a proclamé «Pit Baccardi et X Maleya, c’est l’avenir du Cameroun», et la star du Nigeria J Martins a enflammé la fin du concert.
Son Me:
Le succès de X Maleya tient à l’habile mélange de sons urbains (rap et r’n’b) et de rythmes de danse du Cameroun : makossa,bikutsi, assiko. Le groupe chante en français, anglais et bassa, et n’oublie pas le patrimoine africain, via des reprises d’Eboa Lottin ou Théo Blaise Kounkou.
Pour s’offrir l’Olympia, le groupe a mis la main à la poche, finançant une partie des frais de production. «Avec l’argent investi, explique Roger, on aurait pu faire construire un immeuble et rester tranquilles. On ne gagnera pas d’argent avec ce concert, même si la salle est pleine, mais on aura prouvé qu’on peut venir de Biyem-Assi et triompher dans une des plus belles salles d’Europe.»
Malgré le succès, le trio est resté fidèle à son quartier d’origine, qu’il aurait pourtant pu quitter pour un voisinage plus aisé. «Notre maison n’était pas bien belle, nous l’avons améliorée», dit sobrement le porte-parole du groupe. Pour qui il n’est pas question de déménager en Europe pour y développer sa carrière. «Rester au pays, poursuit Roger, c’est un devoir. Parce que, depuis l’Europe, tu ne peux pas bâtir l’Afrique. Notre bonheur, nous le construirons chez nous, pas ailleurs.»
Le discours de Samuel Eto’o à l’Olympia dimanche soir:
Pourtant, nombre de musiciens camerounais ont dû s’expatrier pour s’imposer : le bassiste Richard Bona, le guitariste Vincent Nguini, directeur musical de Paul Simon… Roger les connaît bien : «Nous leur disons : « Grands frères, faites le tour du monde mais revenez de temps en temps. Organisez des ateliers, venez rencontrer les jeunes, apportez du matériel. Faites-nous profiter de votre expérience. »»
Pour X Maleya, l’enjeu est désormais d’attirer l’attention des radios et labels européens, et d’élargir son public comme l’a fait un groupe à qui on les compare souvent : les Ivoiriens de Magic System. Prochaine étape du plan stratégique : deux concerts en novembre, à Londres et à Manchester. L’objectif sera de faire aussi bien qu’à Paris, où X Maleya a remporté une éclatante victoire à l’extérieur.
©Francois-Xavier GOMEZ